La « gestion » des virgules est souvent perçue comme quelque chose de plutôt frivole, d’accessoire, d’aléatoire. On affirme parfois que la virgule permet de rythmer le texte et que c’est à l’auteur de choisir l’usage qu’il en fera. Bien sûr, quiconque possède une certaine maîtrise de la langue française sait que certaines virgules sont nécessaires, essentielles au texte. Je m’intéresse ici plutôt au cas de celles qui
paraissent facultatives, soit les virgules entourant (ou non) les propositions subordonnées relatives compléments de nom (ou de pronom) :
Les employés, qui assisteront à la formation lundi matin, recevront une augmentation de salaire. Les virgules sont-elles facultatives, ici? Nécessaires? Superflues?
Voyons ce qu’en dit Grevisse :
« Au point de vue du sens, la subordonnée relative complément de nom ou de pronom est :
1º
Complément déterminatif quand elle restreint la signification de l’antécédent; on ne peut pas la retrancher sans nuire essentiellement au sens de la phrase; elle sert à distinguer l’être ou la chose dont il s’agit des autres êtres ou choses de la même catégorie.
2º
Complément explicatif quand elle ajoute à l’antécédent une explication accessoire, exprimant un aspect particulier de l’être ou de la chose dont il s’agit; on peut la retrancher sans nuire essentiellement au sens de la phrase et d’ordinaire, elle est séparée par une virgule. »
(1)Le Ramat de la typographie, bien que plus bref dans son explication, reprend les mêmes faits :
«
Virgule (,)
élément explicatif ou restrictifUn élément explicatif est entre deux virgules, il explique.
Un élément restrictif est sans virgules, il restreint. »
(2)Illustrons maintenant ces explications.
1. a)
Les citrons qui sont verts sont surs.On affirme ici que seuls les citrons verts sont surs, mais que les citrons d’autres couleurs ne le sont pas nécessairement.
1. b)
Les citrons, qui sont verts, sont surs.Ici, on affirme plutôt que les citrons, de façon générale, sont surs, en ajoutant l’information qu’ils sont verts (soit de façon générale, soit en lien avec ceux dont on parle dans cette phrase, selon le contexte).
ConclusionCe qu’on peut conclure après ces explications, c’est qu’une virgule, ajoutée ou manquante, sans être en soi une faute, peut changer considérablement le sens du message qu’on souhaitait initialement communiquer.
Revenons à notre phrase initiale, hypothétiquement rédigée et envoyée un vendredi soir par un patron d’entreprise :
Les employés, qui assisteront à la formation lundi matin, recevront une augmentation de salaire.Dans ce cas, tous les employés de l’entreprise auraient de bonnes raisons de se réjouir et d’aller célébrer! Et c’est le patron qui ne comprendrait pas pourquoi si peu d’employés se seraient présentés à la formation le lundi matin. Parce que ce que cette phrase dit, essentiellement, c’est que : « tous les employés recevront une augmentation de salaire ». L’information concernant le fait que ces employés assisteront à une formation n’est ici qu’accessoire et, dans le cas qui nous intéresse, purement spéculative.
Par contre, si le patron annonçait plutôt :
Les employés qui assisteront à la formation lundi matin recevront une augmentation de salaire.On pourrait déjà se douter que probablement tous les employés se présenteraient à la formation le lundi matin. Ainsi, le patron ne se verrait pas forcé d’offrir des augmentations à tous, comme il aurait été forcé de le faire avec la phrase précédente.
La preuve que des virgules oubliées ou mal placées peuvent coûter cher ou avoir d’importantes répercussions.
(1) [GREVISSE, M. (1990).
Précis de grammaire française, 29
e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.260.]
(2) [RAMAT, A. (2008).
Le Ramat de la typographie, 9
e édition. Aurel Ramat éditeur, Montréal, p.180.]
hihi :) Merci pour l'article !
RépondreSupprimerUne petite question : le "citron" vert sûr, c'est dans le sens d'"acide" ?
C'est pas dans le sens de "certain", quand même ? Parce que virgule ou pas sinon ça me paraît bizarre !
Mais j'entends ça très souvent du côté de la Belgique.
Je n'ai jamais entendu ça en France, cela dit, et n'irai pas jusqu'à dire qu'on ne l'emploie pas, mais je ne suis dans ce cas pas au courant.
Et concernant les virgules, à quand une formation rémunératrice sur leur utilisation ? :P
Oh! Merci Cyb! C'est une grossière erreur de ma part d'avoir écrit «sûrs» plutôt que «surs», bien sûr!! ;) Merci de me l'avoir signalé. Je corrige de ce pas.
RépondreSupprimerPour ce qui concerne les formations rémunératrices virgulesques, je doute qu'elles soient pour bientôt... C'est pas rentable, les virgules!
Ça c'est intéressant!
RépondreSupprimerTu nous dis qu'il s'agit-là d'un archaisme, pour l'oreille parisienne, Cyb?
Pourtant le TILF est clair: "sur" est bien adjectif français. Le TILF précise que cet adjectif est d'origine picarde ou normande, ce qui peut expliquer qu'il soit bien vivant au Québec et qu'il ait pu disparaître à Paris, au profit de ses quasi-synonymes...
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=768786240;?b=0;
Ah mais non ! Qu'à Paris il ait disparu, soit, mais chez moi, dans mes Pyrénées natales, on l'employait dans le sens d'amer, d'aigre, de blet, cet adjectif "sur", et que je sache, nous sommes on ne peut plus loin de la Picardie et de la Normandie, dans les Pyrénées ! Ces pauvres Parisiens ne savent plus parler le français, je n'aurai de cesse de le dire ! :-D
RépondreSupprimerUn beau jour, un client de l'agende de France Télécom où je travaillais au service après vente m'a complimentée... Non seulement pour la qualité de mon travail mais aussi pour la pureté de mon français, qu'il jugeait même un tantinet archaïsant, ce qui m'a fait bien rire. Il était rédacteur de discours pour plusieurs hommes et femmes politiques connus. Etonnant, non ?
Je crois que j'ai eu la chance inouïe de grandir au milieu de livres et de passionnés de lecture, ce qui pourrait expliquer bien des choses.
Notamment le vocabulaire peu ordinaire et étendu utilisé dans ma famille, tout comme les tournures des phrases.
A bientôt !
Tinky :-D
Moi, la bouseuse parisienne qui n'ai jamais appris à lire ni à écrire autre part que sur les tags, et qui parle le français dégradé de banlieue sans éducation et sans manière, je confirme que j'ai appris le mot "sur" par ma copine qui est belge (et lettrée qui plus est, mais à qui il m'arrive également d'apprendre des mots, malgré mon origine parisienne, figurez-vous), et ne l'avais auparavant jamais entendu, ni en France, ni en Suisse.
RépondreSupprimerMaintenant, quel voyage a fait ce mot... Ma copine pensait que ça venait du flamand.
Chez nous, on appelle un bonbon acide "un bonbon acide"... Là où ma copine parle d'un "sur".
"sur ce"...