jeudi 31 décembre 2009

Pallier à




Comme on le sait, l'emploi transitif indirect du verbe pallier, quoique quasi généralisé, est encore jugé fautif par les grammairiens et les dictionnaires:

Hanse:
voici: Pallier est proprement un v. trans. direct

GDT:
Contrairement à l'usage quasi général, le verbe pallier se construit directement avec son complément.

etc.

Ce nouveau régime de pallier s'est probablement imposé par analogie avec remédier à, dont il a fini par copier le sens, ou encore avec le nom correspondant palliatif (à).

Quoi qu'il en soit, la forme fautive pallier à se présente souvent dans le cadre du nouveau sens « remédier à (qqch) », lui-même longtemps jugé fautif par les grammairiens. Le verbe pallier, qui signifie à l'origine « couvrir d'un manteau » (du latin palliare), a longtemps eu pour sens principal « dissimuler (une faute, une faiblesse) ».

Tout ça pour dire qu'en page 159 de l'excellente Histoire de la langue française d'Albert Dauzat (1930), éminent linguiste du tournant du siècle dernier, on peut lire:

Les composés gréco-latins offrent un autre avantage d'une portée innapréciable: ils sont pour la plupart ou deviennent rapidement internationaux, palliant ainsi au morcellement des langues et créant un fonds commun, de plus en plus vaste, de langage cosmopolite.

Vulgarisme étonnant d'un érudit de la langue ou parti pris de progressisme sémantique?

D'après le ton général de l'ouvrage, j'opterais pour la seconde explication.

jeudi 24 décembre 2009

L'adverbiage


Si on m’a demandé ou non d’écrire en cet après-midi d’hui, vous ne le saurez jamais, mais toujours est-il (quelle tournure moche, je sais, et vlan, déjà la parenthèse, je re-sais) qu’une injustice m’inique tarabustement, et que l’exercice étalé éhontemment sous vous zieux (ou horizontalément, j’imagine que l’écran d’ordi où se prélasse sans-gênement ce blog est situé vis-à-vis de vos mirettes et non bassement sur un bureau comme un vil papelard qui antédiluve tellement que vous nauséeriez rien que d’y penser) a pour but de rétablir, un peu, l’ordre dans ce bazar.

Je vous laisse lire la phrase précédente pour que vous déparenthèsassiez tout le machin, allez-y, c’est offert gratossement*. Sauf si votre Web est payé à l’heure.

« Quid, ubi, orbi? » à-juste-proposez-vous dekossément. Quelle injustice? Quelle est la cause qui croise-et-bannièrise le toujours neutre (autant politiquement que pHment) Délèque? À quel propos polémisera ce sondeur de l’abîme insondable, ce chercheur de creux, ce vertigineux du vide? La (réfaurme?/rayfhôrmme?/rhêffeaurrmhe?) remanipulation orthographique? Les dérivations parasynthétiques des populations du Gujarat du Nord? Les épithètes en hypallage des babelfisheux? Que nennis-je, du haut de ma superbe commeunseulhommemément. Le but (enfin on verra, hein, je bloggue sans manu- ou tapuscrit) de cette missive a pour but de rallier la communauté webbesque et de l’allonzenfants-delapatrier vers une cause noble, pure, chouette, qui se résume en la question suivante, que je niunenideusse tacautaquement :

Ça vous enquiquine pas, vous, le fait que y a des mots, on peut faire un adverbe, ou un verbe, avec, et des mots, non? Ah-haaaaa, je vois à votre silence béebouché et votre regard impassibilisé que je te vous me te touche la corde sensible. Quant à ceux se sont déturgescés en ayant le vague sentiment que j’ai over-suspensé dans l’intro par rapport au sujet, ben vous avez pas fini d’être déçus, et honnêtement, que faites-vous encore sur ce blog d’ailleurs, y a des gens qui travaillent ici.

Non mais oui mais je sais, y a des mots qui se transposent pas, y a l’euphonie, l’usage, le saint-frusquiniage divers…mais avouez que le français, par rapport à l’anglais, souffre sa race dans un univers néologisant où le markettinge, les buzzwords, l’imââââge sur le sens et la substance sont à l’avant-plan. Sans parler de la techno, qui va plus vite que l’OQLF (vous avez utilisé un cédérom récemment, vous? Et puis des CD, c’est tellement nineties). Avantage : les Anglois, leur gérondifs, leur air cool cheveux au vent, leur franche dédaignation de la structure, et ce, malgré la malchance qu’ils ont de pas assurer le maintien d’institutions rigidissimes qui datent de Louis the XIV. Pas étonnant que le gérondif se propage comme-une-trainée-de-poudrément dans notre belle langue, que le français s’anglosaxonne et que la rigidité envers la néologisation (voyez, même ça c’est un néologisme, y a du chemin à faire) demeure un obstacle qui, à mon fort humble avis, tétanise la pensée, délimite la sémantique, cacate l’évolution.

Tant que de nouvelles réalités et de nouveaux concepts apparaîtront, l’humaine et son fiancé auront besoin de petites étiquettes pour les nommer, les figer, les apprivoiser mentalement et passer à autre chose, tiens. Donc mots. Et il est humain de parler de ces réalités. Donc phraséologie, langage, et cæterations diverses. Mais entre le « terrain » (ce que certains osent nommer la « vie », et que d’autres, plus évolués, nomment l’IRL (in real life, vu que y en a que c’est surtout virtuellement qu’ils ont une vie, eh ben y a fallu inventer l’IRL pour différencier) et la documentation, l’écart tend à s’élargir; les dicos, traités et autres grevissants ouvrages peinent de plus en plus à rattraper les smsophiles et autres l33ts…

Et puis, ça vous est jamais arrivé, vous, d’être en société (charmante ou baillementogène), de faire état de votre état de personne-qui-travaille-dans-la-langue (« Ah? Et vous en vivez? ») et de vouloir dire quelque chose de spirituel (c’est votre 3e mojito, disons) en diatribant contre le fait qu’on puisse pas lâcher spontanément un grasseyant et jouissif néologisme, qui vous éviterait de circonlocutionner et d’autourdupotgyrer inutilement?

Moi, oui. D’où, blog.




*Oui, offert, ca veut dire gratuit. Oui, pléonasme, bravo, 50 points. Mais j’ai pas d’autre endroit où mettre gratossement. Sauf à la fin de la phrase précédente, mais bon, ça marche pas plus sans le premier gratossement (et du coup on se retrouve avec 3 gratossement**).

**En fait, 4 (bien vu, au fond)

***Eh ben oui, c’est pas aujourd’hui que Délèque va faire un post sans astérixer, et je suis le premier à le déplorer : mise-en-pager, j’vous dis pas. Surtout que le « *** » est orphelin, le cherchez pas dans le texte. Et le « ** » aussi, d'ailleurs.

mercredi 23 décembre 2009

Méduses et temps vétustes




À l'issue de l'échange de cadeaux chinois, cette fois, plutôt qu'une tirelire en plastique, c'est un roman tout neuf et tourné à l'imprfait du subjonctif qui m'échut.

Dans Méduses (troisième roman je crois), Antoine Bréa exhume fort habilement ces conjugaisons qu'on croyait mortes ou, à tout le moins, oubliées des auteurs nés postérieurement à l'invention de la machine à vapeur.

Il était temps qu'on s'y colle!

J’appréciais modérément qu’elle me trouvât, soulignait-elle, pour elle qui revenait de loin, «exotique». L’intéressée était beurrée, sentait la tise montée sur des moulins à vent. C’était agaçant et je ne prisais pas des masses que l’on me traitât comme un aborigène, que l’intéressée me parlât comme à un Antillais.
(p. 75)

mardi 15 décembre 2009

Panthéonade

« Le but de la panthéonade, selon le néologisme ironique de Régis Debray, est de rendre hommage à une personnalité de nationalité française dont l’œuvre et la vie ont marqué l’histoire. Cette tradition est aussi un moyen, pour le pouvoir en place, de mettre en valeur une période de l’histoire et d’y graver son empreinte. L’ancien président, Jacques Chirac, avait organisé l’entrée au Panthéon des écrivains André Malraux (1996) et Alexandre Dumas (2002). Si la décision se confirme, Albert Camus pourrait bien rejoindre Voltaire, Rousseau, Jean Moulin, Pierre et Marie Curie ou encore Victor Hugo qui y reposent. »

« Albert Camus au Panthéon? », lepoint.fr, 19 novembre 2009

Résultats de recherche avec panthéonade sur un moteur bien connu :

900 résultats environ, principalement des blogues intellos (dont un féministe), des forums de la même étoffe (dont l’un des participants a répondu par panthéacourt, sa propre création, hermétique, inpigeable, et qui ne génère que deux résultats sur G).

samedi 12 décembre 2009

Désaccords chez les participes passés

Pierre Foglia écrit ceci dans la Presse du 10 décembre 2009 :

______________________________________

Cet exercice sur les anglicismes est proposé aux élèves du primaire de la commission scolaire Marie-Victorin (Rive-Sud).

Trouve le bon mot : Caroline a eu (du fun, du plaisir)...

Notez au passage le degré de difficulté. Mais bon, ce n'est pas pour ça que je ronchonne. C'est pour les deux questions suivantes :

Tu as (checker, vérifier) le mot dans le dictionnaire.

Le directeur a (annulée, cancellée) la soirée de danse.

Ce qu'il y a de gênant, ici, n'est pas que des fautes aussi grossières aient pu se glisser dans un devoir scolaire. Ce qu'il y a de gênant, c'est que pas un directeur d'école de cette commission scolaire, pas une enseignante - en supposant qu'ils et elles sachent encore accorder les participes passés et les différencier des infinitifs - que pas un, disais-je, ne se soit fait entendre assez fort pour qu'on retire ce matériel «pédagogique» de la circulation.

Quant aux parents, n'en parlons pas. Sauf celui qui m'a alerté, je suppose qu'ils sont tous très occupés dans le comité de l'arbre de Noël. On les remercie de leur engagement.

_______________________________________________

Je me scandalise avec vous, parents et journalistes, du fait que certains professeurs n'ont pas la rigueur d'appliquer une norme (celle de l'accord des participes passés) à laquelle ils astreignent (et on se demande bien comment) leurs élèves.

Rendre les participes passés invariables en français?

Toutefois, il existe une tendance, chez les professionnels de la langue qui ont le privilège de faire partie de mon entourage dont vous devinez certainement qu'il est trié sur le volet, à pousser l'audace réformatrice jusqu'à envisager une réforme de l'orthographe... grammaticale.

Vous avez bien lu, on parle de prélever du lard dans l'accord des participes passés, on parle de rendre ces participes... invariables, dans le cas des accords muets (donc dépourvus de manifestation orale; cela couvre la presque totalité des verbes français, à l'exception d'une partie de ceux du 3e groupe).

Oui, comme en anglais.

Mordre, mordu, mordus, mordue, mordues réduits à mordre et mordu.
Ils se sont battu puis ils se sont aimé.

De cette façon, au moins, pense-t-on dans les meilleures familles, les grands émotions soulevées depuis 20 ans par les toutes petites rectifications recommandées par l'Académie française trouveraient peut-être finalement à se justifier. Et puis sans accord du participe passé pronominal, dont on révise encore les règles quand on a trente ans et plusieurs diplômes de lettres et de linguistique, on gagnerait un temps fou pour enseigner le français à nos enfants, en ne conservant que l'accord en genre audible à l'oral: assise, recluse, close, ouverte...

Pour enseigner le français, enfin :
- l'articulation et verbalisation de la pensée
- l'enrichissement du vocabulaire, la culture de l'expression juste
- la pratique du style
- l'analyse littéraire...

... et pourquoi pas, soyons fous, initiation à la philologie et à l'herméneutique dès la petite école.

Niveler par le haut, libérer leur mémoire et leur temps, éliminer un peu de cette superficialité chronophage pour les inviter à plonger dans la grande culture et les savoirs qui élèvent. Se dégager du temps dans nos programmes scolaires pour réconcilier les jeunes cerveaux avec une histoire civilisatrice des lettres.

J'ouïs un cri d'horreur.

De la langue à l'écriture

Tentons maintenant un exercice de pensée. Imaginons que l'Europe, motivée par le souci de faciliter les communications numériques, entreprenne, comme elle le fit pour les échanges commerciaux en unifiant la monnaie, de sélectionner un alphabet unique qui, désormais, serait employé pour écrire toutes les langues européennes. Ainsi les décideurs auraient à choisir au moins parmi les alphabets latin, hellénique et cyrillique. Reconnaissant d'emblée la richesse inestimable de l'héritage grec, l'Académie européenne de normalisation linguistique ferait consensus sur l'alphabet hellénique.

Les esthètes trouveraient leur compte avec le plus joli des trois alphabets; ses rondeurs appétissantes évoquant la glorieuse et regrettée caroline, si belle, qui déclenche encore les papillons au ventre et les étoiles dans les mirettes du francophile un peu perché.

Comme on convertit aujourd'hui les films VHS au format numérique, il faudrait transférer les classiques des littératures allemande, française, russe, portugaise, danoise, basque, éventuellement balte (héhé) en édition européenne, les retranscrire en ce "nouvel alphabet" unifié. Après une ou deux générations de cohabitation des deux systèmes, les enfants à venir apprendraient exclusivement le nouveau.

Et Stendhal se lirait ainsi :

Υηρ λα φί δϋ ρέπα, ιλ αριυα α ματιιλδ, κι παρλη α γΰλιί, δέ λ'απέλε μώ μητρ.

ιλ ρωγι γύσκω βλά δη ίλϖ.

(Vers la fin du repas, il arriva à Mathilde, qui parlait à Julien, de l'appeler mon maître. Il rougit jusqu'au blanc des yeux.)

(La phonologie du grec attique comptait, grosso modo, 7 voyelles et 17 consonnes phonologiques et graphiques. Le français compte 20 consonnes et 16 voyelles phonologiques. J'ai donc usé de rustines diacritiques afin de rendre certains sons du français inexistants dans l'alphabet hellénique, comme on le fait avec l'alphabet latin, tout aussi insuffisant pour rendre la richesse phonologique exceptionnelle du français.)

L'orthographe du français est morte, vive l'orthographe.
L'accord des participes passés, aux oubliettes, dans l'écriture du français en alphabet hellénique.

Dès lors, que reste-t-il de notre langue tant aimée? Que reste-t-il des formules sublimes de nos plus grands auteurs? Que reste-t-il du génie de la langue, une fois enterrée la notion même d'orthographe?

Tout.

Les mots, les phrases, les sons, le style, l'esprit, les idées, le contenu, la forme, tout, de la langue française, tout est conservé, malgré l'élimination d'une orthographe ancienne et imparfaite, remplacée par une graphie phonologique (on aurait pu aussi , dans notre nouvelle convention écrite, reconduire les anomalies de l'orthographe traditionnelle que nos yeux ont coutume d'associer à l'alphabet latin, mais remarquez que οιγνον ou encore ηλλες σέ ςοντ εμβραςςεές aurait choqué la rétine).

Exit les choux et les hiboux, exit les querelles autour du 'i' d'ognon, exit l'accord des participes passés, pronominaux ou pas.

Et la langue est sauve.

Pourtant... malgré le lien ténu qu'entretient le code graphique avec l'essence même de la langue, je prétends, moi, qu'il serait dommage de radicaliser la réforme en éliminant l'accord des participes passés, car l'exercice de l'accord est un prétexte à l'analyse grammaticale, que je chéris, car elle fournit aux tâtillons et aux enfileurs de chas l'occasion de poser des questions logiques et d'y répondre.

Que ceux qui ne sont pas contents m'accordent immédiatement, et sans ouvrir leur Besherelle, « elles se sont entendu* dire » et « elles se sont succédé* ».


lundi 7 décembre 2009

Hé Jug, file-moi le tarpé


Texte sur la bd et la traduction que quand on a trouvé un titre spirituel
et recherché on est content mais là ça vient pas, zut de zut

En parlant de Colocs en stock publié précédemment, on m’a instamment (et, oui, avouons-le, en usant de chantage) demandé de vous parler de deux de mes dadas, et de la fusion d’iceux, c’est-à-dire la traduction et la BD. Outre l’étalage éhonté de mes capacités mnémoniques, le présent blog a surtout pour but de mettre un baume sur ces moments de notre enfance à nous tous, ces instants magiques où, assis, vautrés, indolents, fût-ce sur un canapé (genre sofa, pas craquelin paris-pâté/olive), un lit, un pédalo ou un trivial bidet, nous nous régalâmes des aventures de Betty et Veronica et d’Archie Andrews et son mode de vie plutôt polygame, et que soudainement, paf, une faute d’orthographe, infâme, ou une tournure mal foutue, la salope, ou autre maladresse d’écriture ou de traduction, scrogneugneu, fichait le gag en l’air, brisait le rêve, nous laissait nus, seuls dans le froid d’un monde pourri, torve, déliquescent et cacateux.

Je m’emporte.

Enfin, je vous parle des joies, défis et nombreux pièges de traduire la BD. Ben je vous propose, hein, sinon, y a plein d’autres choses à voir, Internet regorge de vidéos de singes qui se grattent le derrière ou d’éléphants qui accouchent live (authentique). Comme ça, les pauvres gens de chez Éditions Héritage et leurs traductions foireuses (« Formid! Sympa! Hé Jug, on se roule un tarpé? ») seront à demi pardonnés… ou non.

Parce que vous, lecteurs de bd étrangère même pas écrite dans notre langue, vous pensez que traduire ça se fait en soufflant dessus ou en babelfishant? Que non! Y a des degrés de difficulté insoupçonnés. Le premier : la taille du phylactère. Vous avez déjà traduit du PowerPoint? Un tableau Excel? Dans une combinaison de langues où la langue d’arrivée est fichtrement plus longue que celle de départ? Sacrant, vous dites? Pas le droit de mettre tout en police 3 points! Et quand vous devez rendre « Cool » dans une bulle de ¼ de pouce carré et que ça donne « Supertittenaffengeiltopcool, Mann »? Faut tricher, improviser, sans rien perdre dans le transfert (oui bon « cool » c’est universel, c’était qu’un exemple, là), et on peut pas vraiment faire de la compensation comme en traduction littéraire (c.-à-d. changer une tournure ou une figure de style plus loin dans le texte) : le phylactère est immédiat, présent, instantané, et ça réduit l’éventail de solutions.

Parlant d’immédiatateté*, autre contrainte : les petits dessins, là, les p’tits Mickeys, ben ils bougent. Bon, en fait, ils signifient le mouvement. Et avec le caractère immédiat de la bédé, les personnages, ils ont pas le choix, ils joignent toujours le geste et la parole – ils obéissent au dessinateur qui, manque de pot, est la plupart du temps, lui aussi locuteur de cette langue de départ imbécile qui a la fâcheuse tendance à ne pas être le français. « Ben là pas grave, pfff », unisonnez-vous. Ah oui? Les Malais, ils font oui de la tête comme nous, on fait non, c.-à-d. qu’ils opinent pour refuser. Le « ok » américain, joindre le pouce et l’index en laissant les trois autres doigts en éventail, geste positif et plein de joie, signifie un gros zéro et son corollaire, « pôv’ con », dans certaines parties d’Europe. Tous ces petits drôles de faits, mis ensemble, contribuent à causer moult emmerdes et aident pas à la satisfaction de délais avec tout ça non mais.

Autre raison de se péter la tête sur son clavier en dressant à très haute voix les accessoires d’un prêtre?

Mise en situation : Deux personnages font du patin à roulettes. Le patin de l’un grince, l’autre dit : achète une autre paire. L’autre : je suis trop grigou.

Outre le mot « grigou » qui a défrisé le plus calvicieux d’entre nous, cette discussion entre mecs à patins à roulettes est tellement anodine qu’on s’en contre-torcherait allègrement le nombril avec le pinceau de l’indifférence, et ce, avec l’énergie du désespoir. Mais un rapide coup d’œil sur la v.o.a. nous indique un incroyable jeu de mots du second personnage : « I’m a cheap skate! ». Skate, patin. À roulette. Cheap, ben cheap, quoi. Lol, l’eaule, l’haut-le. Pété des R, nous sommes. Mais comment, bordel, traduire l’intraduisible dans ces conditions? C’est la que le bât fesse. Pas de place pour expliciter, pas d’esquive à cause de l’image, et l’expression idiomatique/calembour choit comme une vieille chaussette deçà, delà pareil à la feuille morte. Dure loi de la jungle, et je vous avoue que lire de la bédé traduite, je suis pas capable, je lis et transpose en même temps en cherchant la blague ou la tournure originelle. Faiche.

Dernier point, pas du sujet, vous allez m’en trouver plein, petits canaillous, mais dernier que moi je dis, là, là : l’aspect « localisation ». Il ressemble à la difficulté précédente (jeu de mots), mais selon l’aspect culturel de la langue d’arrivée par rapport à la langue de départ. Pasque Internet et Twitter ont pas encore uniformisé le monde, il reste des contrées reculées, primitives et infestées de tous-nus qui – ô stupeur – ignorent les idées telles « lol », « Wal-mart » et « Doritos ». Je sais. Et en plus, ces peuplades barbares s’attachent à des concepts non-fondés affublés de l’amusant terme « histoire » et des mythes soi-disant « fondateurs ». Alors, à cause de principe du révélateur culturel, les aventures de Green Lantern, personnage arborant le justaucorps émeraude, prend une teinte assez intense en certains endroits, genre en territoire palestinien, où le vert a une importance toute spéciale (googlez-le, pas de raison que je me tape tout le travail ici, merdre). Et Wonder-Woman chez les Talibans, euh, comment dire…pas super évident.
D’aucuns me diront que ces cas n’ont pas d’importance, puisque aucun éditeur ne s’essaierait à publier dans de tels cas-limites. D’autres de ces aucuns, plus cons, diront que de toute façon ces tenants d’un folklore rétrograde ne savent pas lire anéwé. Nous tairons ces xénophobes, et je leur dis qu’il n’y a pas de petit profit, et que de toutes façons, un jour tout le monde connaîtra les péripéties de Bob et Bobette, qu’ils le veuillent ou non. Cependant, pour le traducteur, à part amenuiser l’incidence d’une phrase culturellement non-recevable, et espérer que le personnage ne fera aucun geste ni n’arborera une couleur risquée pour son lectorat, y a pas grand-chose d’autre à faire. Après tout, caveat emptor, les locuteurs auront le choix d’acheter la bédé ou non, le traducteur traduit, rend le sens (ou le non-), fait de son mieux pour transférer l’émotion et les mécanismes linguistiques avec les moyens qu’il a. Et puis, même si la version traduite « sent » la traduction, ça donne un petit kick au lecteur et lui permet de comprendre une réalité étrangère à la sienne, ou, à tout le moins, un indice que des gens vivent, lisent, rient et bédéent d’une façon autre – mais pas mauvaise.

*Oui, je sais. C’est voulu. Z’avez pas remarqué que j’avais mis cette phrase en Verdana (Sarcastic)?

Le français a changé ma vie

Un ami linguiste m’a fait cadeau de ce petit livre d’Alain Stanké (publié aux éditions Michel Brûlé), qui maîtrise le français fort bien, ma foi, pour une cinquième langue, devenue pratiquement maternelle conséquemment à sa "seconde naissance" ici.

J’avais un faible pour le personnage de Stanké qui, sans vouloir m’appesantir en anecdotes personnelles (le dire, c’est le faire?), était copain avec cette inoubliable professeure de français d’un collège de Sherbrooke et de ce fait, avait l’habitude de présenter son livre Des barbelés dans ma mémoire, récit d’un enfant lituanien de la guerre, aux régiments de collégiennes de troisième secondaire qui s’y succédaient.

L’homme avait profondément touché mon cœur de gamine avec ses récits pleins de sensibilité. Je me souviens, en particulier, du petit Stanké dissimulant des croûtons de pain sous les vêtements avant de partir au camp. Et des gros doigts enflés de ce beau monsieur, le vrai, l’adulte, qui témoignaient des disettes et privations de la guerre.

J’ai donc lu Le français a changé ma vie avec un a priori positif; le livre eût été mauvais, je l’eus néanmoins encensé (soyez patients, je pratique les conjugaisons désuètes, épreuve olympique des jeux d’automne, je compte me présenter pour l’équipe du Québec, merci).

J'y retrouve l'homme à tout faire attachant, un poil hyperactif et parfaitement sincère, l'homme qui a vécu la guerre en innocent, qui me plaît toujours autant.

L’écriture n’est pas le souci principal de ce livre. Cela m’étonne puisqu’il y est question d’amour d’une langue, mais on peut pardonner la maladresse stylistique (par exemple, le mot Gaudriole se répète à la page 48 et il ne s’agit pas d’une figure de style, voilà qui n'est pas très habile) sachant qu’il ne s’agit pas de la langue maternelle de l’auteur. On dirait un blogue sur papier en fait. Une diversité formidable de sujets plus passionnants les uns que les autres, traités chacun beaucoup trop succinctement: couleurs locales, variation géographique, changement du sens des mots dans le temps, anecdotes embarrassantes et contresens, réflexions personnelles sur les cultures francophones, langue et sexisme... tous illustrés d’exemples et d’historiettes.

Exemples dont j’aimerais vérifier la validité: est-il exact que Assassiner signifiait « Ennuyer » au XVIIe? Une vérification rapide dans le Robert historique confirme ce que l’on devine, qu’il s’agit d’un sens métaphorique (par ailleurs productif, pensons à Ça me tue, Il m’assomme , etc.) que Stanké aura pris au pied de la lettre, ou mieux encore, comme je l’aime bien, je le soupçonne d’injecter gratuitement dans nos réseaux de ces petites légendes urbaines que chacun prendra pour stricte vérité dans dix ans, vous savez, comme l’origine du mot québécois Quétaine, soi-disant issu du patronyme Keaton, de Saint-Hyacinthe... CELA EST FAUX!...

...mais alimente néanmoins l’étymologie populaire, aussi serais-je bien malheureuse si, mon lectorat prenant de l’expansion par quelque improbable circonstance de la vie, cette dénonciation chagrine venait à saboter véritablement les tentatives charmantes de Monsieur Stanké pour alimenter si espièglement le bassin de nos connaissances linguistiques populaires, lesquelles n’ont surtout pas nécessité d’être vraies.

Un peu comme ce titre de section « Montréal parlait français avant la France », p. 69.

Hum.

lundi 30 novembre 2009

Diacritiques en rade



Qui n'aime pas la cédille?
Qui s'en détacherait?
Qui admettrait qu'on retranche cet éclat de gloire wisiglotte de notre grand bordel orthographique cent fois loué?
Qui tolérerait qu'un esprit carré de chez les petits pères linguistes nous l'ôtât (c'est pas tous les jours qu'on a l'occasion d'user d'imparfait du subjonctif sous vos yeux ébahis), dans la foulée simplificatrice de l'heure?

Personne.
Nous, francophones, tous autant que nous sommes, nous arracherions le coeur à mains nues pour cette petite chose-là.

Même moi, si libérale et rationnelle par ailleurs lorsqu'il est question de graphie alphabétique, je me range, cette fois, du côté des adorateurs fous de la tradition.

Heureusement, il n'est pas encore question, là-haut, de trancher de ce lard-là.

La cédille est sauve.
Mais rare, convenons-en.
Caleçon, poinçon, arçon, façon... On ne la croise pas assez souvent dans nos textes.
Et toujours dans les mêmes rimes.

Pourtant, la cedilla (en espagnol, "petit z") recèle un potentiel non-exploité, comme le faisait remarquer une amie linguiste dont la rigueur analytique n'a d'égale que la sagacité; Cartésie, votre réflexion sur la cédille m'inspirat!

La cédille, dans les premiers textes français, marque le résultat d'une transformation phonologique: l'affrication du 'k' du latin tardif entre deux voyelles (passons les détails techniques, je les ignore exhaustivement).

L'évolution linguistique fit en sorte qu'on se retrouva avec les mots issus de l'évolution lente et régulière du latin tardif vers le français, dans lesquels ce fameux 'k' intervolcalique était palatalisé en 'ts' ou 'tch', coexistant avec d'autres mots dotés d'un 'k' intervocalique prononcé à la dure.

La cédille, anciennement petit 'z' tracé sous le 'c', a été introduite pour distinguer ces prononciations différentes d'une même lettre. Une graphie alternative, 'ceo' (pour [so]),permettait d'établir la même distinction dans certains manuscrits.

Ça vous rapelle quelque chose?

On suit, dans le fond de la classe?

Or l'évolution phonologique des langues étant un phénomène somme toute assez régulier et systématique, à certains égards du moins, il était à prévoir que la petite soeur voisée de la consonne 'k', le 'g' dur donc, emprunterait le même chemin.

Il fallut aussi distinguer la prononciation fricative (molle) de la prononcication occlusive (dure) de la lettre 'g', et pour ce faire, bizarrement, la graphie alternative en 'e' citée plus tôt se généralisa.

Nous voici donc aujourd'hui avec bougea, mais plaça.

C'est ici qu'intervient à nouveau mon amie Cartésie, linguiste jusque dans la moëlle, suggérant qu'on généralise l'un (la cédille) ou l'autre (le 'e' diacritique) outil de distinction graphique aux deux cas, qui n'en forment, en dernière analyse, qu'un seul.

On suit toujours, là-bas, près du radiateur?

Ainsi bourĢon et manĢons donneraient le change à la série traditionnelle des -çon, enfin.

L'amie ajoute, car pourquoi s'arrêter en si bon chemin, qu'on pourrait simplifier la nomenclature des caractères touchés par le diacritique qui nous intéresse.

Pourquoi alitérer sur un C cédille, en effet, alors qu'on pourrait comprimer, pour parler du caractère affublé, en cédille tout court?

Du coup, le signe commensal lui-même se nomerait joliement dille, combinaison syllabique encore inexistante en français quoique tout à fait probable.

Et vous l'aurez compris, notre 'g' mou deviendrait alors... un gédille.
De l'espagnol gedilla, "petit gède".

Friande de création lexicale, j'ai cherché à savoir si un internaute y avait pensé avant moi.

Et bien entendu, on y a pensé.

lundi 23 novembre 2009

Prix citron - règle typographique




Prix citron: règle absurde, catégorie typographie

La lettre initiale d'un titre numéroté doit-elle être en italique, si le titre l'est?

Et peut-elle l'être, dans les autres cas?






Faut-il écrire:
a) Introduction
b) Développement
c) Conclusion

ou plutôt:

a) Introduction
b) Développement
c) Conclusion

réponse: au goût.

Les deux sont corrects, d'après La référence en typographie, l'ouvrage de Ramat (p.28). Par contre, la parenthèse, elle, doit être en romain dans tous les cas.

La mise en forme suivante serait donc hérétique:

a) Introduction
b) Développement
c) Conclusion

Subtil, non?

Comme quoi la typographie est un hobby d'enfileur de chas.

vendredi 20 novembre 2009

Des barbares et des oignons

Je n'investirai pas plus de temps dans ce commentaire que Patrick Lagacé ne le fit pour le sien.

Contexte: soubresaut orthographique de fin d'automne.

Le bloggueur ouvre les yeux, brutalement, sur un monde nouveau, un monde qui n'est plus le sien, insensiblement manipulé, ici et là, par les barbares de l'érosion linguistique, et constate avec horreur que désormais, même les ministères d'ici et de là-bas, diaboliquement appuyés par des ouvrages de référence trafiqués, complotent pour saboter le confort et la douce tiédeur de la chère orthographe de son enfance.

Coin de table pour coin de table, je lui réponds, mais rapidement!

* * *

PL: Le hic, évidemment, c’est que les enfants qui écrivent « ognon » ne l’écrivent probablement pas en se réclamant de la nouvelle orthographe.

PB: De fait, il est possible que cette graphie de leur main soit plus simplement le résultat de l'application de leur intelligence et de leur connaissance générale de l'écriture alphabétique.

Intuitivement, ils commencent à savoir que le son [o] en syllabe initiale ouverte des mots français issus de l'évolution phonologique lente et naturelle de la langue (par opposition aux emprunts tardifs du grec et du latin) a tendance à s'écrire 'o', et jamais 'oi'.

PL: On va tout simplement fermer les yeux sur un enfant qui « réussit » à écrire « ognon », sans même savoir qu’il peut l’écrire sans le i entre le o et le g.

Tu voulais écrire "avec le i entre le o et le g", sans doute?
Et sans doute "fermer les yeux sur le fait que"?

(Les barbares de l'érosion linguistique sont-ils à nos portes?
Je crois, pour ma part, qu'ils sont installés tranquillement à la table de la cuisine, et depuis toujours, narrant le vide, et que le crime anodin de leur absence de génie ne menace en rien l'intelligence humaine et ses produits.)

Brèfle.

Patrick Lagacé, quand tu écris "le français", j'espère que ce n'est pas en cédant à la facilité d'écrire la seconde voyelle du mot conformément aux règles orthographiques générales, mais bien en sachant que si tu as le droit, en fait la prescription, d'écrire "français" plutôt que "françois", c'est la conséquence d'une réforme qu'en 1835, la communauté linguistique a bien dû se résoudre à accepter, quoique tardivement.

PL: Absurde, évidemment.

Héhé, évidemment...

mardi 10 novembre 2009

Tintin, Georges Dor et moi



Plutôt par hasard, j'ai mis la main sur Colocs en stock, cet album de Tintin (originalement Coke en stock) "traduit" en québécois oralisant, qui a fait l'objet d'un savoureux billet de Délèque il y a quelques semaines. Je m'attendais à un truc affligeant, rédigé dans une langue fictive, grossière représentation des Québécois imaginée par un alloglosse des vieux pays, tant était dure la critique d'ici à l'égard de cet exercice.

J'ai pas aimé:

Il est vrai que le titre est ridicule.

Qu'un reporter de la mi-siècle-dernier s'exprimant en langue populaire (C'te zouve-là!) anéantit la crédibilité de l'histoire (ce que le titre avait déjà fait, de toutes façons).

Que la mise en graphie de certains phénomènes oraux (pas toujours exclusivement québécois d'ailleurs... les tournures françaises autochtones d'Amérique sont plus rares qu'on ne le croit) est aléatoire, limite incohérente (ex.: *quossez que (p. 1) mais quossé (p. 3)).

Ajoutons que tout au long du "texte", on confond "parler québécois" et "parler français familier" (C'est pas, et autres élisions courantes à l'oral).

J'ai aimé:

Pourtant, déformation académique de linguiste sans doute, j'ai apprécié la justesse et la richesse des expressions choisies par Yves Laberge (J'vous en passe un papier, Ne pas l'emporter en paradis, Patiner dins coins, Être sur la trotte, Arranger le portrait...).

La couverture des québécismes est astucieuse, généreuse, à un degré qui, je l'admets, fait sentir la "liste de mots à ploguer" par moment (connaissez-vous l'expression Ou c'est qu'on peut vous toucher? Moi non plus).

Mais on sent que la recherche a été menée avec sérieux, que l'auteur a réfléchi sur sa langue. Certaines observations sont subtiles, comme le relâchement des contraintes sémantiques sur l'objet de 'dire', dans Dire son adresse.

L'ensemble du lexique choisi contient peu d'anglicismes (Laberge nous fait une fleur, sur ce coup-là!) et de nombreux mots bien français aux consonnances poitevines.

Tintin et moi

Attention, je ne dis pas que j'ai dévoré cette bédé d'un couvert à l'autre, ni que sa lecture m'a provoqué des palpitations. Tintin, en wallon, en québécois comme en nain de jardin, c'est ennuyant à crever. Conçu pour faire voyager le garçonnet des années cinquante dans univers colonial réconfortant, l'eunuque belge a mal vieilli.

Et justement, soyons honnêtes, on ne lit pas Colocs en stock pour lire Coke en stock dans un dialecte plus intelligible, de même que l'album n'a pas été publié pour rendre accessible la haute culture belge à une horde d'allophones excentrés.

Cet album est un produit commercial, un sous-produit de la série des Tintin, qui fait le bonheur des collectionneurs, et éventuellement celui de quiconque est animé d'une certaine curiosité à l'égard d'usages français exotiques et méconnus.

Tintin pi toé

Seulement comme chaque fois qu'il est question des parlures d'ici, les critiques d'ici se montrent émotifs, et voilà pourquoi je reviens sur le sujet:

"Je trouve vraiment déplorable cette publication de Tintin en pseudo-québecois, qui fait encore une fois paraître le français d'ici comme étant une variété inférieure du français parlé[...]".

Pierre Calvé, "Colocs en stock: erreur boréale", Le Droit


Une variété inférieure

Encore!
Toujours la même histoire.

Français. Populaire. Joual. Ouvrier. Moué. Québec. Toué. Balbutiements. Barbares. Sous-hommes. Cracher par terre. Parler breton. Inférieurs.

Selon quels critères?

Bienvenue dans le champ sémantique inépuisable du mépris.

Quelle que soit la nature et la qualité du patois en question, la précision de son lexique, quel que soit l'intérêt de ses filiations linguistiques, le jugement porté sur ladite variété de langue est le reflet du jugement porté sur la communauté qui l'emploie, et pas autre chose.

Ce jugement d'infériorité porté par le pourtant linguiste auteur de cette critique signe un mol intérêt pour l'histoire de la langue et la richesse des lexiques français ainsi que son grand mépris pour les classes... "inférieures"; pour les parleurs ruraux, familiers, non-diplômés, ouvriers, qui osent colporter des archaïsmes taillés pour la rime riche tels que Amanchure, Champelure, Babine et Margoulette; tels que Bardasser, Crinquer et Embarquer; tels que Vlimeux, Jasant et Malcommode.

Cette erreur de raisonnement, qui entraîne tant de grandes gueules à confondre l'objet de leur "évaluation linguistique" avec l'objet humain de leur profond mépris, donnons-lui le nom du mépris fait homme: le georgedorisme.

Sans savoir toujours l'exprimer de façon nuancée, les Québécois sont vexés qu'on présente systématiquement leurs usages comme formant une variété exclusivement orale, se jouant dans les registres familier à vulgaire. Les critiques de Colocs en stock et de toute oeuvre écrite en langue orale du Québec sentent bien que les variétés de français québécois illustrées dans l'ouvrage ne sont pas celles des classes instruites de la population québécoise, et ce reflet collant de notre passé d'illetrisme et de soumission fait mal.

N'allez pas raisonner qu'à l'écrit et en registre formel, les différences entre français québécois et français-de-France sont trop minces pour illustrer quoi que ce soit de ludique, que nos Partagiciel et Écrivaine n'emplissent pas le bonnet du plus modeste phylactère. N'exposez pas à leur égo identitaire sensible que l'éloignement géographique et le changement de registre sont sources d'inépuisables amusements langagiers (pensez aux 150 petits chefs-d'oeuvre de San-Antonio), et que cela est universel.

Québécois, Québécoises, laissons donc nos homoglottes de là-bas se réjouir de notre différence, ou de celle de votre voisin, si vous préférez, et réjouissons-nous de même.

Avec un peu de confiance en soi, on en arrive à regarder tout ça un peu plus froidement; la langue vit, et heureusement, se diversifie encore, du moins à l'oral, et heureusement, pas encore trop à l'écrit.

Quoique.


mercredi 4 novembre 2009

Dix bonnes raisons et deux néologismes

"Le gouvernement [français] "enrichit" le français de deux néologismes", L'Express, 4 novembre 2009

Au fil des joutes entre l'opposition et le gouvernement, mais aussi des querelles de la majorité, la langue française s'est enrichie en deux jours de deux néologismes: "imprivatisable" et "inénervable".

Dix excellentes raisons pour inventer un mot

... quitte, parfois, à fonder le néologisme sur un emprunt...
... quitte à ce que cet emprunt soit prélevé chez une langue concurrente...
... quitte à ce que cette langue concurrente soit politiquement dominante...

1. Parce qu'il n'existe aucun mot de sens équivalent en français.

2. Pour exprimer un peu d'affection à la morphologie dérivationnelle.

3. Pour choquer Denise Bombardier et Georges d'or.

4. Pour enrichir un ensemble de synonymes.

5. Pour rigoler.

6. Pour exprimer en un seul mot ce qu'on exprimait avant en plusieurs.

7. Pour exploiter un suffixe folichon: -ure, -ette, -olle, -oche...

8. Pour la rime.

9. Pour confondre ses adversaires.

10. Parce que personne à table n'a trouvé le mot juste.


Et une pour la chance:

11. Pour affubler le composé latin d'un doublon grec.

vendredi 30 octobre 2009

I'lltake it!


La peste soit des actualités!

Une mère désespérante se rate mais réussit ses enfants.

Dans un accident de la route, quatre ados en pièces détachées et une cinquième revole d'un coffre de voiture, qu'on se demandait bien ce qu'elle y faisait.
(Quoi mon pronom relatif? Cet usage du 'que' te semble inesthétique? Quoi? incorrect? Ha mais c'est un hommage à son usage classique. On en recausera devant un bon feu de bois un de ces soirs.)

Un jugement de la cours suprême...

... invalide le segment de loi qui assurait la transmission du français comme langue usuelle (seconde) aux enfants de l'immigration québécoise...

Hélasse, hélasse, hélasse.

Toutes les consternations ont été exprimées, dans les journaux comme dans les salons francophones québécois, au sujet de ce jugement. Je vous épargnerai l'argumentation visant à démontrer qu'en contexte de perte de vitesse du français comme langue usuelle dans la métropole de cette province hésitante, l'espoir de la pérennité française repose dans la francisation des nouveaux Montréalais etc.

Et ferai semblant de m'intéresser à la vision alternative de l'avenir du français en Amérique du Nord, cette vision d'une candeur gamine, selon laquelle une langue menacée dans son milieu survivra à l'expansion gourmande et trop souvent unilingue du dialecte des affaires grâce à son dynamisme, à son charisme, en somme, à sa valeur promotionnelle, au-delà de toute politique.

Pour ne pas gâcher l'ambiance, je ferai mine de croire que, comme au temps d'un autre siècle, ou l'avidité matérielle était publiquement jugée comme vulgaire, la valeur culturelle d'un bien collectif peut rivaliser, en termes de force d'attraction, avec la rentabilité d'un bien concurrent.

Comment faire en sorte, donc, que les immigrants du Québec, qui ont maintenant libre choix, choisissent le français pour leurs enfants?

Tortueux détour par un sujet grave pour aboutir encore au carrefour des obsessions françaises les plus frivoles: l'orthographe!

Débat sur l'orthographe: l'Argument promotionnel

Vrai, si l'on en croit certains tenants de la simplification orthographique, une bonne réforme faciliterait l'apprentissage du français langue seconde ou étrangère et contribuerait à l'expansion du français.

Cet argument fut conçu pour épouser les contours bien définis d'un débat français(de-France, comme précisent parfois les francopériphériques). Voyez comme il est amusant en contexte de tensions linguistiques d'une fédération centralisée au coeur de laquelle cohabitent au moins deux langues de statut inégal:

La charte de la langue française du Québec ainsi que la Loi 101 vont dans le mur. La politique ne sera d'aucun secours à Montréal pour "encourager" les allophones à envoyer leurs enfants à l'école en français. Non. Quelques publicités bien ciblées dans les métros, genre "le français, c'est cool!", dans les toilettes publiques, et un beau ménage dans les diacritiques superflus feront la job.

Mettez-nous une multinationale circasienne et une chanteuse bilingue avec ça, et ça se vendra comme un petit pain chaud!

jeudi 22 octobre 2009

Fiel fielleux en stock


On me demande, candidement, ce que je pense de la « traduction » en Canayen-français de Coke en Stock, énième tome d’Hergé (j’ai jamais compris l’ordre des parutions, oui je sais que Casterman les a numérotées mais ils ont gommé des imprécisions, et d’ailleurs là n’est pas le propos, fermons cette parenthèse, merci).

Première réaction : bof. Je m’en tape avec une indifférence qui donne une idée de l’infini, comme disait Greg.

Seconde et suivantes réactions : malaise, indécision, incapacité d’agripper le concept mentalement, y a un accroc.

Bref, j’ambivaux[i].

Le petit diable sur mon épaule gauche, qui s’oppose à tout, me rappelle l’affect, l’attachement que j’ai envers le héros à la houppette, mes après-midi sur le bord de la piscine à me fasciner de fusées rouge et blanc carreautées, des vertus du scotch Loch Lommond et du jeu de mot d’Ottokar, que je n’allais comprendre que bien plus tard. Tintin, c’est mon enfance, c’est déjà en français, pas touche. De mettre les phylactères en joual, de contribuer à l’encheapissement (revoir note en bas de page) d’une franchise déjà über-mercantilisée, d’aider un éditeur qui tire déjà beaucoup trop de jus d’une œuvre qui a autre chose à donner que des figurines en simili-résine vaguement ressemblantes à 29.95 $ la gugusse de 100 gr. de un demi-pouce de haut (zavez remarqué que la face de Tintin et de celle du Petit prince (34.95 $) ont l’air d’être tirées du même moule?), ça me met en rogne.

L’argument du mec qui a fait le machin se vaut, selon les humeurs : « On a déjà traduit Tintin en des langues de moins de 100 000 locuteurs; de plus, on avait déjà des versions québécoises de Tintin en underground, alors pourquoi pas lui donner ses lettres de noblesse? ».

Ouais.

Donc, défendons le français canadien québécois. Le français canadien-français. L’Amaricain du nord français. Le québécois francophone d’origine française (pour la suite, Elvis Gratton, la scène de l’avion). Notre français est en santé, pétulant et rayonnant, Cirque du Soleil, Denys Arcand, Bombardier, youpi, maîtres chez nous pis toutte. Fort bien, mettons-le en avant-plan, saisissons la croix des Belles-sœurs de Tremblay et la bannière fléchée de Natashquan, hop aux remparts, vive le Kébek, bout d’viarge.

Je me rappelle d’une savoureuse anecdote, si vous me permettez d’apparter. Un sondage effectué auprès des gens vivant dans la ville de Québec indiquait que 90+ %? (87-93 %, on va pas s’arrêter aux détails, non mais) ne se sentaient pas complexés par rapport aux gens de Montréal. Fort bien. Mais, observa un chroniqueur (Lagacé, à La Presse, je crois) : alors pourquoi, diantre, avoir ressenti le besoin de faire un sondage? Même principe ici : sommes-nous encore complexés? Colocs en stock est-il un symptôme du malaise des « Personnes de couleur blanche » d’Amérique? Va pour l’exercice de style, c’est légitime, pourquoi pas. Après tout, la série télé Les Simpson, admirablement bien adaptée, localisée au Québec, est un phare lumineux de la réussite des capacités bénéfiques et enrichissantes de la phagocitation culturelle (mais notons que South Park, succès ici en frança-de-France, a vu sa version québécoise retirée des ondes du Mouton Enterré de la télé après 2-3 épisodes).

Mais alors, bloggeux véhément et illogique, me diriez-vous, c’est ok si c’est une série américaine, mais quand c’est belche, une fois, on crie au viol? Eurocentriste, va, sifflez-vous.

Je dis peut-être, mais je vois pas le rapport, on jase langue, là, n’ergotons pas.

*bruit de vos justes arguments s’écrasant sur le bouclier de ma mauvaise foi*

Tiens, puisqu’il est question de logique, et que j’ai envie de changer de sujet, le traducteux qui a commis/créé (selon de y-où s’qu’on se place) Colocs a jugé bon, et en cela je le salue, de garder telles quelles les invectives du brave capitaine Haddock (ou Aiglefin, ou S’tie d’Aiglefin Highliner, tant qu’à tout traduire). Pas de « Taouin » en guise de « Bachi-bouzouk », pas de « Calvâsse de twit » pour « Anacoluthe » (je savais, amis linguistes, que vous priseriiez cet exemple) …Et je pousse un soupir de soulagement. On peut traiter Tintin de tous les noms, dessiner les Dupondt en train de se frencher (nooooon, pas comme « franciser », là …pfff.), mais les insultes, on touche pas, sinon j’aiguise mes torches et allume mes fourches (quand je suis fâché, je mêle tout) et sus à l’impie.

Donc il a pas traduit les insultes. Bon.

Mais il a …(retire ses lunettes, se masse l’arête du nez)…si je comprends bien…(touss touss de contenance)… il a …(répétition, silence dramatique, vous me voyez venir depuis la première parenthèse, c’est fou comme on se sent fin finaud quand on comprend avant la fin de la phrase, hein)…traduit le reste. Qui était, osons présumer, déjà parfaitement intelligible pour les Québécois.

Là, c’est mon démon de l’épaule droite, pragmatique, qui se ratatine.

Et en passant, j’aime pas la tentative d’allitération de Colocs en stock (ou le fait que c’est un segment de phrase prononcé par les disquaires, surtout après le film Dédé à travers les brumes, précédé par « On a plus d’albums » ou « On va ravoir la semaine prochaine les compiles des »). Le coke, produit du charbon obtenu par distillation de la houille dans un four à l'abri de l'air (merci wiki), est une matière noire, un code, une allusion au caractère négroïde des cargaisons d’esclaves dont il est question dans l’album (original). Avoir des colocs en stock serait, avouons-le, difficile à expliquer aux contrebandiers qui auraient à justifier leurs messages aux autorités maritimes. Remarquez, ils naviguent dans des eaux aujourd’hui grouillantes de pirates somaliens, hein, bof, non mais, quand même, ce titre est un choix de style au détriment du contenu. S’il s’applique au reste de l’album, à vous de dire, moi je lirai pas (ou ferai comme Da Vinci Code et le lirai et je le dirai pas, cf mauvaise foi).

Si j’en tire une conclusion? Qu’il faut le prendre comme c’est, un exercice, une étude, autant sur l’objet lui-même que sur les réactions et les discussions (et autres excellents blogs) qu’il suscite. L’objet lui-même? Une bd, pour la forme, mais pas au même titre que les « vraies ». Une curiosité, un truc pour collectionneur nigaud (pléonasme?), l’équivalent bédéesque du L H O O Q de Duchamp (en fait pas vraiment, mais étalons notre culture et les capacités de nos moteurs de recherche) ou des reproductions de Britney Spears peinte en Warhol. Après tout, en cette ère de recyclage culturel (au cinoche seulement, citons Astro, Toy Story 3-4, G.I. Joe, Transformers, remake évité de justesse de Psycho par Michal Bay, La Guerre des Tuques 25 ans après, Pinocchio 3000, Le petit poucet : la vraie histoire ou les DVD nostalgie de vieilles séries poches filmées en super-8 semi-mono mais redigitalisées Blu-ray 1080 p full hd son 7.3 Hyper surround THX® avec des nouvelles chansons inédites « qu’on vient de découvrir », et quoi qu'on fasse digitalement parlant, commenceront TOUJOURS par la notice sur fond bleu poche de l'assemblée d'Interpol le 8 septembre 1977 à Stockholm), faire du neu’ avec du vieux, c’est de son temps, et parfois la seule éventualité pour assurer une pérennité quelconque à ce qui vaut la peine, même en version abâtardie, d’être gardé.

[i] D’ambivaloir. Être en proie à l’ambivalence. Ceci je vous rappelle est une arène où puristes et réformistes se trucident à coups d’arguments dans la yeule, le terme est donc à-propos. Si, en lisant ce néologisme, votre dentier et votre contenance se sont éparpillés sur le plancher, vous êtes puriste, y a pas de sot métier; si une frétille néologique vous a parcouru l’échine en imaginant l’Académie tomber en syncope, vous êtes réformiste, pas plus grave, va. Mais si vous vous considériez réformiste et que vous des dents grincâtes en lisant ce néologisme y afférent, un examen de conscience s’impose, vous trippez plus sur le cardinal Richelieu que vous ne le pensez. Vous pouvez remonter, cette note est finie.

mercredi 21 octobre 2009

Grand lapsuce politique...

... relevé par un camarade bloggueur, Antoine Robitaille.

Ça déride!

lundi 19 octobre 2009

Code d'écriture SMS - dossier du Tigre



Toujours dans le contexte des querelles saisonnières d'écriture, Le Tigre nous rappelle qu'une révolution de l'écrit, et pas que pour le français, se profile. Nourrie par la base, elle ne trouve aucun appui chez les lettrés, encore moins chez quiconque âgé de plus de vingt ans. Pourtant, ce code nouveau se répand avec une efficacité qui a de quoi faire rougir les rectifications orthographiques recommandées par... l'Académie française... dont l'adoption traîne en longueur depuis vingt ans.


Ouverture, par Le Tigre, d'un dossier sur l'écriture SMS.
Analyses fines et sans panique.


On ne va tout de même pas les accuser d’avoir manigancé la position des lettres associées aux chiffres du clavier téléphonique, qui fait la part belle au k, plus encore au w. Et c’est ainsi, ironie du sort, que le k, lettre savante en voie de disparition dans la langue française, souvent mal-aimée des collégiens et lycéens car plus difficile à tracer qu’un simple c, connaît un revival qui fait le désespoir des professeurs.


- Laetitia Bianchi, dans "De la mobilité des téléphones et de la langue", Le Tigre, 19 octobre 2009


mercredi 14 octobre 2009

Des noms! Des noms!

Le sénat américain proposait d'interchanger les noms des fromages gruyère et emmenthal pour simplifier nos vies à nous tous, qui croyons, n'est-ce pas, que le gruyère a des trous, et pas l'emmental, alors que, hé, c'est l'inverse!!

Pourquoi cette manchette de la fin des années quatre-vingt-dix me rappelle-t-elle une anecdote personnelle de la même époque? En raison de l'erreur commune de raisonnement à la base de ce genre d'observation, par ceux qui croient que le Nom transfère magiquement sa substance à la Chose; le contenant au contenu, le signifiant au signifié, etc.

Une camarade de classe, vers la fin du siècle dernier, se plaignait donc de son prénom:


Elle: "Sarah", c'est pas un mauvais prénom, mais quand je serai vieille, ça paraîtra ridicule, ce prénom de jeune pour une vieille...

Moi: Hé!! Sarah! T'auras qu'à changer de prénom quand t'attraperas la cinquantaine!! (Pas con)


Que répondre à cela...


Deux 'l' à imbécillité.

Deux 'f' à affliction.

Et Pétale au féminin.

C'est bien plus beau lorsque c'est inutile

Résumé des épisodes précédents: À la guerre comme à la guerre! Comme chaque automne, anciens et maudernes s'arrachent les cheveux autour du débat cyclique sur l'orthographe: simplifier, rectifier, refonder ou fixer dans le granit la convention écrite? Dans cette série de billets, je tente de schématiser le débat en présentant un à un les arguments mastiqués depuis 500 ans, tantôt pour reconduire la tradition, tantôt pour l'éventrer (nous reparlerons du code SMS!), le plus souvent pour l'amender, puis j'établirai des liens entre ces arguments, qui se répondent l'un l'autre. Dans ce réseau de billets courts, linguistes-réformistes affrontent écrivains-antiréformistes, abstraits ou personnifiés au gré de mes humeurs.

Dans les épisodes précédents, nous avons vu, du côté des réformistes, le type socialement correct user de l'argument démocratique, incriminant la difficulté et l'irrégularité du code écrit comme instruments de discrimination sociale. Cet argument a fait bloc avec l'Argumentum ad populum, selon lequel toutes les langues doivent un jour ou l'autre passer par une modernisation de leur orthographe, contre l'argument sémantique des antiréformistes, qui versent une larme à la perspective de voir rejetées certaines de nos pratiques graphiques porteuses d'un sens étymologique, tel le 'ph' issu d'emprunts du grec.


Mais il y a plus.

Jetez un écrivain dans la mêlée et s'élèveront des plaintes à vous déchirer les boyaux. À grands cris, les artistes de la chose écrite défendront l'"esthétique" de "leur" "langue", la coquetterie de l'inutile, le charme de la complication, la beauté du patrimoine, la sagesse de la tradition, l'aura mystique des fossiles de l'histoire de l'écriture du français, en somme, jusqu'à revendiquer, chez les plus radicaux, la création d'une nouvelle liste de pluriels rebelles qui viendrait s'ajouter à celle des choux z'et des hiboux.

J'exagère.

Le sophisme tient dans l'inversion de la causalité amoureuse: l'"esthète" croit que le 'oi' de l'oignon est entré dans l'orthodoxie en raison son esthétisme, alors que, de toute évidence, la chose lui semble pure et jolie, à l'inverse, parce qu'il s'y est habitué, contre toute raison.

La circularité du raisonnement donne le vertige: "c'est la tradition, donc c'est bon", puis "c'est beau, donc il faut le conserver".

L'Esprit français repose entier en cet argument.

L'Esprit français.

En quoi consiste-t-il?
Essentiellement à s'opposer à...
l'Esprit anglais!

Et en quoi consiste l'Esprit anglais?

La pensée pragmatique.

C'est au linguiste, au technicien, au fonctionnaliste, à la pensée efficace, bref, à la pragmatique anglo-saxonne, que s'adresse l'écrivain français lorsqu'il braille, soulevant l'enthousiasme de la foule,

C'est bien plus beau lorsque c'est inutile!!!

mercredi 7 octobre 2009

Langue française - actualités

Orthographe, débat 2009

En cet automne 2009, le débat s'organise autour de l'essai polémique de François de Closets "Zéro faute", dans lequel le journaliste et écrivain règle ses comptes avec ses propres difficultés orthographiques et défend le principe de simplification orthographique.

Ressources linguistiques et normalisation

Entre autres ressources de qualité, le nouveau Portail linguistique du Canada offre maintenant gratuitement l'accès à la base de données terminologique bilingue Termium. Le portail permet aussi d'accéder à FRANQUS, le nouveau dictionnaire de langue française entièrement original et conçu au Québec, de même qu'aux chroniques linguistiques du BTB, parmi lesquelles je vous recommande particulièrement la lecture de celles signées par Jacques Desrosiers.
Les nouveaux venus du Petit Robert 2010, noms propres, noms communs et expressions figées, nourissent la presse ces jours-ci:















    mardi 6 octobre 2009

    Noms communs transgenres et transnombres: en réponse à M.G.

    (Avertissement:
    Ce billet contient de l'humour. Par exemple, la proposition de modifier le genre de certains noms mal maîtrisés par la population, c'est une blague, destinée à provoquer un effet de punch avec la fin, le double objectif (raté) étant d'introduire le livre "Zéro faute" de De Closets, d'une part, et de me gausser des fautes de français de La Presse, d'autre part.)


    M.G. proposait, en commentaire d'un billet portant sur le christianisme grammatical (3 octobre, ici, dans ce blogue), de régulariser le genre et le nombre de certains noms communs (pardon, vous dites... le nombre n'est pas inhérent au nom?!), lorsqu'iceuze (je mets pas le 's' à iceuze étant donné que la marque du pluriel se matérialise dans le 'z'... quoi, plaisanterie de linguiste?!) se révèlent problématiques à l'usage.

    Je cite:

    Devrait-on féminiser «trampoline» et «pétale»?

    Entendu dans un parc:
    -Je vais sauter sur cette trampoline!
    -UN trampoline!

    Chez le fleuriste:
    -Cette fleur n'a pas perdu ses pétales.
    -UN pétale! Idiot.
    - M.G.
    Le presque anonyme commentateur voit juste.

    Le genre masculin de pétale, genre INHÉRENT de surcroît, inhérent au nom, car c'est comme ça en français, nous radote-t-on, à chaque nouvelle tentative de féminiser des noms inhéremment masculins (écrivain, docteur, ministre - je plaisante, on se calme -, chef), est une aberration.

    En effet, le genre des noms a beau être arbitraire, franchement, trampoline et pétale...

    Ce serait rendre service à 84, 4 % de la population francophone du monde entier, sans parler des poulations allophones, que de les féminiser. (Les mots, pas les populations. Quoique...)

    D'autant plus que...

    La Presse rencontre François de Closets, guerillero orthographique cuvée 2009!!

    Toujours dans l'esprit de rendre service à mes colocuteurs éprouvant certaines difficultés avec le genre des noms en français (soit dit sans condescendance hein, c'est pas comme si j'avais pas moi-même revérifié dans un dictionnaire le genre de orthographe avant de rédiger ce billet)...

    ... je propose de masculiniser une fois pour toutes orthographe afin de sauver la face d'André Duchesne, de La Presse...

    "Pourquoi l'orthograhe est-il si complexe?"




    Fallait quand-même le faire.




    lundi 5 octobre 2009

    L'amourre d'Alain Rey

    Avant de l'avoir vu dans la vitrine de la FNAC ou du Renaud-Bray, on se représente l'homme à la tête du Petit Robert comme un vieillard honorable engoncé dans un costume classique, penché sur un ancien bureau d'acajou dans une salle aux murs couverts de gros livres, tout ça tout ça, quelque chose comme un académiste de style mais en plus progressiste, dans sa tête.

    Voyons voir.

    Pour la couverture de L'Amour du français, les Éditions Denoël nous ont serti Alain Rey dans un costard safran ridicule et l'ont perché, en tailleur, sur un parapluie en apesanteur, devant un fond nuageux. L'octogénaire porte les cheveux longs, la moustache et des lunettes de clown, touche ultime à cette esthétique lamentable, quoique délirante.

    On en a un peu trop fait dans le sens de revamper le rôle et l'image du grand homme des dictionnaires Robert.

    Et voilà le sous-titre aux accents de manifeste pour appuyer l'image et le message: Alain Rey est un intervenant progressiste dans la vie de notre langue et le Petit Robert n'a pas son origine dans le giron de l'Académie française. N'est pas non plus le petit catéchisme de l'usage, plutôt un scrapbook, une collection d'observations sur les usages de la langue.

    Alain Rey nous expose dans ce livre érudit un texte sentimental, parfois poétique, qui nous ballade dans les temps et les espaces français pour exalter la diversité des usages d'icelle ("icelle"... c'est moi ou il effectue un retour, mine de rien, celui-là, avec son petit frère "icelui"? À quand leur version québécoise, "iceuze"?).

    Remarquez, cet essai personnel d'Alain Rey n'est pas le premier texte sur la langue française à flirter avec l'émotion. Les débats sur la langue soulèvent l'émotion, les poussées d'hystérie sont même automatiques lorsqu'on aborde dans les journaux certains sujets comme l'utilisation de SMS. L'émotion suscitée est négative en général, voire proche de la panique: "Arrêtez le massacre! Nos jeunes ne savent plus écrire! L'orthographe fout le camp!", etc.

    Alain Rey, totalement à contre-courant, couve son sujet ainsi que la réalité d'un oeil énamouré et un rien coquin. Il aborde candidement les questions de bilinguisme comme celle du SMS. Il observe la langue vivante et les profondes transformations qui opèrent dans l'utilisation du code par les jeunes bip-bip sans s'évanouir de frayeur devant l'affligeant constat de la régression morale et spirituelle de l'espèce.

    Il prend le code écrit pour ce qu'il est, pure forme:

    "Car les formalismes normalisés de l'écriture - des rituels qui trahissent en l'école laïque une religiosité refoulée - favorisent la passion d'obéissance beaucoup plus que la souplesse admise dans la prononciation. Là, règne la tolérance au nom de laquelle des nuées d'adolescents produisent des séquences vocales supposées françaises incompréhensibles pour la majorité des francophones. Et la rigueur disparaît complètement lorsque l'essentiel est en cause, la sémantique, le sens, alors même que la plupart y voient la fonction majeure du langage. Socialement, le faux sens, qui consiste à employer un signe autrement que ne l'exigerait la convention réellement collective qui en définit l'effet, ou à le comprendre "mal", n'est pas une faute. Tout juste un signe d'inculture ou d'étourderie."
    - Alain Rey, "L'amour de la langue", pp. 245-246

    La sérénité du vieil homme fait grimper les alarmistes au plafond, dont certains sont au moins fichus de paniquer avec grâce et talent:

    "Prenant appui sur le fait que « l'avenir est aux couleurs des fantasmes » - on ne saurait le nier -, l'auteur rit des pessimistes ; il se gausse des inquiets (dont je suis), des rabat-joie qui n'ont qu'une confiance limitée, vu l'évolution du monde, dans l'avenir de notre langue. Il les appelle des « Cassandre », sans prendre garde à l'ambiguïté de cette appellation moqueuse, car la petite Cassandre avait raison sur toute la ligne : Troie fut bel et bien détruite, et Priam égorgé."

    - Claude Duneton, Le Figaro

    dimanche 4 octobre 2009

    De l'intelligence de la langue et de la clarté de la pensée

    La grammaire est la clarté de la pensée.

    L'orthographe, c'est le génie de la langue française.
    (Alain Bentolila)

    Incantations.

    Creuses?

    Ces formules punchées ont-elle un sens, au-delà de leur apparente vacuité?

    Cette "intelligence", invoquée par les fixistes, qui résiderait dans une consonne muette et les douze graphies du son 'o', est-elle autre chose que le dérisoire objet de culte d'un fanatique de la tradition abonné au Figaro?

    Quelle est la richesse de ce barrage de difficultés érigé au fil des siècles sans autre plan que celui de la contingence de l'histoire?

    L'argument sémantique: orthographe grammaticale et marques étymologiques

    "La deuxième [réforme proposée par André Chevrel] consisterait à supprimer les lettres grecques, le h chaque fois qu’il est étymologique (rhume, thèse et même chœur : tant pis pour l’homonymie) et le y qui serait remplacé par un icycle, système, tyran) ; pour le groupe ph, il suffirait de le remplacer par un f (phénomène, philosophe). " A cela nous répondons tout d’abord qu’une telle proposition s’appuie sur des erreurs : le " i grec " n’a rien d’un " i ", c’est un " u ". De même, le " ph " grec n’a aucun rapport avec un " f " ; c’est un " p " aspiré (pour des raisons propres à la phonétique grecque), raison pour laquelle on l’a transcrit " p " + " h ". Ensuite, nous répondons que maintenir la graphie " ph " permet de rapprocher " op-h-talmique " de " op-tique " ou de " my(o)-ope ", par exemple. Le maintien des graphies permet de travailler le lexique français à partir de semblables rapprochements, et cette légèreté à évincer leur dimension étymologique pose donc un sérieux problème : c’est la possibilité d’accéder à l’explication d’une part importante de l’orthographe lexicale qui disparaît, en sus de la liquidation de l’apport sémantique de l’étymologie."
    - Luc Richer

    Voilà pour le volet étymologique de l'Argument sémantique.

    Et encore Bentolila, à propos de l'orthographe grammaticale:

    "Il faut au préalable distinguer orthographe usuelle et orthographe grammaticale. Tout le monde parle de simplifier l'orthographe, mais ce faisant, on mélange tout. Il est hors de question de simplifier la grammaire, car elle traduit la façon de penser la langue. Accorder des participes, conjuguer correctement un verbe sont des processus fondamentaux. Ils donnent à voir que tel verbe va avec tel sujet, que c'est bien celui-ci qui agit et non un autre, qu'un pronom est d'un genre particulier parce qu'il se rapporte à tel nom, que « laquelle » renvoie à Sophie et non à « Pierre ». Celui qui ne maîtrise pas ça ne parvient pas à structurer le monde et ses catégories. Ce qui transparaît à travers l'orthographe grammaticale est la clarté de la pensée."
    - Alain Bentolila

    L'argument est le même dans les deux cas: s'il fallait rectifier l'orthographe de telle façon qu'elle corresponde plus adéquatement à la prononciation moderne du français, il serait dommage d'éliminer des graphies qui, quoique complexifiant le rapport entre la lettre et le son, sont néanmoins porteuses de sens.

    À cet argument très valable on pourrait toujours répondre que l'apprentissage de l'étymologie peut fort bien se passer de telles traces graphiques, que l'information relative à l'étymologie d'un mot peut-être stockée dans une entrée de dictionnaire sans l'être dans la graphie.

    samedi 3 octobre 2009

    Bienheureux les simples d'esprit

    Gauchistes et bons chrétiens logés à l'enseigne de la réforme invoquent l'Argument moral démocratique, empreint d'altruisme et de noblesse de cœur.

    - André Chevrel

    Remarquez que les premiers, bons sentiments ou pas, se seraient dans tous les cas laissés convaincre par la touche révolutionnaire, la musique du progrès en marche, de la position anti-traditionnelle, alors que les seconds, cultivant la nostalgie des martyrs d'antan, ne ratent aucune occasion d'offrir leur sincérité touchante en sacrifice aux puissantes divinités du cynisme et de l'élitisme. En somme, ils tendent l'autre joue à l'Argumentum ad crumenam et à l'Argument du faux problème.

    Et quand l'écrivain bobo, la tête d'affiche du grand théâtre des lettres françaises, lui bave: "nivellement par le bas! À mort les ignorants! Touche pas à ma langue!" (dont un exemple hilarant, sur lequel je reviendrai, est celui de ce brave vieux Martineau, un peu confus mais pas bien méchant), le bigot, lui, répond: "Bienheureux les simples d'esprit, car ils iront au paradis", ou quelque chose comme ça.

    Autodérision à part, cette pièce maîtresse et difficilement attaquable de l'argumentation réformiste n'en n'est pas moins largement ridiculisée, avec plus de sincérité que moi, dans ce billet cabotin, par nombre de conservateurs autosatisfaits, qui vont souvent jusqu'à soupçonner l'interlocuteur d'être personnellement marqué au fer rouge des difficultés orthographiques rencontrées à la petite école.

    vendredi 2 octobre 2009

    Les ministères récidivistes qui contreviennent encore aux recommandations de l'OQLF

    Un petit coup de fil à ces messieurs dames...
    (Source: Impératif français)

    Services Québec 514-644-4545

    Revenu Québec 514-873-2610

    Régie du logement 514 873-2433

    Régie des rentes du Québec 514-253-6556

    Office de la protection du consommateur 1-888-528-7741

    Commission d’accès à l’information du Québec 1-888-385-7252

    Hydro-Québec 1-800-361-7620

    Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) 1-888-461-2433

    Commission des transports du Québec 1-800-567-3900

    Directeur de l’état civil 1-800-561-9749

    Régie de l’assurance maladie du Québec 418-528-9323

    Caisse de dépôt et placement du Québec 1-866-330-3936

    jeudi 1 octobre 2009

    Argumentum ad populum

    "Actuellement, les ouvrages de référence entrent de plus en plus la nouvelle orthographe. C’est un mouvement irréversible qu’on ne peut pas ignorer. L’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, le Portugal, la Grèce, etc., tous ont simplifié leur orthographe. Dans tous les cas, l’écriture a changé, mais sans la moindre conséquence pour la langue. Dès l’âge de huit ans, les petits Italiens connaissent tout de l’orthographe de leur langue. À l’heure d’Internet, le français doit lui aussi simplifier son orthographe. Il en va de sa survie."
    - Aurel Ramat
    L'argument est pratique et produit son effet.
    Il s'agit, pour légitimer une attitude d'interventionnisme orthographique, de faire appel aux exemples des langues de culture (j'adore cette expression! Le petit côté impérialiste frissonnant de satisfaction! Essayons avec le grand 'C' : "langues de Culture"... Brrrr!) qui ont, au cours de leur histoire, procédé à des réformes radicales:
    Ce faisant, le réformiste espère susciter un éclair lumineux chez l'interlocuteur:
    "S'ils l'ont fait, ça prouve bien que les systèmes d'écriture de nature alphabétique (donc à l'origine, essentiellement phonétique, voir l'Argument ontologique) des langues de culture doivent nécessairement s'adapter, à la longue, à l'évolution de la langue orale, vivante!".

    On (en tout cas je, sans jamais avoir déployé d'efforts notables pour étayer mon point de vue) cite souvent les cas de l'espagnol, du russe, du serbo-croate, du chinois (lequel, oui, je sais)... Et pour être convaincant, le réformiste qui s'aventure en ces eaux doit posséder une connaissance encyclopédique de l'histoire politico-linguistique des communautés sus-mentionnées, pour éventuellement faire la preuve que les réserves du clan adverse ne sont pas fondées en ces cas.

    Que la littérature usant de graphies anciennes ne sera pas fichue au rencart.

    Que les rééditions et resaisies feront rouler l'économie.

    Qu'on ne laissera glisser dans l'oubli aucune icône du panthéon du passé.

    Que l'éventuel sens porté par les graphies jetées sera aussi accessible par d'autres moyens.

    Or, quelle que soit l'histoire de l'écriture espagnole, s'il se trouve qu'une réforme a dégraissé par exemple les graphèmes porteurs d'un sens morphologique ou étymologique d'une graphie ancienne, les arguments sémantique et culturel demeurent valables. Une trace perdue est une trace perdue.

    En somme, invoqué légèrement, cet argument tourne parfois à l'Argumentum ad populum, dans un sens élargi.

    Le Ramat de la typographie a fait des petits en Europe

    Le Ramat européen de la typographie de Romain Muller, encore tout chaud, est rédigé entièrement en nouvelle orthographe.

    Court extrait de l'index, déjà disponible sur le Web:

    Maginot (la ligne) 40
    mai 68 (les
    évènements de) 40
    maison 137
    maison (histoire) et
    maj. 36
    maitre (fém.) 144
    majuscules
    — accents dans les
    abrév. et sigles 46
    — accentuées



    Ça vous choque?
    Pas moi.

    Il est d'autres domaines de normalisation langagière en lesquels le Québec fait école...

    Yep, la résistance française ("Le genre est inhérent au nom! Le genre est inhérent au nom!") s'épuise, la pratique de féminisation des titres ("[...] phénomène qui s’inscrit dans le sillage du féminisme nord-américain]*) fait son chemin.

    Anecdote
    Ho, ça me rappelle l'histoire de cet excellent professeur de linguistique de l'Université de Sherbrooke, locomotive, par ailleurs, de l'admirable "Dictionnaire de la langue française" (dictionnaire de contenu entièrement original et québécois), Pierre Martel, pour ne pas le nommer, qui nous racontait cet incident survenu alors qu'il présentait une conférence en France.

    Au cours de sa présentation, certainement exprimée dans une langue impeccable, Martel a fait usage d'un titre de fonction féminisé. Fin des années 1990. À cette époque, la féminisation des titres était encore largement perçue, en France, moins en Belgique et en Suisse, comme le fait d'une horde de femelles américaines hystériques. De fait, un linguiste français de l'auditoire, voyant dans cette parole un acte militant doublé d'une troublante provocation à l'égard de la tradition linguistique française, aurait ainsi, d'après mon souvenir de la narration, interrompu Martel:

    "Monsieur, ceci est puéril et nuisible."

    (de mémoire, hein!)

    Le genre est inhérent au nom, les gars.

    Répétez après moi.

    Tout ça pour vous dire que le Ramat européen est à jour aussi sur les pratiques de féminisation des titres.

    C'est la révolution en marche.
    Une étape de plus de la marche victorieuse et conquérante des normalisateurs d'Amérique francophone.


    ___________________________________
    * Pierrette Vachon-L'heureux, OQLF

    mercredi 30 septembre 2009

    Plus de règles, moins de listes!

    Argument logique (ou fonctionnaliste)
    La colonne vertébrale de l'argumentation réformiste.

    L'argument fonctionnaliste, égrené essentiellement par des linguistes (dont je suis, mais j'ai pas fait exprès!), vibrant hommage à l'Esprit scientifique, puise son vocabulaire dans le bréviaire de la pensée anglo-saxonne: on y vante l'utile, le pragmatique, le prévisible, l'explicable, le cohérent.

    Éliminer les exceptions, les listes de hiboux et de genoux, le par-coeur, pour favoriser un système d'écriture rationnel, dont les règles s'appliquent à tout coup.

    À l'appui de cet argument fort, auquel on oppose habituellement les arguments sémantiques et esthétiques (les arguments forts des méchants immobilistes), j'ai entendu jadis une source évidemment perdue depuis dans les brumes de la taverne (ce qui ne m'empêche nullement de récupérer l'illustration dès que j'en ai l'occasion) raconter l'histoire d'un linguiste russe qui avait calculé, pour le français et pour le russe, le nombre de règles à coder dans un programme informatique pour déduire la prononciation d'un mot à partir de sa graphie.

    Le résultat (nombre de règles et productivité de chacune) devait fournir la mesure de "fonctionnalité", ce qu'on appelle parfois "l'élégance" (souvent associée à l'économie des règles, en modélisation, alors que dans les domaines de l'éthique mondaine et de la pratique du style, l'économie, surtout lorsqu'elle tend vers la pingreté, nous éloigne de tout idéal d'élégance, morale ou esthétique...), du code orthographique de chacune des deux langues.

    D'après mon souvenir, dont je vous interdis de remettre en doute la précision, le savant fou russe avait recensé 5000 règles pour le français, et 10 fois moins pour le russe.

    Y a-t-il un russographe dans la salle?

    Quelqu'un a-t-il en sa possession la référence de cette étude?

    Touche pas à ma langue!

    En guise d'ouverture, décortiquons les arguments, peu nombreux mais inlassablement remâchés, qui composent le débat plusieurs fois centenaire entourant chaque tentative de simplification orthographique.

    Introduction au débat:

    Devant le double constat (sans cesse renouvelé) de l'éloignement progressif entre la norme orthographique et la prononciation du français, d'une part, et celui de la raréfication des locuteurs natifs maîtrisant la norme du français écrit, d'autre part, les réformistes proposent sporadiquement d'apporter des modifications (rectifications, rationalisation, simplification, réforme) à l'orthographe du français.

    Leurs opposants, nombreux, braillards, populaires, flamboyants, lettrés, médiatisés, défendent vervement la tradition. Si j'ai hurlé longtemps mon appartenance au clan des réformistes radicaux, je me range maintenant au centre-gauche du débat.

    Sénilité? Mollissage? Enflasquement?

    Je ne crois pas. Simplement, certains arguments de mes ennemis ont été défendus si brillamment par des Luc Richer et d'autres dont je vous parlerai plus tard qu'ils ont finalement eu raison des miens.

    lundi 28 septembre 2009

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    dimanche 27 septembre 2009

    Équipe

    RÉDACTION

    Cartésie : Capsule fleuve
    Qui a dit qu’une capsule devait être laconique? Cartésie n’en avait cure. Chassant la faute, traquant l’explication, la docte amie vous présente en long et en large les difficultés illustrées du français. Suivez désormais sa carrière solo sur le blogue langagier Mille images, mille mots.

    Délèque : Actualité langagière, Logorrhée
    Petit-fils illégitime d’un courant spirituel fluide et glacial, Délèque, traducteur à ses heures et réviseur à celle des autres, se répand en actualités subjectives et loghorrées traductiques. Le délire, toujours.

    Simon Paquet : Aphorisme du professeur Gorki
    Sévissant ici et là sur le Web et sur papier, Simon Paquet, écrivain, blogueur, performeur de l’humour, honore Mauvaize langue! de ses gags souvent absurdes et toujours hors propos. Suivez son oeuvre inspirante sur l'excellent observatoire de la vie quotidienne Une vie inutile.

    Pélagie Barbe : OpinionMorceaux choisis, Nuance!
    Linguiste dissipée et blogueuse sincère, Pélagie explore le potentiel de rentabilité économique des métissages intergenres incluant la création poétique, la vulgarisation linguistique, le commentaire, la montée de lait et la polémique.


    ÉDITION

    Cyb
    De sa Suisse lointaine, Cyb regarde tout ça d’un oeil sagace et répare les pots cassés entre deux concerts.
    Mauvaize langue! lui doit, pour ainsi dire, tout.