mardi 16 novembre 2010

Traducteur's hell


vendredi 22 octobre 2010

Chrono-nique

(merci Chris Madden pour l'image, www.chrismadden.com.uk)

J’aime bien le site xkcd.com. La preuve que ca prend pas de talent en dessin pour faire des dessins drôles, ou de sujet pour bloguer. Un jour, parut sur ce site, ceci : http://xkcd.com/794/.


Pour ceux z’et celles qui peuvent tenir des soirées entières avec que des répliques de François Pérusse, Louis de Funès ou Denise Bombardier (mais ce qu’on doit s’emm...nuyer dans celles-là*, dont je suis, et comme je suis friand de références semi-obscures, insides et autres beurrées de camembert simili-culturel sur la baguette d’interlocuteurs vaguement impressionnés, je me suis dit qu’effectivement, ce phénomène de référencement doit remonter à avant les Simpsons. De même, certaines expressions surannées ou vieillies ont dû, dans leur heure de gloire, avoir des significations différentes que celles desquelles de dont qu'on les affuble en ce jour d’hui.


Bonne nouvelle, alléchés et alléchants lecteurs : j’en ai trouvé :

Copernic : Bon vieux et attachant Cop’, qui a inventé l’équivalent du moon** en se retournant avant de formuler son « Et pourtant elle tourne, bande de cons »***. Ce geste d’éclat lui a valu une expression populaire qui, on s’en doute, a pris une tournure péjorative (l’Église voulant sans doute le discréditer, les affreux).


Se dédire d’un engagement, d’une parole. J’ai dit que je serais là à 8 h, mais elle m’a posé un Copernic. Isaac doit 30 lires à ma maman et fait semblant d’oublier – Je crois qu’il a coperniqué ta mère, mon vieux.

Pluton : récemment, on a utilisé le terme Plutoniser pour dire qu’on se débarrasse de quelque chose, qu’on rétrograde quelqu’un (en référence au passage de Pluton à la définition d’exoplanète, et non plus de membre full membership du système solaire). Cependant, à l’origine de sa découverte en 1930, donc de son inclusion dans le « solar club », plutoniser avait exactement la définition inverse : s’inclure, et par extension, s’incruster.


On avait organisé une teuf privée, mais cette raclure de Rebecca s’est plutonisée.

Colomb : « cet oeuf de Colomb », comme l’a à peu près dit Greg, a eu droit lui aussi à son expression...mais la nature humaine étant ce qu’elle est, on n’a pas choisi une tournure qui était flatteuse pour le découvreur du Nouveau Monde (après les Vikings et les Élohims). D’ailleurs, comment être flatteur envers un mec qui va se balancer dans le vide sidéral, où la Terre s’arrête?
Arrête de faire le Colomb, sinon je t’en colle une paire. (Notons que Colomb, Colon et Clown ont une proximité amusante, que quelqu’un me prête son dico étymologique, merci, je le rapporte la semaine prochaine).

Le roi Salomon : Oui ben les blagues et les tournures référencées, ça date pas d’hier (Lascaux n’est-elle pas la première BD, l’ancêtre de Jackass 3D?). Aussi le sage et over-pragmatique monarque a-t-il fait l’objet d’une expression soulignant à peine l’incompréhension de ses sujets quand il a fait le coup du bébé en deux :


Prendre au pied de la lettre, obstinément; être obtus (et aimer accessoirement jouer du couteau). Le douanier à la frontière de Judée a ouvert la deuxième bosse de mon chameau, parce qu’il la trouvait suspecte : l’est con comme Salomon çui-là.

Tiens, restons dans le biblique, et jouons un peu : saurez-vous dire à quel savoureux épisode de l’Ancien Testament l’expression suivante réfère-t-elle?


Une nuée de sauterelles vaut mieux que deux anges de la mort qui vont te choper ton premier-né.

Revenons plus près de chez nous, chronologiquement. Certaines spécialités ont des expressions, des termes bien à eux : il est donc naturel qu’une tournure liée à certains corps de métier (d’ailleurs, pourquoi corps?) se développent, et soient incomprises des profanes. Ainsi, les bourreaux et autres exécuteurs, du bon vieux temps où inquisitions et guerres de religion (tiens, j’aurais pu faire un lien avec plus haut, trop tard) les tenaient loin du chômage et des désagréableries qu’ils dispensaient eux-même allègrement, avaient une expression bien à eux :

Ça brûle! (aujourd’hui, on dirait « Ça baigne ») : Ça va Georges? – Oui! On a du travail, on ne meurt pas du scorbut, ça brûle dans l’huile.


Le hic, c’est que quand ils se disaient ça, les gens avaient beau demander ce que ça voulait dire, ils étaient trop occupés à hurler sur un bûcher ou à se faire écarteler pour le dire aux autres.

Tiens, tuons le reste de cohérence et remontons à un dernier exemple sans chronologie aucune : le bon vieux canasson de Troie. Pendant un trop bref instant (entre quand ils ont trouvé le cheval et après l’avoir ramené en ville), on fêtait et se réjouissait :


Recevoir un présent, une récompense après un effort, un siège : Ce cheval de Troie déchire sa race! La preuve qu’on parlera toujours des Troyens comme des gens rusés et pas cons tralalère!
(À noter que cette expression n’a été utilisée qu’une seule fois.)

Bien sûr, des expressions, j’en ai trouvé des tas (notemment un répertoire inépuisable sur le pape Pie VII), mais j’en ai assez fait pour aujourd’hui et en plus j’ai même pas le temps de faire une conclusion.
_____
* oui c’est là que va la parenthèse fermante, avouez que ca vous a titillé. ).
** Se montrer les fesses dans le but de marquer un dédain qui ma foi n’a pas froid aux yeux.

***C'était Galilée? Ah bon. Mais les deux étaient plutôt d'accord, et en plus cet aparté serait apocryphe selon wiki, et si vous voulez bien arrêter de fiche en l'air mes jeux de mots, merci, ça rendrait service.

mardi 12 octobre 2010

Boutez le français hors de France!

Notre langue française, réputée difficile, est défendue en France par les antiquaires et au Québec, par les fonctionnaires. Dans le premier cas, les militants pour sa pérennité sont perçus par les modernes comme des passéistes ombrageux et dans le second, comme des extrémistes politiques. Tout ça pour dire que la protection du français, langue de travail, rencontre les résistances que lʼon sait au coeur de ses anciens bastions, commerce oblige, et lʼon a suffisamment déploré ce fait pour que le rappel soit bref.

Ce que lʼon sait moins, cʼest que le français connaît une expansion fulgurante en tant que langue de travail en Afrique, mais aussi en Asie, au point que le nombre de ses locuteurs, à lʼinstar de la population mondiale, atteint des sommets inédits.

Voilà la nouvelle qui découle de la grande étude réalisée par lʼOrganisation internationale de la francophonie dans La langue française dans le monde, 2010.


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Références

Le Devoir (par Christian Rioux)
Europe1
Actualitté (par Victor de Sepausy)
Le Soleil (par Gilbert Lavoie)
Radio-Canada

mardi 28 septembre 2010

Rentrée langagière: bêtisier


Septembre. Au mois 1 du cycle annuel de ce que nos médias se plaisent à appeler les «débats sur la langue», lecteurs et chroniqueurs (surtout lecteurs, finalement) sʼéclatent sur les périphéries de lʼactualité aux quatre coins du Web francophone. Rebelote pour les lieux communs, donc. Qui déplore un «phénomène inquiétant», tombant des nues; qui sʼextasie sur la beauté de sa langue. La rengaine. Mais quelques trouvailles aussi, rafraîchissantes.

Mes préférées:

«La maitrise de l’orthographe est devenue un fléau chez les jeunes mais aussi dans le monde professionnel.»
(GazetteInfo, 28 septembre 2010, Dijon)

Un fléau bien timide encore, dʼaprès Le Faso:

«Depuis quelques années, nous assistons à un phénomène inquiétant: celui de la baisse du niveau de maîtrise de la langue française.»
(Le Faso, 3 septembre, Ouagadougou)


(Cʼest ça, quʼelle voulait dire, lʼobscure Gazette de Dijon, au début?)

Fine analyse. Mais encore:

«Tout cela parce que, quelque part, tout ce qui relève de la langue et de la littérature, [sic] est considéré comme l’apanage des gens moins intelligents, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas capables de faire les maths, la physique, etc. Aucun effort n’est pratiquement fourni par les usagers du français, pour améliorer leur maniement de la langue.»
(Idem)

Vexant, non?

Chez les excellents et toujours pertinents correcteurs du Monde, on se permet aussi lʼhypothèse farfelue:

«Curieuse évolution, que l’on pourrait qualifier d’"accord pluriel de proximité", qui voit le verbe, normalement au singulier, se chercher un sujet fantaisiste plus proche que le sien propre, du moment qu’il est au pluriel. Un autre symptôme de cette inflation du pluriel que l’on constate partout.»
(Langue Sauce piquante, Juillet 2010)

Là, je soupçonne lʼironie. On taquine gentiment les rédacteurs pressés qui massacrent lʼorthographe grammaticale: cʼest de bonne guerre! «Accord de proximité»... Désignation flatteuse pour le résultat dʼune absence dʼanalyse grammaticale, comme si lʼon souhaitait attribuer à lʼauteur de la faute une certaine rationalité dans ce petit crime.

Plus insensibles à lʼhumour sont parfois les lecteurs. Ici, Dimitri Boisdet sʼalarme des «constats» précédents:

«Agissons plutôt quand il le faut, comme face à des évolutions grossières parmi lesquelles cette tendance nouvelle à ne plus accorder le verbe avec son sujet, pourtant b-a ba de la grammaire.»
(LeMonde.fr, Chronique dʼabonnés,
«La langue française en danger?», 12 septembre 2010)

Et platement confond, comme vous surement, le français et son orthographe; cet improbable et malheureux système de rustines graphiques (accompagné de son corrollaire, la Faute) mis en place à la va-comme-je-te-pousse pour les mauvaises raisons, dénaturant ainsi le système dʼécriture alphabétique quasi-universel qui était, à lʼorigine, celui du français.

«Dʼautres — intellectuels, linguistes, écrivains — prônent une simplification du français.»
(Idem)


Nʼimporte quoi, je vous dis.

À lʼopposé, pour une dose dʼhumour, de finesse et dʼintelligence, offrez-vous de temps en temps les observations hilarantes et commentaires de lecture de Benoît Melançon sur lʼOreille tendue; les chroniques linguistiques fouillées de Jacques Desrosiers, du BTB; les discussions linguistiques souvent de haut calibre du forum lʼABC de la langue française ou, pour la grande aventure, le voyage intérieur fascinant de Mario Périard, le Don Quichotte de lʼorthographe, sur Ortograf.net.

jeudi 9 septembre 2010

Photoshoppez ce cigare que je ne saurais voir

Le cigare de Fidel, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé?







Vous allez voir, je pars de loin, mais vous allez comprendre.

Petit a) : Y a un bout de temps déjà (le lien date de juin), débat, ire, manifs, chemises déchirées, et même un mec qui a tenté de sacrifier un poulet (le poulet a gagné). La raison : on osa modifier une photo historique de Churchill – bon, je sais pas pourquoi, j’ai pas lu l’article*, mais on a fait disparaître le cigare.

http://www.dailymail.co.uk/news/article-1286620/Churchill-non-smoker-How-todays-PC-censors-airbrushed-cigar.html

Ce qui est drôle, parce qu’il y a eu un autre chef d’État à qui on a reproché lourdement d’avoir fait disparaître les siens à l’intérieur d’un endroit jugé inapproprié (il avait pas photoshop, alors il a demandé à son assistante, qui a pris la chose en, euh, mains**). Mais on s’écarte.

Petit b) : En jasant langue, on m’a fait observer que le mot frugal n’avait pas le sens que je lui prêtais : je pensais qu’il était péjoratif, signifiait ‘peu, en quantité insuffisante’, et qu’un repas frugal n’était pris que par des moines qui se mortifient, des adeptes de famine, peste et autres pestiletielleries, et par Astérix chez les Bretons (« ça est frugal!?!?! »). J’errai, qu’on me dit, et on me fit observer que le sens propre est ‘simple, peu abondant’ (mais pas nécessairement ‘insuffisant’).

Vous me connaissez : ma mauvaise foi à la main, j’entreprends de justifier que cette méprise est la faute de la société, pas la mienne, que je ne suis que le jouet de mes sens abusés, qui s’attache à notre âme et la force d’aimer, et tout le saint-frusquin. Puis, voyant mes interloqués interlocuteurs arquer le sourcil en une pirouette qui signifie « tu frimes, Délèque », j’ai prétexté un sanglier sur le feu pour me pousser en douce.

Mais mine de rien, j’ai cogité. Et je me suis dit que j’ai eu un réflexe typiquement gros consommateur nord-américain qui vit dans l’abondance, qui surabuse de tout, qui te fait une empreinte carbone grosse comme ça et qui me te vous laisse rouler le moteur de son Hummer devant l’Institut des Orphelins Aveugles Ambylopes et Néanmoins Daltoniens qui ont Perdu leur Ti-chat Violemment Allergiques au Monoxyde de Carbone. Bref, qui a peut-être, sous l’influence de son environnement disons « culturel », inconsciemment modifié son vocabulaire selon sa perception de la réalité. Environnement de consommation et de crainte constante de manquer d’écarteurs d’orteils Hello Kitty = démonisation de toute idée évoquant le manque, le peu, le n’a pus.

Allez, on y est presque, pour ceux qui pensent encore au cigare.

Idée saugrenue qui m’apparut alors : si j’étais pas le seul? Si, « culturellement », on décidait, comme le cigare, de gommer les imperfections non seulement des photos, mais de, genre, lol, on rigole, là, mais de la littérature***? Si Cosette, on décidait qu’elle était en restructuration à cause de la dévaluation de ses titres adossés à du papier commercial? Qu’on ajoute à la biographie (ou la page wiki, tiens) de Gandhi qu’il était commandité par Mcdo? Que Raskolnikov, au lieu de dégommer la vieille, entame des négociations pour un assouplissement de la politique de la banque centrale? Que Job prie pour que le veto sur l’accord de libre-échange en Judée passe?

Je m’amuse, là, mais je pose la question quand même : l’environnement économico-culturel finira-t-il par rétro-interpréter et plurisémantiquer la logique métalangagière?

...quelqu’un a de l’aspirine?
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*Vous pouvez le faire, vous, le simple fait que vous lisassiez ces lignes semble un bon indicateur du fait que vous avez à la fois une soif de culture débordante et une quantité appréciable de temps pour le faire, et je dis ça comme un compliment, sans jugement aucun, allez.

** Oui, on a décidé à ML de faire dans le salace, ça booste l’audimat.

***Je suis également dans une vache de période orwellio-huxleytoise (huxleyienne? huxleyesque?).

mardi 17 août 2010

Bienvenue au Kannada!

Considérant que la communauté tamoule parle une langue dravidienne, cousine, donc, du Kannada (télougou), Mauvaize langue! prie le gouvernement Harper de respirer par le nez dans le dossier «visite suprise».



Le lien est clair.

vendredi 6 août 2010

Sueurs froides

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L'orthographe a ce pouvoir étrange consistant à hanter, parfois très longtemps, celui qui en fait un mauvais usage.


Oui, une faute d'orthographe peut vous poursuivre toute votre vie.

Absolument.


De là à dire que l'orthographe et la syntaxe sont des entités vivantes, il n'y a qu'un pas.



Combien de fois, des heures, même des années après un examen ardu, nous sommes-nous éveillés en pleine nuit avec, en tête, l'horrible vision d'horreur d'une grossière faute oubliée sur sa copie?




Horrible vision d'horreur




Jamais?


Bon.




Si cependant, tel est le cas, prière de laisser un commentaire détaillé.
Un groupe de soutien a été mis sur pied et vous aidera dans vos démarches.

Merci.

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mercredi 21 juillet 2010

Sémantique ludique

Vous connaissez ce jeu amusant qui consiste, en lisant l’hébreu, à deviner les voyelles que, par parti pris ludique, on n’écrit plus que pour les enfants et les aveugles?


La communauté sémite n’est pas la seule à cultiver l’usage de la devinette systématique dans l’usage de sa langue. Nos cousins anglo-saxons, en effet, font de même en permettant l’agglutination débridée de noms, liés entre eux par des relations sémantiques tacites que le lecteur/interlocuteur non natif en est réduit à deviner (voire à inventer), sans préposition ni indice pour le guider dans son interprétation (sa construction?) du sens précis de la phrase.

Ce procédé syntaxique, bien qu’il puisse sembler, à première vue, pour un esprit français ultra-analytique, nuire au potentiel de précision des énoncés, comporte certains avantages: facile à apprendre et à utiliser, souple, robuste, laissant la porte ouverte à toutes les interprétations, cultivant un flou artistique reflétant bien le principe de liberté individuelle si cher à la culture anglo-saxonne.

On ne s’étonnera pas que certains milieux professionnels francophones en soient venus à l’adopter aussi dans la production de leur documentation technique.

Qu’est-ce, en fin de compte, qu’un «processus système»?

La réponse vous appartient.

mardi 6 juillet 2010

Un coup dur pour la OQLF way of life

La compétition entre les tenants québécois d’une terminologie financière purement française, d’une part, et ceux de l’emprunt systématique de termes techniques anglais, d’autre part, voit ces derniers gagner du terrain.

Par un rapport interne destiné aux employés du cabinet multinational de services financiers qui m’emploie, j’appends * que désormais, «vérification» s’inclinera devant «audit», et dans la même veine, que la plupart des termes financiers francisés par l’OQLF proposés comme alternatives à la terminologie anglaise communément utilisée par le reste de la francophonie (lire «la France») ne sont pas retenus par les entités décisionnelles des milieux financiers.

Un pas en avant pour l’efficacité communicationnelle internationale, deux en arrière pour la tradition française, la culture livresque, l’interventionnisme linguistique à la québécoise, la diversité.

À moins que les réviseurs linguistiques ** des cabinets internationaux ne s’engagent dans une guérilla terminologique à finir entre deux cafés, on est cuits les mecs!


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* Ça fait plus d'un mois, déjà, mais la saison effervescente des services financiers ne m’a pas laissé le loisir, jusqu’ici, de vous faire part de la nouvelle.

* Ces réviseurs! Toujours prêts à courir au front pour la moindre virgule!

jeudi 10 juin 2010

Bernard Pivot

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Profitons de ce blog langagier pour
vous entretenir de Bernard Pivot.





Grand amoureux de la langue et des livres, notre animateur eut,
à quelques reprises lors de son émission, à composer
(et cela n'est nullement incompatible, nous en convenons fort bien)
avec de singulières situations
en compagnie de tendres personnages, tels



Charles Bukowski.



Que ceci serve d'exemple à tous les amoureux de la langue et des lettres que nous sommes.

Une bonne fin de semaine à tous.


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vendredi 4 juin 2010

La méprise


Mise en situation
Cette semaine, mon préambule sera une tranche de vie :

Correctrice pour une entreprise qui émet des documents officiels aux tournures vaguement légales, je m’étais par le passé gaussée de la tournure «y afférent(es)», dans une phrase comme : Je vous présente l’analyse et les autres documents y afférents (on sous-entend ici les documents afférents à l’analyse). Il m’apparaissait alors évident, sans trop y réfléchir, que la tournure correcte était soit …les documents afférents, soit …les documents y afférant, puisque je considérais y comme un pronom utilisé pour remplacer un complément de verbe, complément qui aurait suivi la préposition à : Je vais à MontréalJ’y vais; Je peux me fier à LouisJe peux m’y fier.

GREVISSE
«En et y sont pronoms personnels quand, représentant, soit un nom de chose ou d’animal, soit une idée, ils équivalent, le premier à un complément construit avec de, le second à un complément construit avec à ou dans(1)

Mon (pres)sentiment était donc qu’il fallait nécessairement qu’il y eût un verbe pour qu’on puisse utiliser y. Je ne concevais pas qu’on puisse utiliser pareil pronom avec un adjectif, et pour qu’afférent devienne verbe, il fallait alors qu’on l’utilise sous la forme d’un participe présent. J’attribuais donc l’erreur de la forme y afférent(es) à une vulgaire erreur basée sur le caractère identique, à l’oral, d’afférent et afférant. Tout semblait logique.

La méprise
Eh bien mes chers amis lecteurs, j’ignore combien d’entre vous étiez au courant de ce que je m’apprête à vous révéler au détour de l’hyperlien ci-dessous, mais il semble que j’étais dans l’erreur la plus totale et époustouflante et que la tournure y afférent(es), qui a d’abord suscité l’hilarité chez mes amis-z’et-collègues correcteurs et moi, est bel et bien correcte! Et pire encore, je découvre qu’une de mes suggestions de correction mentionnées plus haut est, elle, fautive. Comme quoi l’instinct du correcteur est parfois son pire ennemi!

L’explication
Si vous être prêts à vous laisser décoiffer et à remettre en question vos certitudes grammaticales, cliquez ici!

L’application
Le pronom y peut donc tout aussi bien être utilisé avec un adjectif qu’avec un verbe, pour autant que cet adjectif appelle un complément qui suit la préposition à : les informations relatives à ce travailles informations y relatives (détail amusant : aveuglée par la cohérence de mon analyse syntaxique initiale, j’avais d’abord négligé le fait que le verbe «afférer (à)» n’existe pas; impossible, donc, de créer la forme afférant).

J’adoooore notre belle langue française pour ça : alors qu’on croit en maîtriser presque toutes les finesses, elle nous surprend tout à coup avec des fioritures qui nous avaient échappé jusque-là. :) C’est là une belle leçon d’humilité, qui me rappelle qu'il est important de douter et qu’il est essentiel de toujours retourner aux sources.

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.119, paragraphe 243.]

vendredi 21 mai 2010

L'orthographe et les déménagements

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Dans nos sociétés, les gens peuvent se battre jusqu'à la mort pour une place de stationnement.


Mais installez un carton, précairement attaché à une stupide cordelette, avec l'inscription «Résèrver - Démainajement», et les automobilistes déguerpiront sans demander leur reste.


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mardi 18 mai 2010

La règle grammaticale, enseigne-moi-la!


Cette semaine, une publicité télé m’a à nouveau fait friser les oreilles (vous me direz sûrement que c’est pcq j’écoute trop de télé que les oreilles me frisent…) : on y parlait de produits alimentaires préparés au Québec et l’annonce se terminait sur : «Procurez-vous-les!»

Convaincue qu’il s’agissait là d’une grossière erreur grammaticale (bien que la forme soit plutôt répandue à l’oral et pas nécessairement jugée fautive pour autant), j’ai empoigné mon Grevisse, cherchant avidement la règle qui donnerait tort à la pub.

GREVISSE
«Si un impératif sans négation a deux pronoms compléments d’objet, l’un direct, l’autre indirect, on place le complément d’objet direct le premier : Dites-le-moi.»(1)

«Ah ha!» me disai-je triomphante. …Jusqu’à ce que j’aperçoive la suite :

«Toutefois, il arrive qu’on ait l’ordre inverse : Rends-nous-les. (Hugo.)»(1)

Moi qui préfère quand les choses sont claires, inambiguës, j’ai été vaguement déçue de cet usage «flottant». Mais à vrai dire, j’étais aussi un peu sceptique. Ce qui m’a amenée à chercher d’autres références, sur le Web.

BANQUE DE DÉPANNAGE LINGUISTIQUE DE L’OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE (OQLF)
«Dans une phrase affirmative, lorsqu'un verbe à l'impératif est employé avec deux pronoms, celui qui est complément direct se place immédiatement après le verbe, suivi du pronom complément indirect. Notons qu'il y a un trait d'union entre le verbe et les pronoms. […]

Exemples :
- Ce livre est à nous. Rends-le-nous. (Rends-nous quoi? ce livre : le, mis pour livre, est complément direct; Rends ce livre à qui? à nous, complément indirect)
- Cette lettre est pour elles. Adresse-la-leur. (Adresse leur quoi? cette lettre : la, mis pour lettre, est complément direct; Adresse la lettre à qui? à leur, complément indirect)

[…]

On rencontre parfois l'inversion de l'ordre habituel des pronoms dans une phrase impérative, surtout à l'oral. Il est toutefois préférable d'éviter cet usage, surtout dans la langue écrite.

Exemples :
- Cet ouvrage est à moi. Donne-le-moi. (et non : donne-moi-le)
- Nous avons acheté des meubles ici il y a déjà trois semaines. Livrez-les-nous dès que possible. (et non : livrez-nous-les(2)

À L’OQLF, on recommande donc clairement d’éviter, au moins à l’écrit, la tournure entendue dans la pub (tournure «orale», me direz-vous? certes; par contre, le niveau de langue des pubs narrées se situe habituellement plus près de la langue écrite que de la langue orale). Dans les différents ouvrages didactiques sur le français que j’ai trouvés sur le Web, on semblait aussi abonder dans le sens de l’OQLF.

Il semble donc qu’il vaille mieux privilégier la forme verbe-COD-COI à l’écrit (ou en contexte plus «formel»), alors que les formes verbe-COD-COI et verbe-COI-COD concurrencent à l’oral.

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.116.]
(2) http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4206

vendredi 7 mai 2010

Back from the actus, et déjantement subséquent (vous avez l’habitude)

Voici ce qui arrive quand des linguistes (aussi connus sous le charmant vocable « bêtes de fun » ou « M. et Mme Party »)*, et fonctionnaires, de surcroît, (alors là on déjante, c’est Lollapalooza fois Woodstock à la puissance Ta première cuite comme mégateuf) unissent leurs cogitations :


http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/03/31/01016-20100331ARTFIG00455-des-mots-originaux-pour-lutter-contre-les-anglicismes-.php


Bon, tout sarcasme à part, chouette idée, non? On fait un concours, on trie des professionnels, des Académiciens (pas Starac’, là...), des joueux-avec-la-langue (McSolaar, quand même, non mais hein, quoi), on fait tout un tintouin, battage médiatique, on propose des cadeaux, des voyages dans les Îles ou du Botox (j’ai pas lu tout l’article, mais ça semblait se diriger vers ça), du coup, hop, ça amuse, ça reste en tête, et les ceux-qui-s’en-balaieraient-hystériquement-le-nombril-avec-le-balai-brosse-de-l’indifférence-à-vitesse-grand-V-tellement-qu’ils-s’en-non-mais-telllllement-qu’ils-s’en-fichent-avec-l’énergie-du-désemparement-proche-de-l’auto-trépanation-à-coup-de-rabot, ben ils se sentent interpellés, se disent, tiens, oui, c’est bête, c’est des mots anglais, autres, faudrait trouver keuk chose tiens, lol, ramdam, c’est pas con.


Voilà ce qui arrive quand j’essaie d’être sérieux tout en étant infoutu de cerner mon sujet.


DONC, bin je trouve l’idée géniale : faire appel au Peuple, l’inclure dans cet ouvrage, la Langue, dont il est quand même l’artisan, quoiqu’en dise l’Académie (NAON, pas Starac’). Moi je trouve ça gentil, ça conscientise, et si ça peut diminuer le sentiment d’impuissance des gens ordinaires (le « vrai monde », qui vaincra, vous verrez, braves gens, ah, ça ira) par rapport à l’hydre de la grammaire, de la conjugaison et de tout le bouzin, bin tant mieux. Se sentir interpellé, c’est se sentir inclus, et ça encourage la participation. Tant mieux.


Ceci dit, vous avez remarqué le terme choisi pour remplacer buzz? Ramdam. Mot d’origine arabe. Ce qui est chouette : preuve que le réflexe freedom fries, dans un monde qui s’amuse à casser de plus en plus du minaret, s’estompe. Que l’arabophobie présente une brèche. Que, inconciemment ou non, on reconnaît l’apport culturel, technique et linguistique de cette culture, et qu’elle fait partie de la nôtre.


Tous ensemble : We are the world.


Bon, envolée humaniste ici, ça doit être le muscadet. Ou une jeunesse de débauche. M’enfin.
Ceci dit, y en a des qui crieront : « Oué, mais là, c’est un mot qui vient de l’arabe, ça reste même pas français, meuh. »


À ceux-là, je dirais que le génie du français aurait pas atteint son zénith** sans toutes les influences, parmi lesquelles celle des reubeus n’est pas la moindre, et qu’il faudrait arrêter de leur casser du sucre** sur le dos, qu’ils peuvent arrêter de faire le caïd** ou les zouaves**, c’est maboul**, et que le protectionnisme, qui mène à l’eugénisme, puis fatalement à la consanguinité linguistique, ben ça me donne le cafard** et c’est zéro***.


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*Quoique.


** Ceux qui aiment l’étymologie doivent rigoler; les autres, ben j’ai mis assez de mots qui étaient arabes à l’origine pour comprendre la manœuvre. Subtil, non. Efficace, sais pas (mais j’en doute).


***Oui, le zéro c’est un chiffre. Dit « Arabe ». C’qu’on en apprend des trucs.

Sans commentaire

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mercredi 5 mai 2010

Playoffs et jambon-beurre


Pélagie est toujours un peu en retard dans les nouvelles.
Époque:
Fin avril.
Printemps québécois louchement clément aux nuances radioactives.
Mais frisquet dans les Europes. Revanche.

Contexte:
Férocisation des chicanes linguistiques en Bruxellie.
Ringardisation de la langue française en Francie: t’es in ou t’es out.
Floklorisation politiquement programmée de la même en Canadie.
Marginalisation de la Francie en Francophonie.

Lieu: Montréal.

Événement:
Un miracle sportif s’est produit. Vous le savez mieux que moi. Vous étiez en liesse dans les rues de Montréal ou nuisiez au sommeil de votre prochain à l’aube, dans un réduit parisien un peu moisi, qui sentait l’urine, l’humidité, la plomberie congestionnée, le vieux chat, etc.

J’oublie parfois que la France compte son lot d’amateurs de hockey. Des qui ont fait un voyage au « Canada » (comme ils disent) et sont restés accrochés; des qui sont en couple avec un individu de par ici; des qui n’ont pas assez du foot pour assouvir leur passion de téléspectateur émotif, et d’autres encore, et des meilleurs.

Et voilà que sur un blogue de Le Monde.fr, « Playoffs - L’actualité des sports américains », Français et Québécois se réunissent autour des Habs pour mieux se diviser sur une veille compétition d’anglicismes (playoffs). 
Résultat: un curieux chapelets de lieux communs, ponctués systématiquement d'un Go Habs Go qui annule la mésentente, mais en fait non.

Personnages:
Les Français (le choeur): amateurs de hockey, qui emploient un ensemble d’anglicismes distincts de ceux en usage au Québec. 
Le Séparatissse: qui grimpe dans les rideaux au sujet de la défense du français.
Le Colonisé: qui a honte du Séparatissse.

Dialogues:

Le Monde.fr:
On appelle cela la « magie des playoffs ». Un poncif, certes, mais aussi parfois une réalité qui vous saute aux yeux, un conte de fée qui vous laisse rêveur à 4 heures du matin, hagard dans votre salon (...) Ou comment les Canadiens de Montréal, dernière équipe qualifiée dans la Conférence Est (au huitième rang), ont le toupet de réduire au silence les Washington Capitals...
Oui, les Montréalais, hargneux et besogneux, sont venus à bout des stars Ovechkin, Backstrom, Green

Le Français:
Cette victoire en séries est tout simplement magnifique. Le CH s’est battu avec ses armes face à une équipe toute puissante et intimidante. (...)
Go habs Go!


Le Séparatissse: 
Bande d’idiots! Personne n’appelle ça « les play-offs » au Québec. On dit « les séries éliminatoires ».
Il n’y a qu’en France qu’on entend ce genre d’expressions anglaises. Puisque vous n’êtes pas colonisés, on ne peut vous qualifier que de « Tarés ».
« Shame on you! »

Le Colonisé:
En Alexis, vous avez malheureusement un représentant de cette minorité de québecois séparatistes qui veulent faire croire aux francophones du monde qu’ils se soucient de la qualité de langue francaise. Hélas, mille fois hélas, je vis au Québec et contrairement à ce que l’on croit, on ne parle pas francais ici mais québecois, autrement dit une espèce de dérivé du francais qui est quotidiennement massacré, tronçonné dans les journaux, les TV, la radio, au bureau…Alexis, comme ses semblables sont incapables d’écrire une phrase sans faire 10 fautes. Tous les sujets sont vus par eux à travers la lorgnette séparatiste.
Quant à moi (et non pas tant qu’à moi comme dirait ces québécois)je préfère quelqu’un qui parle un anglais sans faute à un autre qui massacre la langue francaise.
Vivent le hockey et les Habs !!!

(mille points pour la sur-correction, ici!)
 
Bien du plaisir!
 http://sports-us.blog.lemonde.fr/2010/04/29/lexploit-du-canadien-de-montreal/






mardi 4 mai 2010

«Engagez-vous», qu’ils disaient...


En tant que dinosaure qui use encore du répondeur plutôt que de la boîte vocale, je me suis fait dire, cette semaine : «J’ai essayé de t’appeler plus tôt, mais ça sonnait engagé. Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu ce son!».

La ligne est engagée ou la ligne est occupée?

Petit Robert
«OCCUPÉ, ÉE
2- (CHOSES) Dont on a pris possession. (Au téléphone) Je t’ai appelé deux fois mais c’était toujours occupé, cela sonnait occupé.»(1)

Petit Larousse 1996
«OCCUPÉ, ÉE
2. Qui est pris, utilisé par qqn. Toutes les cabines sont occupées. La ligne téléphonique est occupée. »(2)

Multidictionnaire
«OCCUPÉ, ÉE
1. Qui est pris (par opposition à libre). La ligne téléphonique est occupée (et non *engagée).»(3)

Banque de dépannage linguistique, Office québécois de la langue française
«[…] on peut tout à fait dire que la ligne est en dérangement ou qu’elle est occupée (et non engagée, […] d’après l’anglais : the line is engaged(4)

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(1) [Le nouveau Petit Robert, édition 2004. Paris.]
(2) [Le Petit Larousse illustré, édition 1996. Paris.]
(3) [DeVillers, Marie-Éva (2007). Multidictionnaire de la langue française, 4e édition. Éditions Québec Amérique inc.]
(4) http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=2765

vendredi 30 avril 2010

Lettre ouverte aux informaticiens


Ô, vous, que chaque fois que j’appelle en panique lors que plante mon réseau, que mon mot de passe se de lui-même réinitialise, que SQL Error SPWin_1100-w3221xr-LOL-couic-game_over_pov_nouille, et qui d’un sourcil neutre d’une immobilité éverestesque me dites que j’ai qu’à faire un « restart » et d’arrêter de chialer comme ça,

Faut qu’on cause.

Vous et moi, on est pareils : on travaille en code, avec un langage qui, par ma chandelle verte, est facile une fois qu’on l’a compris, la moindre erreur d’un utilisateur inepte/insouciant nous ratatine les lunettes, on se fait des blagues entre nous (celle du mec qui confond le futur périphrastique avec l’épithète en hypallage, comme celle du mec en Oracle qui essaie de faire C++ sous Linux*, c’est pareil à celle du fou qui repeint son plafond pour le reste du monde : c’est universel).

Comme toute spécialité, comme toute science, vous avez un langage bien à vous, et c’est l’anglais, manque de pot, qui domine : rebooter, utiliser des toolkits, downloader des patches, unclicker la toolbar, twitter (le verbe, là), avoir des followers, etç.**

En soi, ça me dérange pas, tous ces anglicismes : ils font cool, et il faut bien meubler le vide linguistique avant que l’Académie, l’Office de la Langue française et consorts n’interviennassent*** avec leurs propositions de remplacement, qui deviennent de plus en plus heureuses, je trouve. La techno avance, et de tous les domaines, c’est celui qui est le plus pardonnable, anglicismement parlant (ou écrivant), car c’est un des plus rapides, les plus instables, les plus difficiles à suivre (tiens, d’ailleurs, on annonce la mort du disque 3,5 pouces****, le temps passe, c’est pas des farces, dites-donc). De plus, j’aime, tant dans le langage de spécialité que dans le Langage majusculisé, ce phénomène qui fait en sorte que dès qu’on devient un tantinet soit peu technique, on se retrouve entre esprits semblables et on élimine les intrus; c’est-à-dire que les initiés se retrouvent entre eux dans leur langage, et les profanes régressent et perdent la capacité de réguler leur salive, et ça fait des flaques partout, floc. La forme épouse la fonction : langage technique, danger, Achtung Minen, et aïe donc.

Ceci dit, l’écart entre la prolifération des anglicismes techniques et leur appropriation en langue d’arrivée prend un certain temps : ils ont un caractère ésotérique, sont exclusifs à des groupes dont les membres ont parfois tendance à se parler entre eux (ayons une pensée pour les traducteurs-rédacteurs-réviseurs qui ont sur les bras, pour demain, RUSH, des rapports sur l’intégrité du fractionnement des données encryptées entre serveurs QSL-31 et de l’altérabilité des processeurs à quintuple cœur dans des conditions d’apesanteur, le tout, écrit par un spécialiste jargonneux qui tente de jargonner le plus auprès d'autres spécialistes jargonneux.).

Mais pour l’instant, ça se passe bien : patch est devenu rustine, mail est devenu courriel (pour ceux qui l’ont adopté, hein) et LOL est devenu RAHV (rire à haute voix. Ou il est pas encore devenu. Mais il finira par l’être, foi de Délèque).

Je vous aime bien, chers techs. Vous et moi, c’est t’alavie-t’alamort, on se comprend. Mais que le mec chez Cannon qui a traduit le message d’erreur sur ses imprimantes S850 se lève, j’ai à lui causer.

Oui, toi, au fond. Tu sais, quand le réservoir de la troueuse intégrée est plein? Oui, le « bac à confettis » de l’imprimante, là où les petits ronds de papier s’accumulent? Tu sais, quand il est plein? Le message qu’il dit, en français? Non, c’est pas « vider le bac à confettis ».
C’est « éliminer les résidus de troueuse ».

Un confetti, c’est festif, c’est joyeux, on en lance, ça sent la fête, l’herbe sous les pieds alors qu’on pique-nique dans la cour, c’est ce qui vole quand on célèbre l’arrivée d’un héros et qui émerveille les enfants.

Appeler ça un « résidu », c’est tuer la poésie. Violemment.

À bon entendeur,
d.
___
*Je n’ai aucune notion en informatique, arrêtez de vous poiler comme ça.

** Et tout ça. D'où la cédille. Ce qu'on rigole.

***C’est joli le conditionnel, quand même. Vous essaierez à la maison.

****http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/materiel-informatique/201004/26/01-4274360-adieu-disquette.php

mardi 27 avril 2010

Après les «téléphones intelligents», les «voitures intelligentes»?


On voit à la télé, ces temps-ci, une pub de voiture japonaise qualifiée d’«économe d’essence».


L’expression est-elle correcte?

ÉCONOME

Petit Robert
«II Adj. Qui dépense avec mesure, sait éviter toute dépense inutile. → parcimonieux, regardant.»(1)

Larousse
«2. adj. Qui limite ses dépenses, évite les dépenses inutiles.»(2)

Je ne sais pas vous, mais je perçois dans ces définitions une notion de «jugement», de «décision», qui me semble tout à fait inapplicable à un sujet inanimé. Comment pourrait-on dire qu’une automobile «dépense le carburant avec mesure»? Est-ce qu’un fabricant créerait délibérément une automobile qui gaspille le carburant? Ça serait quand même étonnant.

L’usage du mot économe dans ce contexte est inapropprié; économique conviendrait mieux.

ÉCONOMIQUE

Petit Robert
«II. COUR. Qui réduit les frais, épargne la dépense. Chauffage, voiture économique.»(1)

Larousse
«2. Qui permet de faire des économies; peu coûteux.»(2)

À mon avis, une voiture peut être économique en carburant, en ce sens qu’elle consomme tellement peu de carburant pour une distance donnée qu’elle permet à son utilisateur d’économiser de l’argent.

Qu’en pensez-vous?

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(1) [Le nouveau Petit Robert, édition 2004. Paris.]
(2) [Le Petit Larousse illustré, édition 1996. Paris.]

mardi 20 avril 2010

Je suis plus fort que toi! Mais tu es plus fort qu’eux


Récemment entendue, cette pub qui m’a fait friser les oreilles :


«Dove men plus care célèbre les hommes qui se sentent bien dans leur peau. Regardez Les Boys le lundi à 21 heures. Vous et trois de vos amis pourraient gagner une soirée de boys avec les vrais Boys. Bonne chance et bonne émission.»

Si pareille erreur est faite sur les ondes de notre télévision naaaationale (Radio-Canada), l’erreur est probablement plus répandue que je n’aurais pu le croire.

Voici la règle, selon Grevisse :

«Le verbe qui a plusieurs sujets se met au pluriel :
La mouche et la fourmi contestaient de leur prix. (La Font.)

Si les sujets ne sont pas de la même personne, le verbe s’accorde avec la personne qui a la priorité : la 1re personne l’emporte sur les deux autres, et la 2e sur la 3e :
Mes parents et moi attendons votre retour.
J’ai gagé que cette dame et vous
étiez du même âge. (Montesquieu.)»(1)

Il aurait donc fallu dire, dans cette pub : «Vous et trois de vos amis pourriez gagner…».

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.206.]

jeudi 1 avril 2010

L'orthographe au temps de Jésus

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L'orthographe et la syntaxe, en Judée et en Mésopotamie, au début de la chrétienté, n'étaient pas une mince affaire.

L'on pouvait se faire fouetter pour une mauvaise liaison.

Crucifier, pour un adverbe pronominal.

Écarteler par des chevaux sauvages pour une subordonnée conjonctive.


Et comment allait-on écrire cette satanée nouvelle version de la Bible?

Des milliers de pages à corriger, sans petit Robert, et par ici les mots compliqués, les Deutéronomes, les Abyssiniens, les Nabuchodonosors...

Et la grosse figure du pape par-dessus notre épaule... Les chevaux sauvages, prêts à partir...


Non, ils ne l'ont pas eu facile.


Sur ce, Joyeuses Pâques.





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mardi 23 mars 2010

Ni oui ni non… ni virgule?


Vous êtes-vous déjà questionné à savoir si vous deviez ou non mettre une virgule dans des phrases telles :

Je ne mangerai ni brocoli(,) ni chou-fleur(,) ni champignon.
Il n’apprendra pas ses leçons(,) ni ne fera ses devoirs.


La particule ni appelle-t-elle ou non l’usage de la virgule et si oui, dans quels contextes?


Site Grammaire aidenet

«La virgule sépare habituellement les éléments liés quand ils sont au nombre minimum de trois et que la conjonction ni est employée devant plusieurs éléments :

- Ni la chaleur, ni la pluie, ni le vent ne pouvaient les faire reculer.

La virgule n'est plus obligatoire (théoriquement) quand il y a seulement deux termes et que la négation ni est répétée devant chacun :

- Son vêtement n'était ni neuf ni usagé.»(1)


Site La-ponctuation.com

«Pour séparer des mots, des groupes de mots ou des propositions coordonnées par les conjonctions de coordination et, ou, ni lorsque celles-ci sont répétées plus de deux fois.

Il ne craint ni le vent, ni le froid, ni la neige.»(2)


Grevisse

«A. Dans une proposition, on met la virgule :
1º En général, pour séparer les éléments semblables (sujets, compléments, épithètes, attributs) non unis par et, ou, ni.

Remarque. – Quand les conjonctions et, ou, ni sont employées plus de deux fois dans une énumération, on sépare par une virgule les éléments coordonnés.»(3)


(1) http://www.aidenet.eu/h_ni.htm, section d (ponctuation)
(2) http://www.la-ponctuation.com/virgule.html, 2e flèche
(3) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.271-272.]

vendredi 19 mars 2010

Test surprise

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En ce vendredi, voici un test surprise.

Il s’est glissé une erreur dans cette phrase. Trouvez-la.

Jeune homme, avez-vous jeté aux ordures le livre sur les participes passés que je vous ai données pour votre anniversaire?



Envoyez vos réponses à notre webmestre dans un pli cacheté. Prière d’inclure une enveloppe de retour si vous désirez une réponse. Délai d'attente de six à neuf semaines.


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jeudi 18 mars 2010

Fixisme - l'explication Chevrel

Le cadre étroit dans lequel joue le système graphique de la langue ne permettait pas un nombre illimité d’améliorations. Le vice majeur de l’écriture française est qu’elle ne dispose pas d’assez de lettres pour représenter tous les phonèmes de la langue. Si l’alphabet français s’était prêté naturellement à une réorganisation orthographique d’inspiration spontanée ou populaire, il n’est pas douteux que notre orthographe elle-même n’eût continué à évoluer dans le sens de la simplification. Mais si l’on se refuse à mettre en cause l’économie générale et la référence à l’étymologie, si l’on renonce à la création arbitraire de lettres totalement nouvelles, il faut admettre que, au terme de la période considérée, la grande majorité des modifications structurelles possibles ont été réalisées.
(...) Le courant d’évolution orthographique (...) se tarit précisément parce que, dans le cadre traditionnel qui est resté le sien jusqu’au bout, il est d’une certaine façon arrivé alors presque au terme de sa course.
 
Chevrel, André, Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, 2006, éditions Retz, Paris, p. 129


* * *

Notre alphabet ne se prêterait pas à une «réorganisation orthographique d’inspiration spontanée et populaire», donc? Voilà une explication qui se fracasse sur l’impitoyable évidence de faits nouveaux. Les contextes social et technologiques ont changé. On n’a jamais tant écrit. Tout le monde. Et cette «réorganisation d’inspiration spontanée et populaire» se fait... sans nous.

lundi 15 mars 2010

Appel à la tradition


Débat sur l’orhographe: résumé des épisodes précédents

Ce billet s’inscrit dans un dossier sur les arguments classiques du débat sur l’orthographe ouvert l’automne dernier (le dossier, pas le débat). Dans le cadre de ce dossier, nous avons présenté avec plus ou moins d’humour, de mauvaise foi et d’ironie, en général plus que moins d’ailleurs (à tout le moins plus qu’aujourd’hui, si j’en crois le style quasi académique soporifique qui caractérise le début de mon intro, et dont la présente parenthèse, non contente de pasticher les procédés favoris de mon camarade Délèque, gâche l’harmonie) du côté réformiste: l’Argumentum ad populum, l’Argument démocratique, l’Argument fonctionnaliste et du côté puriste, ou conservateur, ou fixiste, ou antiréformiste l’Argument sémantique et l’Argument (généralement fallacieux) esthétique.

L’Appel à la tradition

L’argument implicite de base de la position antiréformiste est un appel à la tradition. Pourquoi changer ce qui est bel et bon, pourquoi vandaliser l’œuvre des anciens, cent fois reconduite par les produits de l’édition imprimée depuis deux cent ans? L’observateur profane voit en l’orthographe française un tout fini et monolithique, donné, en soi, par quelque divinité académique qui en aurait une fois pour toutes fixé les règles (et surtout les exceptions) sur une tablette de marbre originelle, quelque part entre la renaissance et la modernité. Étrange prémisse, en vérité, qui mériterait une longue méditation à elle seule (quelles qualités confèrent à une entité la sacralité requise pour prétendre au statut de monument de conservation? La perfection? Le prestige magique de l’idole?).

Orthographe mouvante

Il nous suffira de rappeler à ceux-là que l’orthographe que nous employons aujourd’hui n’est fixée que depuis 1835, et ce, au terme d’une série de modifications qui furent successivement entérinées par l’usage des imprimeurs, puis celui du public, dans le cadre d’une mouvance assez naturelle. Dans son excellente Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, Chevrel nous rappelle les faits:


(Tableau reproduit à partir de Chevrel, André, Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, 2006, éditions Retz, Paris, p. 118)

Que vaut l’immanence de l’i d’oignon sous un tel éclairage?

La tradition? Laquelle, donc?

jeudi 11 mars 2010

Émois coubertinesques en brèfle


Coucou, me revoilà, après une mise en web-jachère, ça fait un bail dites-donc, et autres plaisantes paroles d’usage pour se justifier qu’on avait aut’ chose à fiche que bloguer, à regrets, fidèles lecteurs, mais que là, ben youpi me revoilà, are-are.

Retour sur les olympiques, parce que nom de nom, il reste des choses à dire, linguistiquement, sur le sujet (autre que la quasi-absence de dignitaires quelconques, pendant les cérémonies, qui n’ont pas eu la décence de massacrer Molière en lisant un téléprompteur avec autant d’enthousiasme qu’un employé qui doit subir sa formation Vista trois jours avant sa retraite).

Mollo le trémolo, Garou

À Tout le monde en parle (Québec) à la télé, Garou parlait de son interprétation plutôt, euh, personnelle lors des cérémonies d’ouverture (j’ai pas vu, je dormais, et perso je m’en grattais l’os avec une indifférence qui frôle l’hystérie). Aux côtés de l’ex-Quasimodo, Pauline Marois, Chef(fe?) du Parti Québécois, qui prône l’indépendance du Québec (parfois), la défense de la langue françoise (virulemment) et autres trucs (le plus possible, allant de l’anodin au n’imp’).

Un mot au sujet de Miss Marois (tatie Pauline pour les intimes). Elle est cool, je trouve. Elle a un air un peu Castafiore, un peu bourge, mais elle est/veut être cool, parfois trop, genre comme ces quarantenaires qui disent « cool » pour en avoir l’air, alors que c’est juste navrant. Dans des contextes comme TLMEP, ce désir de « on est caupains, hein, hein? », ça se traduit en interventions fréquentes, en rires plus forts que ceux des autres, en clins-de-z’ieux charmeurs et en exclamations ponctuantes. Chaque possibilité qu’elle a d’intervenir, tel le gourmand pigeon au-dessus d’une pimpante mariée, elle s’empêche pas, tu vois?*. Fin de la parenthèse Marois.

Garou se consolait de sa, disons, prestation en se disant qu’il avait non seulement chanté en français, mais en plus, en québécois, devant près de trois milliards d’individus dotés de télévision. Que, mal chanté ou non, on a montré un bout de fleurdelisé au monde. Et c’est là que tante Pauline, énergique, télévisuelle, le félicite et amorce une salve d’applaudissements bien nourris.

En disant : YES!


Fail, Pauline. Mais on t’aime.

***

Joannie


Après les Jeux, Joannie Rochette subissait une conférence de presse. Fatiguée, éprouvée plus que de raison, on devinait que les questions, en anglais et en français (et même une fois en Boro, mais le mec fut expulsé), achevaient de puiser ses dernières énergies. Mais forte, généreuse, patiente, elle se prêtait à l’exercice, la môme.

Un mot au sujet (bis) des athlètes en conf’ de presse. Harrassés, ils finissent parfois par parler plus « perso », usant de tournures fautives. Mais on leur pardonne : sont fatigués, évoluent en bilingue dans le monde, ont fait des programmes sport-études, etc., bref, on a tendance à, condescendemment ou pas, leur pardonner des écarts, anglicismes et autres incartades. Re-fin de parentoche.

Le soir de sa prestation finale, j’ai pas pu dormir, et j’ai allumé le poste** pile pour voir la performance de Joannie. Émotion. L’était jolie, la pitchoune, mais avec cette force, elle commandait l’admiration. Puis, en conférence de presse, elle tint à peu près ce langage : « J’étais nerveuse, j’allais embarquer sur la glace, mes jambes shakaient ...». J’ai relevé l’anglicisme, mais elle parlait librement, émotivement, et puis, zut, c’est pas ça qui va égratigner mon admiration. Puis, épiphanie :...« euh, mes jambes tremblaient, excusez-moi...».


Win, Joannie. Et love.

_____________
*Oui, vous noterez, outre le retour de l’astérisque, que je lis du San Antonio ces temps-ci, et ce, dans le but de faire profiter nos lecteurs (accidentels ou non) du plus grand nombre de références littéraires possible. La semaine prochaine, je lirai, ne vous en déplaise, Blaise Pascal, Les pensées II : Les cheerleaders ingénues contre la créature zombie des marais.


**Nostalgie : on allume la téloche, l’écran plasma, youtube, à la rigueur, mais de poste, bernique. Pardonnez cet accès de vieillotisme.

mardi 9 mars 2010

Plaisantez-vous au deuxième ou au second degré?


Selon vous, existe-t-il une différence de sens entre deuxième et second? A-t-on là deux mots interchangeables, comme le sont vélo et bicyclette, qui se distinguent peut-être vaguement par leur contexte plus ou moins formel d’utilisation?

Petit Robert
«adj. et n.
1- Qui vient après une chose de même nature; qui suit le premier. → deuxième (on emploie plutôt second quand il n’y a que deux choses).»(1)

Larousse 2005
«adj.
1. Qui vient immédiatement après le premier.
2. Qui s’ajoute à qqch de nature identique.
3. Qui vient après le premier dans un ordre de valeur, de rang, etc.
– REM. On emploie second, plutôt que deuxième, quand il n’y a que deux éléments. »(2)

Eurêka! On ne peut donc employer second qu’en présence de deux éléments, pas un de plus ni de moins. La Seconde Guerre Mondiale, dans ce cas. La seconde moitié d’une tarte, encore.

Ainsi, une plaisanterie au second degré est moins recherchée qu’une au deuxième degré… laquelle laisse toute liberté à l’interlocuteur de trouver un troisième ou même un quatrième degré à ce mot d’esprit (mais il faut vraiment être trrrrès fort alors…!).

(1) [Le nouveau Petit Robert, édition 2004. Paris.]
(2) [Le Petit Larousse illustré, édition 2005. Paris.]

jeudi 4 mars 2010

Joutes verbales

___




Pour des insultes impliquant le manque de vocabulaire de son opposant, à l'issue de joutes verbales enflammées, des honneurs furent bafoués, des duels improvisés, des coups d'épée échangés.

Est-ce que la syntaxe, la typographie ou les verbes pronominaux ont, eux de même, quelque responsabilité, quelque mort d'homme au compteur?

La question est lancée, en pâture, au lectorat.



«Je n'en démordrai pas, triste sire...
Les verbes du second et troisième groupe peuvent garder
leur s à la deuxième personne du singulier de l’impératif... Aaarrgh...»

mardi 2 mars 2010

Les J.O. (ou comment supporter les supporters)


Avez-vous suivi les Jeux Olympiques qui viennent de se terminer? Moi oui, et j’ai mal supporté qu’on utilise le terme supporter à qui mieux mieux au lieu de partisan, au sens nominal, ou appuyer, soutenir, au sens verbal. Mais suis-je donc une puriste? Est-ce moi qui crie à l’anglicisme où il n’y en a pas?


PARTISANS de l’anglicisme

Petit Robert
«v.tr.
III. ANGLIC. SPORT Encourager, soutenir (un sportif, une équipe sportive). – PAR EXT. Donner son appui à.»(1)

«n.m.
ANGLIC. (var. francisée SUPPORTEUR, [RARE] TRICE). Partisan (d’un sportif, d’une équipe), qui manifeste son appui. – Personne qui apporte son appui à qqn.»(1)

Voici l’explication du Petit Robert pour le terme «ANGLIC.» :
«anglicisme : mot anglais, de quelque provenance qu’il soit, employé en français et critiqué comme emprunt abusif ou inutile (les mots anglais employés depuis longtemps et normalement en français ne sont pas précédés de cette marque).»(1)

Petit Larousse (2005)
«v.t.
6. SPORTS. (Emploi critiqué). Soutenir, encourager un concurrent, une équipe.»(2)

Grand dictionnaire terminologique
«Domaine(s) :
- appellation de personne
- sport

français : partisan, n.m.

Définition :
Personne qui manifeste son appui à une équipe sportive, à un concurrent.

Sous-entrée(s) :
forme(s) féminine(s)
partisane n. f.

terme(s) non retenu(s)
supporteur
supportrice
supporter
fan

Note(s) :
Même si les emprunts à l'anglais fan et supporter ainsi que les variantes francisées supporteur et supportrice, qui ont déjà fait l'objet de critiques, sont aujourd'hui couramment employés en français et sont d'ailleurs consignés dans les ouvrages de langue générale, ils n'ont pas été retenus puisqu'ils ne comblent aucune lacune terminologique. Ainsi, le terme partisan est à privilégier.
En France, la graphie francisée de l'emprunt supporter (supporteur) a été officialisée par la Commission générale de terminologie et de néologie, en 2000.
[Office québécois de la langue française, 2003]»(3)


SUPPORTERS du terme d’origine anglaise

Trésor de la langue française
«SUPPORTER2, verbe trans.
B. SPORTS, fam. [Le compl. d'obj. désigne un sportif, une équipe sportive, un club] Encourager, soutenir. Supporter un champion, une équipe de rugby. Beaucoup de Transalpins qui auront franchi la frontière pour supporter leurs compatriotes (coureurs italiens du Tour de France) (La Croix, 9 juill. 1965 ds GILB. 1971).»(4)

«SUPPORTER3, -TRICE, subst.
B. SPORTS. Amateur de sport qui manifeste son soutien à un sportif, une équipe, un club qui a sa préférence. Supporters d'un coureur cycliste, d'un footballeur. Quelques jolies femmes supportrices pour la plupart (Paris-Sport, 27 mai 1934 ds HÖFLER Anglic. 1982). Sans doute ne voulaient-ils pas tuer, ces supporters anglais qui se sont lancés à l'assaut d'une tribune italienne. Ils voulaient en découdre, bien sûr, sortir vainqueurs de cette conquête du terrain, mime grotesque de la conquête à venir du vrai terrain. Ils jouaient leur match (Le Monde aujourd'hui, 2-3 juin 1985, p. II, col. 6).»(4)

Petit Larousse (2005)
«n.m.
ou SUPPOTEUR, TRICE n. SPORTS. Personne qui soutient et encourage exclusivement un concurrent ou une équipe.»(2)


Conclusion
On constate que plus nombreux sont les ouvrages qui taxent d’«anglicisme» le terme supporter, lui préférant plutôt les termes partisan et appuyer, encourager ou soutenir. Par contre, le fait que le mot d’origine anglaise se retrouve dans les dictionnaires est en soi une reconnaissance de son usage au sein de la langue française. Et n’est-ce pas là le premier pas pour se frayer un chemin jusqu’à un usage accepté?

Une fois de plus, comme cela se se produit pour de nombreux anglicismes qui s’immiscent peu à peu dans notre belle langue française, il appartient au locuteur de se demander s’il préfère utiliser le mot français correspondant et existant, en exploitant la richesse de sa langue, ou s’il préfère «enrichir» une langue vivante d’un mot nouveau, emprunté à une langue voisine.

Le débat de principe demeure ouvert. Ce qui est intrigant, à mon sens, est de savoir pourquoi des mots issus d’autres langues en arrivent à remplacer des mots français (dans le cas qui nous occupe) pour décrire une même réalité. Ça demeure ma foi fascinant.


Références :
(1) [Le nouveau Petit Robert, édition 2004. Paris.]
(2) [Le Petit Larousse illustré, édition 2005. Paris.]
(3) http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp, sous l’entrée supporter (appelation de personne)
(4) http://atilf.atilf.fr/tlf.htm

vendredi 26 février 2010

Mots du vendredi

Relâche

Prendre (du) relâche. Arrêter momentanément son activité. Un autre à tant d'échecs se tiendrait pour battu, Et se croirait en droit de prendre du relâche (AUGIER, Homme de bien, 1845, pp. 131-132).

Jachère

État d'une terre labourable qu'on laisse reposer temporairement en ne lui faisant pas porter de récolte afin qu'elle produise ensuite abondamment.

Friche

Terre vierge ou (le plus souvent) laissée à l'abandon.

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Référence: Le TILF

vendredi 19 février 2010

MAJUSCULES et hurlements

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De nos jours, le plus demeuré des crétins congénitaux connaît la convention: écrire en majuscules correspond à des propos hurlés ou vociférés.

Évidemment, certains contextes ne se prêtent pas à de telles vociférations.



Parfois, par contre, le concepteur ne sait sur quel pied danser, et préfère ne prendre aucune chance.



Le secret est de ne prendre aucune décision irréfléchie.



Si on ne veut pas provoquer de hauts cris.



Merci de votre attention.

La direction

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jeudi 18 février 2010

Qwerty, Dvorak et Bépo: la suite


Comme le mentionnait Délèque cette semaine, les claviers Qwerty, Azerty et parentèle sont une aberration historique et et une insulte à la notion même d’ergonomie, conçus à une époque reculée afin de ralentir la frappe et d’ainsi épargner une technologie fragile et balbutiante. Jusque-là, je répète Délèque.

Et comme je respecte et j’estime ce Délèque, je reprendrai, dans le présent paragraphe, un juste parallèle qu’il a établi entre deux débats, dont l'un est bien entendu de nature orthographique et l’autre est créé de toutes pièces par lui, mais cela importe peu; la polémique artificielle sur la nécessité de réformer le clavier QWERTY illustre merveilleusement la dichotomie endémique qui divise l’humanité entre réflexe conservateur (Pourquoi changer quand on est habitué?) d’un côté et pulsion progressiste (Pourquoi ne pas améliorer un truc imparfait ou mal fichu?) de l’autre.

Et voilà. Un homme, August Dvorak, s’est dit, comme le font parfois les gens pragmatiques lorsqu’ils font face à un dispositif obsolète: «voyons voir, repensons le système sur des bases saines, selon des principes rationnels»:

* symboles les plus courants placés sur la rangée du milieu ;
* alternance des mains ;
* répartition du nombre de frappes entre les deux mains ;
* prévention de la surcharge des petits doigts qui font aussi les touches « système » : entrée, Maj., Ctrl, retour arrière (<—) ;
* amélioration de l’accessibilité des digrammes les plus courants.



Afin de remédier aux défauts de (Q/A)ZERTY:


* les caractères les plus fréquents ne sont pas les plus facilement accessibles ;
* à l’inverse, des caractères rares sont très accessibles ; citons pour exemple : « Z », « ; » ou « K » ;
* les lettres accentuées sont difficilement accessibles, placées sur la rangée des chiffres ;
* des caractères usuels du français ne sont parfois tout simplement pas accessibles : œ, « , », les majuscules accentués, l’espace insécable ;
* il y a un gros déséquilibre entre les deux mains (58 % de frappes pour la main gauche alors qu’il y a plus de caractères sous la main droite) ;
* aucune optimisation propre à la langue française n’a été faite.

Selon ces principes ergonomiques, Dvorak a conçu non seulement un nouveau clavier pour l’anglais, mais également une méthode pour concevoir le clavier ergonomique pour toute langue. En français, cela a donné le clavier BEPO.

Et je vous le donne en mille, personne n'en a voulu.

Merci Délèque d’avoir lancé le sujet.

Appellons un clavardage un clavardage


Les milliers centaines douzaines de lecteurs assidus de ce blog savent déjà, ad nauseam d'ailleurs, qu’on s’amuse bien avec la pipolisation du français made in France in ze street, et que outre-atlantique, les irréductibles Kébékois, sur un îlet francophone dans un océan de « Canote en douze temps », se sentent bien esseulés face à l’envahisseur (surtout qu’avec des analogies manichéennes* pareilles, on contribue pas à diminuer la quasi-paranoïa ambiante, hein).

Voici de quoi ragaillardir nos gens du pays :

http://www.lepoint.fr/actualites-technologie-internet/2010-02-03/gouvernement-francomot-un-concours-pour-traduire-buzz-chat-ou-tuning/1387/0/420152

Vive l’idée de conscientiser les masses en les amusant : un petit concours, c’est rahv, léger, lol, oserais-je même (tiens, c’est une idée à leur soumettre, ça) et les gens, mine de rien, perçoivent l’ombre du début de l’ébauche d’un projet d’embryon de prémices annonçant les balbutiements d’un commencement de réflexion sur le sujet. Ce qui est cool.

Perso, j’espère que ça va donner de bons résultats (j’espère que « WTF » est dans le lot et qu’il sera bien rendu).

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* Genre de mot qui, avouons-le, donne vachement de la classe à tout billet, blog, et que j'utilise toujours au moins une fois dans tous mes devoirs de philo/linguistique/français/mime.

mardi 16 février 2010

Quand une virgule vous dispense d’assister à une (possiblement ennuyante) formation


La « gestion » des virgules est souvent perçue comme quelque chose de plutôt frivole, d’accessoire, d’aléatoire. On affirme parfois que la virgule permet de rythmer le texte et que c’est à l’auteur de choisir l’usage qu’il en fera. Bien sûr, quiconque possède une certaine maîtrise de la langue française sait que certaines virgules sont nécessaires, essentielles au texte. Je m’intéresse ici plutôt au cas de celles qui paraissent facultatives, soit les virgules entourant (ou non) les propositions subordonnées relatives compléments de nom (ou de pronom) :

Les employés, qui assisteront à la formation lundi matin, recevront une augmentation de salaire.

Les virgules sont-elles facultatives, ici? Nécessaires? Superflues?


Voyons ce qu’en dit Grevisse :

« Au point de vue du sens, la subordonnée relative complément de nom ou de pronom est :
Complément déterminatif quand elle restreint la signification de l’antécédent; on ne peut pas la retrancher sans nuire essentiellement au sens de la phrase; elle sert à distinguer l’être ou la chose dont il s’agit des autres êtres ou choses de la même catégorie.
Complément explicatif quand elle ajoute à l’antécédent une explication accessoire, exprimant un aspect particulier de l’être ou de la chose dont il s’agit; on peut la retrancher sans nuire essentiellement au sens de la phrase et d’ordinaire, elle est séparée par une virgule. »(1)


Le Ramat de la typographie, bien que plus bref dans son explication, reprend les mêmes faits :

« Virgule (,)
élément explicatif ou restrictif

Un élément explicatif est entre deux virgules, il explique.
Un élément restrictif est sans virgules, il restreint. »(2)


Illustrons maintenant ces explications.

1. a) Les citrons qui sont verts sont surs.
On affirme ici que seuls les citrons verts sont surs, mais que les citrons d’autres couleurs ne le sont pas nécessairement.

1. b) Les citrons, qui sont verts, sont surs.
Ici, on affirme plutôt que les citrons, de façon générale, sont surs, en ajoutant l’information qu’ils sont verts (soit de façon générale, soit en lien avec ceux dont on parle dans cette phrase, selon le contexte).

Conclusion
Ce qu’on peut conclure après ces explications, c’est qu’une virgule, ajoutée ou manquante, sans être en soi une faute, peut changer considérablement le sens du message qu’on souhaitait initialement communiquer.

Revenons à notre phrase initiale, hypothétiquement rédigée et envoyée un vendredi soir par un patron d’entreprise :

Les employés, qui assisteront à la formation lundi matin, recevront une augmentation de salaire.

Dans ce cas, tous les employés de l’entreprise auraient de bonnes raisons de se réjouir et d’aller célébrer! Et c’est le patron qui ne comprendrait pas pourquoi si peu d’employés se seraient présentés à la formation le lundi matin. Parce que ce que cette phrase dit, essentiellement, c’est que : « tous les employés recevront une augmentation de salaire ». L’information concernant le fait que ces employés assisteront à une formation n’est ici qu’accessoire et, dans le cas qui nous intéresse, purement spéculative.

Par contre, si le patron annonçait plutôt :

Les employés qui assisteront à la formation lundi matin recevront une augmentation de salaire.

On pourrait déjà se douter que probablement tous les employés se présenteraient à la formation le lundi matin. Ainsi, le patron ne se verrait pas forcé d’offrir des augmentations à tous, comme il aurait été forcé de le faire avec la phrase précédente.

La preuve que des virgules oubliées ou mal placées peuvent coûter cher ou avoir d’importantes répercussions.


(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.260.]
(2) [RAMAT, A. (2008). Le Ramat de la typographie, 9e édition. Aurel Ramat éditeur, Montréal, p.180.]