vendredi 21 mai 2010

L'orthographe et les déménagements

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Dans nos sociétés, les gens peuvent se battre jusqu'à la mort pour une place de stationnement.


Mais installez un carton, précairement attaché à une stupide cordelette, avec l'inscription «Résèrver - Démainajement», et les automobilistes déguerpiront sans demander leur reste.


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mardi 18 mai 2010

La règle grammaticale, enseigne-moi-la!


Cette semaine, une publicité télé m’a à nouveau fait friser les oreilles (vous me direz sûrement que c’est pcq j’écoute trop de télé que les oreilles me frisent…) : on y parlait de produits alimentaires préparés au Québec et l’annonce se terminait sur : «Procurez-vous-les!»

Convaincue qu’il s’agissait là d’une grossière erreur grammaticale (bien que la forme soit plutôt répandue à l’oral et pas nécessairement jugée fautive pour autant), j’ai empoigné mon Grevisse, cherchant avidement la règle qui donnerait tort à la pub.

GREVISSE
«Si un impératif sans négation a deux pronoms compléments d’objet, l’un direct, l’autre indirect, on place le complément d’objet direct le premier : Dites-le-moi.»(1)

«Ah ha!» me disai-je triomphante. …Jusqu’à ce que j’aperçoive la suite :

«Toutefois, il arrive qu’on ait l’ordre inverse : Rends-nous-les. (Hugo.)»(1)

Moi qui préfère quand les choses sont claires, inambiguës, j’ai été vaguement déçue de cet usage «flottant». Mais à vrai dire, j’étais aussi un peu sceptique. Ce qui m’a amenée à chercher d’autres références, sur le Web.

BANQUE DE DÉPANNAGE LINGUISTIQUE DE L’OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE (OQLF)
«Dans une phrase affirmative, lorsqu'un verbe à l'impératif est employé avec deux pronoms, celui qui est complément direct se place immédiatement après le verbe, suivi du pronom complément indirect. Notons qu'il y a un trait d'union entre le verbe et les pronoms. […]

Exemples :
- Ce livre est à nous. Rends-le-nous. (Rends-nous quoi? ce livre : le, mis pour livre, est complément direct; Rends ce livre à qui? à nous, complément indirect)
- Cette lettre est pour elles. Adresse-la-leur. (Adresse leur quoi? cette lettre : la, mis pour lettre, est complément direct; Adresse la lettre à qui? à leur, complément indirect)

[…]

On rencontre parfois l'inversion de l'ordre habituel des pronoms dans une phrase impérative, surtout à l'oral. Il est toutefois préférable d'éviter cet usage, surtout dans la langue écrite.

Exemples :
- Cet ouvrage est à moi. Donne-le-moi. (et non : donne-moi-le)
- Nous avons acheté des meubles ici il y a déjà trois semaines. Livrez-les-nous dès que possible. (et non : livrez-nous-les(2)

À L’OQLF, on recommande donc clairement d’éviter, au moins à l’écrit, la tournure entendue dans la pub (tournure «orale», me direz-vous? certes; par contre, le niveau de langue des pubs narrées se situe habituellement plus près de la langue écrite que de la langue orale). Dans les différents ouvrages didactiques sur le français que j’ai trouvés sur le Web, on semblait aussi abonder dans le sens de l’OQLF.

Il semble donc qu’il vaille mieux privilégier la forme verbe-COD-COI à l’écrit (ou en contexte plus «formel»), alors que les formes verbe-COD-COI et verbe-COI-COD concurrencent à l’oral.

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.116.]
(2) http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4206

vendredi 7 mai 2010

Back from the actus, et déjantement subséquent (vous avez l’habitude)

Voici ce qui arrive quand des linguistes (aussi connus sous le charmant vocable « bêtes de fun » ou « M. et Mme Party »)*, et fonctionnaires, de surcroît, (alors là on déjante, c’est Lollapalooza fois Woodstock à la puissance Ta première cuite comme mégateuf) unissent leurs cogitations :


http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/03/31/01016-20100331ARTFIG00455-des-mots-originaux-pour-lutter-contre-les-anglicismes-.php


Bon, tout sarcasme à part, chouette idée, non? On fait un concours, on trie des professionnels, des Académiciens (pas Starac’, là...), des joueux-avec-la-langue (McSolaar, quand même, non mais hein, quoi), on fait tout un tintouin, battage médiatique, on propose des cadeaux, des voyages dans les Îles ou du Botox (j’ai pas lu tout l’article, mais ça semblait se diriger vers ça), du coup, hop, ça amuse, ça reste en tête, et les ceux-qui-s’en-balaieraient-hystériquement-le-nombril-avec-le-balai-brosse-de-l’indifférence-à-vitesse-grand-V-tellement-qu’ils-s’en-non-mais-telllllement-qu’ils-s’en-fichent-avec-l’énergie-du-désemparement-proche-de-l’auto-trépanation-à-coup-de-rabot, ben ils se sentent interpellés, se disent, tiens, oui, c’est bête, c’est des mots anglais, autres, faudrait trouver keuk chose tiens, lol, ramdam, c’est pas con.


Voilà ce qui arrive quand j’essaie d’être sérieux tout en étant infoutu de cerner mon sujet.


DONC, bin je trouve l’idée géniale : faire appel au Peuple, l’inclure dans cet ouvrage, la Langue, dont il est quand même l’artisan, quoiqu’en dise l’Académie (NAON, pas Starac’). Moi je trouve ça gentil, ça conscientise, et si ça peut diminuer le sentiment d’impuissance des gens ordinaires (le « vrai monde », qui vaincra, vous verrez, braves gens, ah, ça ira) par rapport à l’hydre de la grammaire, de la conjugaison et de tout le bouzin, bin tant mieux. Se sentir interpellé, c’est se sentir inclus, et ça encourage la participation. Tant mieux.


Ceci dit, vous avez remarqué le terme choisi pour remplacer buzz? Ramdam. Mot d’origine arabe. Ce qui est chouette : preuve que le réflexe freedom fries, dans un monde qui s’amuse à casser de plus en plus du minaret, s’estompe. Que l’arabophobie présente une brèche. Que, inconciemment ou non, on reconnaît l’apport culturel, technique et linguistique de cette culture, et qu’elle fait partie de la nôtre.


Tous ensemble : We are the world.


Bon, envolée humaniste ici, ça doit être le muscadet. Ou une jeunesse de débauche. M’enfin.
Ceci dit, y en a des qui crieront : « Oué, mais là, c’est un mot qui vient de l’arabe, ça reste même pas français, meuh. »


À ceux-là, je dirais que le génie du français aurait pas atteint son zénith** sans toutes les influences, parmi lesquelles celle des reubeus n’est pas la moindre, et qu’il faudrait arrêter de leur casser du sucre** sur le dos, qu’ils peuvent arrêter de faire le caïd** ou les zouaves**, c’est maboul**, et que le protectionnisme, qui mène à l’eugénisme, puis fatalement à la consanguinité linguistique, ben ça me donne le cafard** et c’est zéro***.


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*Quoique.


** Ceux qui aiment l’étymologie doivent rigoler; les autres, ben j’ai mis assez de mots qui étaient arabes à l’origine pour comprendre la manœuvre. Subtil, non. Efficace, sais pas (mais j’en doute).


***Oui, le zéro c’est un chiffre. Dit « Arabe ». C’qu’on en apprend des trucs.

Sans commentaire

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mercredi 5 mai 2010

Playoffs et jambon-beurre


Pélagie est toujours un peu en retard dans les nouvelles.
Époque:
Fin avril.
Printemps québécois louchement clément aux nuances radioactives.
Mais frisquet dans les Europes. Revanche.

Contexte:
Férocisation des chicanes linguistiques en Bruxellie.
Ringardisation de la langue française en Francie: t’es in ou t’es out.
Floklorisation politiquement programmée de la même en Canadie.
Marginalisation de la Francie en Francophonie.

Lieu: Montréal.

Événement:
Un miracle sportif s’est produit. Vous le savez mieux que moi. Vous étiez en liesse dans les rues de Montréal ou nuisiez au sommeil de votre prochain à l’aube, dans un réduit parisien un peu moisi, qui sentait l’urine, l’humidité, la plomberie congestionnée, le vieux chat, etc.

J’oublie parfois que la France compte son lot d’amateurs de hockey. Des qui ont fait un voyage au « Canada » (comme ils disent) et sont restés accrochés; des qui sont en couple avec un individu de par ici; des qui n’ont pas assez du foot pour assouvir leur passion de téléspectateur émotif, et d’autres encore, et des meilleurs.

Et voilà que sur un blogue de Le Monde.fr, « Playoffs - L’actualité des sports américains », Français et Québécois se réunissent autour des Habs pour mieux se diviser sur une veille compétition d’anglicismes (playoffs). 
Résultat: un curieux chapelets de lieux communs, ponctués systématiquement d'un Go Habs Go qui annule la mésentente, mais en fait non.

Personnages:
Les Français (le choeur): amateurs de hockey, qui emploient un ensemble d’anglicismes distincts de ceux en usage au Québec. 
Le Séparatissse: qui grimpe dans les rideaux au sujet de la défense du français.
Le Colonisé: qui a honte du Séparatissse.

Dialogues:

Le Monde.fr:
On appelle cela la « magie des playoffs ». Un poncif, certes, mais aussi parfois une réalité qui vous saute aux yeux, un conte de fée qui vous laisse rêveur à 4 heures du matin, hagard dans votre salon (...) Ou comment les Canadiens de Montréal, dernière équipe qualifiée dans la Conférence Est (au huitième rang), ont le toupet de réduire au silence les Washington Capitals...
Oui, les Montréalais, hargneux et besogneux, sont venus à bout des stars Ovechkin, Backstrom, Green

Le Français:
Cette victoire en séries est tout simplement magnifique. Le CH s’est battu avec ses armes face à une équipe toute puissante et intimidante. (...)
Go habs Go!


Le Séparatissse: 
Bande d’idiots! Personne n’appelle ça « les play-offs » au Québec. On dit « les séries éliminatoires ».
Il n’y a qu’en France qu’on entend ce genre d’expressions anglaises. Puisque vous n’êtes pas colonisés, on ne peut vous qualifier que de « Tarés ».
« Shame on you! »

Le Colonisé:
En Alexis, vous avez malheureusement un représentant de cette minorité de québecois séparatistes qui veulent faire croire aux francophones du monde qu’ils se soucient de la qualité de langue francaise. Hélas, mille fois hélas, je vis au Québec et contrairement à ce que l’on croit, on ne parle pas francais ici mais québecois, autrement dit une espèce de dérivé du francais qui est quotidiennement massacré, tronçonné dans les journaux, les TV, la radio, au bureau…Alexis, comme ses semblables sont incapables d’écrire une phrase sans faire 10 fautes. Tous les sujets sont vus par eux à travers la lorgnette séparatiste.
Quant à moi (et non pas tant qu’à moi comme dirait ces québécois)je préfère quelqu’un qui parle un anglais sans faute à un autre qui massacre la langue francaise.
Vivent le hockey et les Habs !!!

(mille points pour la sur-correction, ici!)
 
Bien du plaisir!
 http://sports-us.blog.lemonde.fr/2010/04/29/lexploit-du-canadien-de-montreal/






mardi 4 mai 2010

«Engagez-vous», qu’ils disaient...


En tant que dinosaure qui use encore du répondeur plutôt que de la boîte vocale, je me suis fait dire, cette semaine : «J’ai essayé de t’appeler plus tôt, mais ça sonnait engagé. Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu ce son!».

La ligne est engagée ou la ligne est occupée?

Petit Robert
«OCCUPÉ, ÉE
2- (CHOSES) Dont on a pris possession. (Au téléphone) Je t’ai appelé deux fois mais c’était toujours occupé, cela sonnait occupé.»(1)

Petit Larousse 1996
«OCCUPÉ, ÉE
2. Qui est pris, utilisé par qqn. Toutes les cabines sont occupées. La ligne téléphonique est occupée. »(2)

Multidictionnaire
«OCCUPÉ, ÉE
1. Qui est pris (par opposition à libre). La ligne téléphonique est occupée (et non *engagée).»(3)

Banque de dépannage linguistique, Office québécois de la langue française
«[…] on peut tout à fait dire que la ligne est en dérangement ou qu’elle est occupée (et non engagée, […] d’après l’anglais : the line is engaged(4)

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(1) [Le nouveau Petit Robert, édition 2004. Paris.]
(2) [Le Petit Larousse illustré, édition 1996. Paris.]
(3) [DeVillers, Marie-Éva (2007). Multidictionnaire de la langue française, 4e édition. Éditions Québec Amérique inc.]
(4) http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=2765