lundi 15 février 2010

QWERTY, CQFD, LOL


Un peu d’histoire : à l’origine, la disposition des lettres sur les machines à écrire était en ordre alphabétique (N à Z en haut, A à M en bas, sur deux rangées, allez savoir). Toutefois, les premiers usagers tapèrent tellement rapidement que la pauvre mécanique que, nous, maudernes, trouvons aujourd'hui rudimentaires (on est toujours l’ancêtre de quelqu’un, hein, un peu de respect), ne suivait pas. Les tiges s’enrayaient, se collaient, s’enchevêtraient presque, une fois une certaine vitesse atteinte, ou une certaine combinaison de lettres entreprise. On doit à Christopher Sholes la disposition QWERTY actuelle, à la fois dans le but d’éliminer la proximité de lettres souvent tapées en succession (en anglais, pensons au –th ou au we-) et de rendre moins « pratique » le doigté, permettant de ralentir la vitesse de tape.

Autre but, non visé par Sholes mais néanmoins flamboyemment réussi : m’énerver. Malgré Tap’touche Garfield et une décennie de balivernes écrites par mail et messagerie instantanée, j’y parviens toujours pas, j’ai pas le doigté (j’aurais aussi de la difficulté à assimiler un clavier AZERTY ou ABCD, mais laissons ma mauvaise foi rediriger le débat où je veux qu’il aille).

Donc je me demande : mais pourquoi, nom d’un blog, persistons-nous à garder le QWERTY, reliquat d’une technologie désuète (d’ailleurs, je trouve ça dur taper QWERTY)? Les claviers d’ordi poirraient suivre, non? Il n’y a plus de compromis vitesse/efficacité à faire, alors diversifions! Pourquoi s’attacherait-t-on à une technique surannée, à une habitude passée mode, pour une raison autre que la nostalgie, l’habitude crasse, la Tradition? (vu sur despair.com *: « C’est pas parce qu’on a toujours fait quelque chose d’une certaine manière que c’est pas totalement stupide », sous une photo du lâcher de taureaux de San Fermin).

Dans un monde de manivelles, de lampes, de crachoirs et de dimanches à se berçer sur le perron en chiquant sa pipe, ok, on peut prôner la tradition, mais là, on est avancés, vifs, beaux, fermes. Pas comme si on avait l’habitude de s’attacher à des choses anciennes, sous prétexte que le nouveau fait peur, non? Le mieux est devenu l’ami du bien, sachons, du haut de notre Technique, l’admettre. Passons à Vista, ou microsoft 7, c’est nouveau, donc meilleur. Le blu-ray ne sera jamais meilleur que le dvd, même si on disait la même chose du dvd par rapport au ruban (qui a dit « green ray »?).

Écrivons ognon sans i. Traitd’unionisons TOUS les nombres. Le circonflexe ne passera pas. Ah, ça ira.

Boffh, oui, y a des réticents, qui aiment le i de oignon, qui pensent que voûte sans circonflexe, c’est moins poétique, qui s’ennuient de Corel Wordperfect. Le vieux, l’inefficace, ça reste rassurant – à preuve : ça achète des coffrets dvd de vieilles séries sous le coup de la nostalgie, même si les émissions sont finalement nulles, décevantes, et qu’elles ont failli dans leur mission de nous rajeunir.

Et c’est peut-être ça qui glace ces tenants de la tradition, en général, et dans toutes ces réfaurmes de la langue françoise en particulier : se sentir vieux de ne plus parler la même écriture que la génération future (pour qui lol, koi et irl sont des mots ou des concepts à part entière). De ne plus être « dans le vent » (d’ailleurs, la dernière personne à utiliser cette expression a été découverte dans un bloc de glace en Sibérie, et le carbone 14 est inefficace, ce dernier ne pouvant dater ce qui le précède géologiquement). D’être un de ces vieux qui utilisent des expressions de jeunes, que les jeunes n’utilisent plus depuis méchante lurette (comme ces vieux qui disent 'cool', ou 'bath' c’est navrant, avouez).

Perso, c’est en admettant qu’il y a une part d’attachement émotif et subjectif qui teinte un côté de ce foutu débat qu’on pourra avancer dans ce bazar; que les réformistes ne soient plus vus comme des blousons noirs post-soixante-huitards sans respect, et que les anti-réfaurmistes, eux, cessent d’être illustrés comme des croulants à la perruque poudrée souffrant de la goutte, par exemple comme cette phrase même l’insinue sournoisement.

On avance pas, mais qu’est-ce qu’on a bien rigolé (moi en tout cas) – et en plus, mine de rien, vous savez qui est Christopher Sholes, maintenant. De rien.
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* http://www.despair.com/tradition.html

2 commentaires:

  1. Hmmm, intéressant tout ça. Mais, cher Délèque, auriez-vous une nouvelle disposition claveresque à nous proposer? J'avoue que de mon côté, je serais bien embêtée d'en proposer une!
    Aussi, imaginons tous ces gens qui maîtrisent le doigté-clavier actuel : quel défi ce serait que d'en apprendre un nouveau!
    Sans nécessairement être attachés à une tradition, peut-être est-ce tout simplement qu'aucune disposition n'est vraiment optimale?

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  2. Bah, j'ai bien appris à jouer du piano, et du clavier AZERTY... Je pourrai bien finir par m'adapter à d'autres choses. A quand l'ordinateur capteur de pensées qui écrira lui-même nos délires dans le traitement de texte idoine ? Eu égard les progrès de la science, nous n'en sommes pas si loin, on a déjà les prémices de ce type de chose avec les études faites sur les personnes paralysées qui commandent par la pensée un ordinateur ! Oui, ça existe déjà, et c'est en passe de devenir l'informatique de demain !
    Tinky, technophile.

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