vendredi 4 juin 2010

La méprise


Mise en situation
Cette semaine, mon préambule sera une tranche de vie :

Correctrice pour une entreprise qui émet des documents officiels aux tournures vaguement légales, je m’étais par le passé gaussée de la tournure «y afférent(es)», dans une phrase comme : Je vous présente l’analyse et les autres documents y afférents (on sous-entend ici les documents afférents à l’analyse). Il m’apparaissait alors évident, sans trop y réfléchir, que la tournure correcte était soit …les documents afférents, soit …les documents y afférant, puisque je considérais y comme un pronom utilisé pour remplacer un complément de verbe, complément qui aurait suivi la préposition à : Je vais à MontréalJ’y vais; Je peux me fier à LouisJe peux m’y fier.

GREVISSE
«En et y sont pronoms personnels quand, représentant, soit un nom de chose ou d’animal, soit une idée, ils équivalent, le premier à un complément construit avec de, le second à un complément construit avec à ou dans(1)

Mon (pres)sentiment était donc qu’il fallait nécessairement qu’il y eût un verbe pour qu’on puisse utiliser y. Je ne concevais pas qu’on puisse utiliser pareil pronom avec un adjectif, et pour qu’afférent devienne verbe, il fallait alors qu’on l’utilise sous la forme d’un participe présent. J’attribuais donc l’erreur de la forme y afférent(es) à une vulgaire erreur basée sur le caractère identique, à l’oral, d’afférent et afférant. Tout semblait logique.

La méprise
Eh bien mes chers amis lecteurs, j’ignore combien d’entre vous étiez au courant de ce que je m’apprête à vous révéler au détour de l’hyperlien ci-dessous, mais il semble que j’étais dans l’erreur la plus totale et époustouflante et que la tournure y afférent(es), qui a d’abord suscité l’hilarité chez mes amis-z’et-collègues correcteurs et moi, est bel et bien correcte! Et pire encore, je découvre qu’une de mes suggestions de correction mentionnées plus haut est, elle, fautive. Comme quoi l’instinct du correcteur est parfois son pire ennemi!

L’explication
Si vous être prêts à vous laisser décoiffer et à remettre en question vos certitudes grammaticales, cliquez ici!

L’application
Le pronom y peut donc tout aussi bien être utilisé avec un adjectif qu’avec un verbe, pour autant que cet adjectif appelle un complément qui suit la préposition à : les informations relatives à ce travailles informations y relatives (détail amusant : aveuglée par la cohérence de mon analyse syntaxique initiale, j’avais d’abord négligé le fait que le verbe «afférer (à)» n’existe pas; impossible, donc, de créer la forme afférant).

J’adoooore notre belle langue française pour ça : alors qu’on croit en maîtriser presque toutes les finesses, elle nous surprend tout à coup avec des fioritures qui nous avaient échappé jusque-là. :) C’est là une belle leçon d’humilité, qui me rappelle qu'il est important de douter et qu’il est essentiel de toujours retourner aux sources.

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.119, paragraphe 243.]

12 commentaires:

  1. Anonyme6/10/2010

    Très enrichissant! bravo pour la recherche et merci pour le partage!

    Phil G.

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  2. Anonyme7/25/2010

    Bonjour,
    je me trouvais dans la même situation que vous : j'étais persuadé qu'étaient confondus afférant et afférent, et je ne pouvais m'empêcher d'expliquer à mes interlocuteurs pourquoi ils se trompaient : mon explication étant juste (mais fondée sur un postulat de départ faux (existence du verbe afférer)), j'ai réussi à convaincre tout le monde... j'ai l'air malin maintenant !!
    J'en tire personnellement 2 conclusions :
    1/ la langue française est fascinante, mais aussi pleine de pièges, eu égard au fait qu'il s'agit d'une langue VIVANTE (cf l'explication fournie dans l'hyperlien et l'existence puis disparition du verbe afférir, cause de nos tracas ici)
    2/ le raisonnement par l'absurde (dans le cas de ma justification erronée), qui fait toujours des ravages en Maths, s'insinue même là où on ne l'attend pas, dans la langue française : méfiance !

    Merci encore pour cet article

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    1. Anonyme11/20/2012

      Merciiiii, je suis avocate et corrigeait instinctivement le "s'y afférant" en "y afférent" dans mes contrats mais je ne savais pas pourquoi, j'ai maintenant l'explication !

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  3. Quelle joie de lire votre commentaire, «Anonyme». :) Joie doublée devant vos remerciements.

    Je m'enchante de constater que ces questionnements langagiers ne sont pas que miens, mais aussi me vois soulagée d'apprendre que je ne suis pas la seule à tirer de pareils faux raisonnements.

    Continuons de remettre en question nos certitudes : c'est sûrement là la voie la plus sûre vers la [partielle, certes] maîtrise de notre belle langue française.

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  4. Anonyme6/07/2011

    Cette formule est largement utilisée en Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg dans les textes législatifs et donc dans le langage professionnel.
    Pour info.

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  5. Anonyme12/21/2011

    Merci pour la précision, elle m'a permise de me rassurer sur mon français ;-)
    J'utilise souvent cette formule (au vu du commentaire ci-dessus, c'est normal, je suis belge) 'y afférent' et hier ... Pourquoi, comment??? Le doute m'a envahi. Etait-ce parce que je modifiais mon cv et soucieuse de mon orthographe comme premier argument de vente?!
    Ce matin, je me suis mise frénétiquement à la recherche de la correction de mon erreur (non existante), je suis arrivée sur votre blog. Et me voilà donc toute rassurée et sereine.
    C'est avec grand plaisir que je vais continuer à vous suivre.

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  6. Anonyme6/26/2012

    elle m'a permis

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  7. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  8. Anonyme10/25/2012

    Bonjour Cartésie.

    ...elle nous surprend tout à coup avec des fioritures qui nous avaient échappé jusque-là...
    Je voudrais savoir si le participe passé "échappé" s'accorde en genre et en nombre avec "fioritures" ou non?
    Merci par avance.
    Bon courage à tous.

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  9. Anonyme11/12/2012

    Bonjour, pourtant dans le Larousse le verbe afférer existe bien ?? Je suis perdue ! Signifie-t-il autre chose ?

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    1. Anonyme11/20/2012

      Bonjour, c'est le verbe "Afférer A" qui n'existe pas. Le verbe "Afférer" existe bien, mais étant un transitif indirect, il ne peut y avoir de forme "afférant". Synonyme: "incomber" "échoir".

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  10. Bravo et merci pour cette précision!
    Depuis Rabelais et l'utilisation de termes comme "icelui" et "icelle" (pour "celui-ci" et "celle-ci") que j'affectionnais particulièrement, je n'avais de cesse d'user de cet achéo-néo-logisme "i-" (comme "i-celui" ou "i-relatif") dans une libre écriture, me demandant toutefois s'il pouvait être "bien" compris par autrui!?
    je vous remercie donc de vos précisions et userai de l'i-grec dorénavant.

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