Résumé des épisodes précédents: À la guerre comme à la guerre! Comme chaque automne, anciens et maudernes s'arrachent les cheveux autour du débat cyclique sur l'orthographe: simplifier, rectifier, refonder ou fixer dans le granit la convention écrite? Dans cette série de billets, je tente de schématiser le débat en présentant un à un les arguments mastiqués depuis 500 ans, tantôt pour reconduire la tradition, tantôt pour l'éventrer (nous reparlerons du code SMS!), le plus souvent pour l'amender, puis j'établirai des liens entre ces arguments, qui se répondent l'un l'autre. Dans ce réseau de billets courts, linguistes-réformistes affrontent écrivains-antiréformistes, abstraits ou personnifiés au gré de mes humeurs.
Dans les épisodes précédents, nous avons vu, du côté des réformistes, le type socialement correct user de l'argument démocratique, incriminant la difficulté et l'irrégularité du code écrit comme instruments de discrimination sociale. Cet argument a fait bloc avec l'Argumentum ad populum, selon lequel toutes les langues doivent un jour ou l'autre passer par une modernisation de leur orthographe, contre l'argument sémantique des antiréformistes, qui versent une larme à la perspective de voir rejetées certaines de nos pratiques graphiques porteuses d'un sens étymologique, tel le 'ph' issu d'emprunts du grec.
Mais il y a plus.
Jetez un écrivain dans la mêlée et s'élèveront des plaintes à vous déchirer les boyaux. À grands cris, les artistes de la chose écrite défendront l'"esthétique" de "leur" "langue", la coquetterie de l'inutile, le charme de la complication, la beauté du patrimoine, la sagesse de la tradition, l'aura mystique des fossiles de l'histoire de l'écriture du français, en somme, jusqu'à revendiquer, chez les plus radicaux, la création d'une nouvelle liste de pluriels rebelles qui viendrait s'ajouter à celle des choux z'et des hiboux.
J'exagère.
Le sophisme tient dans l'inversion de la causalité amoureuse: l'"esthète" croit que le 'oi' de l'oignon est entré dans l'orthodoxie en raison son esthétisme, alors que, de toute évidence, la chose lui semble pure et jolie, à l'inverse, parce qu'il s'y est habitué, contre toute raison.
La circularité du raisonnement donne le vertige: "c'est la tradition, donc c'est bon", puis "c'est beau, donc il faut le conserver".
L'Esprit français repose entier en cet argument.
L'Esprit français.
En quoi consiste-t-il?
Essentiellement à s'opposer à...
l'Esprit anglais!
Et en quoi consiste l'Esprit anglais?
La pensée pragmatique.
C'est au linguiste, au technicien, au fonctionnaliste, à la pensée efficace, bref, à la pragmatique anglo-saxonne, que s'adresse l'écrivain français lorsqu'il braille, soulevant l'enthousiasme de la foule,
C'est bien plus beau lorsque c'est inutile!!!
Chantons la langue avec Michel Rivard
Il y a 20 heures
Es-tu en train de dire que c'est les Anglais qui ont raison, toi-là?
RépondreSupprimerNon, et pendant qu'on y est, je n'ai pas sous-entendu non plus que l'Esprit français en est un d'enfileur de mouches.
RépondreSupprimerDécidément, j'adore toujours autant ce débat-là !
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