vendredi 30 octobre 2009

I'lltake it!


La peste soit des actualités!

Une mère désespérante se rate mais réussit ses enfants.

Dans un accident de la route, quatre ados en pièces détachées et une cinquième revole d'un coffre de voiture, qu'on se demandait bien ce qu'elle y faisait.
(Quoi mon pronom relatif? Cet usage du 'que' te semble inesthétique? Quoi? incorrect? Ha mais c'est un hommage à son usage classique. On en recausera devant un bon feu de bois un de ces soirs.)

Un jugement de la cours suprême...

... invalide le segment de loi qui assurait la transmission du français comme langue usuelle (seconde) aux enfants de l'immigration québécoise...

Hélasse, hélasse, hélasse.

Toutes les consternations ont été exprimées, dans les journaux comme dans les salons francophones québécois, au sujet de ce jugement. Je vous épargnerai l'argumentation visant à démontrer qu'en contexte de perte de vitesse du français comme langue usuelle dans la métropole de cette province hésitante, l'espoir de la pérennité française repose dans la francisation des nouveaux Montréalais etc.

Et ferai semblant de m'intéresser à la vision alternative de l'avenir du français en Amérique du Nord, cette vision d'une candeur gamine, selon laquelle une langue menacée dans son milieu survivra à l'expansion gourmande et trop souvent unilingue du dialecte des affaires grâce à son dynamisme, à son charisme, en somme, à sa valeur promotionnelle, au-delà de toute politique.

Pour ne pas gâcher l'ambiance, je ferai mine de croire que, comme au temps d'un autre siècle, ou l'avidité matérielle était publiquement jugée comme vulgaire, la valeur culturelle d'un bien collectif peut rivaliser, en termes de force d'attraction, avec la rentabilité d'un bien concurrent.

Comment faire en sorte, donc, que les immigrants du Québec, qui ont maintenant libre choix, choisissent le français pour leurs enfants?

Tortueux détour par un sujet grave pour aboutir encore au carrefour des obsessions françaises les plus frivoles: l'orthographe!

Débat sur l'orthographe: l'Argument promotionnel

Vrai, si l'on en croit certains tenants de la simplification orthographique, une bonne réforme faciliterait l'apprentissage du français langue seconde ou étrangère et contribuerait à l'expansion du français.

Cet argument fut conçu pour épouser les contours bien définis d'un débat français(de-France, comme précisent parfois les francopériphériques). Voyez comme il est amusant en contexte de tensions linguistiques d'une fédération centralisée au coeur de laquelle cohabitent au moins deux langues de statut inégal:

La charte de la langue française du Québec ainsi que la Loi 101 vont dans le mur. La politique ne sera d'aucun secours à Montréal pour "encourager" les allophones à envoyer leurs enfants à l'école en français. Non. Quelques publicités bien ciblées dans les métros, genre "le français, c'est cool!", dans les toilettes publiques, et un beau ménage dans les diacritiques superflus feront la job.

Mettez-nous une multinationale circasienne et une chanteuse bilingue avec ça, et ça se vendra comme un petit pain chaud!

jeudi 22 octobre 2009

Fiel fielleux en stock


On me demande, candidement, ce que je pense de la « traduction » en Canayen-français de Coke en Stock, énième tome d’Hergé (j’ai jamais compris l’ordre des parutions, oui je sais que Casterman les a numérotées mais ils ont gommé des imprécisions, et d’ailleurs là n’est pas le propos, fermons cette parenthèse, merci).

Première réaction : bof. Je m’en tape avec une indifférence qui donne une idée de l’infini, comme disait Greg.

Seconde et suivantes réactions : malaise, indécision, incapacité d’agripper le concept mentalement, y a un accroc.

Bref, j’ambivaux[i].

Le petit diable sur mon épaule gauche, qui s’oppose à tout, me rappelle l’affect, l’attachement que j’ai envers le héros à la houppette, mes après-midi sur le bord de la piscine à me fasciner de fusées rouge et blanc carreautées, des vertus du scotch Loch Lommond et du jeu de mot d’Ottokar, que je n’allais comprendre que bien plus tard. Tintin, c’est mon enfance, c’est déjà en français, pas touche. De mettre les phylactères en joual, de contribuer à l’encheapissement (revoir note en bas de page) d’une franchise déjà über-mercantilisée, d’aider un éditeur qui tire déjà beaucoup trop de jus d’une œuvre qui a autre chose à donner que des figurines en simili-résine vaguement ressemblantes à 29.95 $ la gugusse de 100 gr. de un demi-pouce de haut (zavez remarqué que la face de Tintin et de celle du Petit prince (34.95 $) ont l’air d’être tirées du même moule?), ça me met en rogne.

L’argument du mec qui a fait le machin se vaut, selon les humeurs : « On a déjà traduit Tintin en des langues de moins de 100 000 locuteurs; de plus, on avait déjà des versions québécoises de Tintin en underground, alors pourquoi pas lui donner ses lettres de noblesse? ».

Ouais.

Donc, défendons le français canadien québécois. Le français canadien-français. L’Amaricain du nord français. Le québécois francophone d’origine française (pour la suite, Elvis Gratton, la scène de l’avion). Notre français est en santé, pétulant et rayonnant, Cirque du Soleil, Denys Arcand, Bombardier, youpi, maîtres chez nous pis toutte. Fort bien, mettons-le en avant-plan, saisissons la croix des Belles-sœurs de Tremblay et la bannière fléchée de Natashquan, hop aux remparts, vive le Kébek, bout d’viarge.

Je me rappelle d’une savoureuse anecdote, si vous me permettez d’apparter. Un sondage effectué auprès des gens vivant dans la ville de Québec indiquait que 90+ %? (87-93 %, on va pas s’arrêter aux détails, non mais) ne se sentaient pas complexés par rapport aux gens de Montréal. Fort bien. Mais, observa un chroniqueur (Lagacé, à La Presse, je crois) : alors pourquoi, diantre, avoir ressenti le besoin de faire un sondage? Même principe ici : sommes-nous encore complexés? Colocs en stock est-il un symptôme du malaise des « Personnes de couleur blanche » d’Amérique? Va pour l’exercice de style, c’est légitime, pourquoi pas. Après tout, la série télé Les Simpson, admirablement bien adaptée, localisée au Québec, est un phare lumineux de la réussite des capacités bénéfiques et enrichissantes de la phagocitation culturelle (mais notons que South Park, succès ici en frança-de-France, a vu sa version québécoise retirée des ondes du Mouton Enterré de la télé après 2-3 épisodes).

Mais alors, bloggeux véhément et illogique, me diriez-vous, c’est ok si c’est une série américaine, mais quand c’est belche, une fois, on crie au viol? Eurocentriste, va, sifflez-vous.

Je dis peut-être, mais je vois pas le rapport, on jase langue, là, n’ergotons pas.

*bruit de vos justes arguments s’écrasant sur le bouclier de ma mauvaise foi*

Tiens, puisqu’il est question de logique, et que j’ai envie de changer de sujet, le traducteux qui a commis/créé (selon de y-où s’qu’on se place) Colocs a jugé bon, et en cela je le salue, de garder telles quelles les invectives du brave capitaine Haddock (ou Aiglefin, ou S’tie d’Aiglefin Highliner, tant qu’à tout traduire). Pas de « Taouin » en guise de « Bachi-bouzouk », pas de « Calvâsse de twit » pour « Anacoluthe » (je savais, amis linguistes, que vous priseriiez cet exemple) …Et je pousse un soupir de soulagement. On peut traiter Tintin de tous les noms, dessiner les Dupondt en train de se frencher (nooooon, pas comme « franciser », là …pfff.), mais les insultes, on touche pas, sinon j’aiguise mes torches et allume mes fourches (quand je suis fâché, je mêle tout) et sus à l’impie.

Donc il a pas traduit les insultes. Bon.

Mais il a …(retire ses lunettes, se masse l’arête du nez)…si je comprends bien…(touss touss de contenance)… il a …(répétition, silence dramatique, vous me voyez venir depuis la première parenthèse, c’est fou comme on se sent fin finaud quand on comprend avant la fin de la phrase, hein)…traduit le reste. Qui était, osons présumer, déjà parfaitement intelligible pour les Québécois.

Là, c’est mon démon de l’épaule droite, pragmatique, qui se ratatine.

Et en passant, j’aime pas la tentative d’allitération de Colocs en stock (ou le fait que c’est un segment de phrase prononcé par les disquaires, surtout après le film Dédé à travers les brumes, précédé par « On a plus d’albums » ou « On va ravoir la semaine prochaine les compiles des »). Le coke, produit du charbon obtenu par distillation de la houille dans un four à l'abri de l'air (merci wiki), est une matière noire, un code, une allusion au caractère négroïde des cargaisons d’esclaves dont il est question dans l’album (original). Avoir des colocs en stock serait, avouons-le, difficile à expliquer aux contrebandiers qui auraient à justifier leurs messages aux autorités maritimes. Remarquez, ils naviguent dans des eaux aujourd’hui grouillantes de pirates somaliens, hein, bof, non mais, quand même, ce titre est un choix de style au détriment du contenu. S’il s’applique au reste de l’album, à vous de dire, moi je lirai pas (ou ferai comme Da Vinci Code et le lirai et je le dirai pas, cf mauvaise foi).

Si j’en tire une conclusion? Qu’il faut le prendre comme c’est, un exercice, une étude, autant sur l’objet lui-même que sur les réactions et les discussions (et autres excellents blogs) qu’il suscite. L’objet lui-même? Une bd, pour la forme, mais pas au même titre que les « vraies ». Une curiosité, un truc pour collectionneur nigaud (pléonasme?), l’équivalent bédéesque du L H O O Q de Duchamp (en fait pas vraiment, mais étalons notre culture et les capacités de nos moteurs de recherche) ou des reproductions de Britney Spears peinte en Warhol. Après tout, en cette ère de recyclage culturel (au cinoche seulement, citons Astro, Toy Story 3-4, G.I. Joe, Transformers, remake évité de justesse de Psycho par Michal Bay, La Guerre des Tuques 25 ans après, Pinocchio 3000, Le petit poucet : la vraie histoire ou les DVD nostalgie de vieilles séries poches filmées en super-8 semi-mono mais redigitalisées Blu-ray 1080 p full hd son 7.3 Hyper surround THX® avec des nouvelles chansons inédites « qu’on vient de découvrir », et quoi qu'on fasse digitalement parlant, commenceront TOUJOURS par la notice sur fond bleu poche de l'assemblée d'Interpol le 8 septembre 1977 à Stockholm), faire du neu’ avec du vieux, c’est de son temps, et parfois la seule éventualité pour assurer une pérennité quelconque à ce qui vaut la peine, même en version abâtardie, d’être gardé.

[i] D’ambivaloir. Être en proie à l’ambivalence. Ceci je vous rappelle est une arène où puristes et réformistes se trucident à coups d’arguments dans la yeule, le terme est donc à-propos. Si, en lisant ce néologisme, votre dentier et votre contenance se sont éparpillés sur le plancher, vous êtes puriste, y a pas de sot métier; si une frétille néologique vous a parcouru l’échine en imaginant l’Académie tomber en syncope, vous êtes réformiste, pas plus grave, va. Mais si vous vous considériez réformiste et que vous des dents grincâtes en lisant ce néologisme y afférent, un examen de conscience s’impose, vous trippez plus sur le cardinal Richelieu que vous ne le pensez. Vous pouvez remonter, cette note est finie.

mercredi 21 octobre 2009

Grand lapsuce politique...

... relevé par un camarade bloggueur, Antoine Robitaille.

Ça déride!

lundi 19 octobre 2009

Code d'écriture SMS - dossier du Tigre



Toujours dans le contexte des querelles saisonnières d'écriture, Le Tigre nous rappelle qu'une révolution de l'écrit, et pas que pour le français, se profile. Nourrie par la base, elle ne trouve aucun appui chez les lettrés, encore moins chez quiconque âgé de plus de vingt ans. Pourtant, ce code nouveau se répand avec une efficacité qui a de quoi faire rougir les rectifications orthographiques recommandées par... l'Académie française... dont l'adoption traîne en longueur depuis vingt ans.


Ouverture, par Le Tigre, d'un dossier sur l'écriture SMS.
Analyses fines et sans panique.


On ne va tout de même pas les accuser d’avoir manigancé la position des lettres associées aux chiffres du clavier téléphonique, qui fait la part belle au k, plus encore au w. Et c’est ainsi, ironie du sort, que le k, lettre savante en voie de disparition dans la langue française, souvent mal-aimée des collégiens et lycéens car plus difficile à tracer qu’un simple c, connaît un revival qui fait le désespoir des professeurs.


- Laetitia Bianchi, dans "De la mobilité des téléphones et de la langue", Le Tigre, 19 octobre 2009


mercredi 14 octobre 2009

Des noms! Des noms!

Le sénat américain proposait d'interchanger les noms des fromages gruyère et emmenthal pour simplifier nos vies à nous tous, qui croyons, n'est-ce pas, que le gruyère a des trous, et pas l'emmental, alors que, hé, c'est l'inverse!!

Pourquoi cette manchette de la fin des années quatre-vingt-dix me rappelle-t-elle une anecdote personnelle de la même époque? En raison de l'erreur commune de raisonnement à la base de ce genre d'observation, par ceux qui croient que le Nom transfère magiquement sa substance à la Chose; le contenant au contenu, le signifiant au signifié, etc.

Une camarade de classe, vers la fin du siècle dernier, se plaignait donc de son prénom:


Elle: "Sarah", c'est pas un mauvais prénom, mais quand je serai vieille, ça paraîtra ridicule, ce prénom de jeune pour une vieille...

Moi: Hé!! Sarah! T'auras qu'à changer de prénom quand t'attraperas la cinquantaine!! (Pas con)


Que répondre à cela...


Deux 'l' à imbécillité.

Deux 'f' à affliction.

Et Pétale au féminin.

C'est bien plus beau lorsque c'est inutile

Résumé des épisodes précédents: À la guerre comme à la guerre! Comme chaque automne, anciens et maudernes s'arrachent les cheveux autour du débat cyclique sur l'orthographe: simplifier, rectifier, refonder ou fixer dans le granit la convention écrite? Dans cette série de billets, je tente de schématiser le débat en présentant un à un les arguments mastiqués depuis 500 ans, tantôt pour reconduire la tradition, tantôt pour l'éventrer (nous reparlerons du code SMS!), le plus souvent pour l'amender, puis j'établirai des liens entre ces arguments, qui se répondent l'un l'autre. Dans ce réseau de billets courts, linguistes-réformistes affrontent écrivains-antiréformistes, abstraits ou personnifiés au gré de mes humeurs.

Dans les épisodes précédents, nous avons vu, du côté des réformistes, le type socialement correct user de l'argument démocratique, incriminant la difficulté et l'irrégularité du code écrit comme instruments de discrimination sociale. Cet argument a fait bloc avec l'Argumentum ad populum, selon lequel toutes les langues doivent un jour ou l'autre passer par une modernisation de leur orthographe, contre l'argument sémantique des antiréformistes, qui versent une larme à la perspective de voir rejetées certaines de nos pratiques graphiques porteuses d'un sens étymologique, tel le 'ph' issu d'emprunts du grec.


Mais il y a plus.

Jetez un écrivain dans la mêlée et s'élèveront des plaintes à vous déchirer les boyaux. À grands cris, les artistes de la chose écrite défendront l'"esthétique" de "leur" "langue", la coquetterie de l'inutile, le charme de la complication, la beauté du patrimoine, la sagesse de la tradition, l'aura mystique des fossiles de l'histoire de l'écriture du français, en somme, jusqu'à revendiquer, chez les plus radicaux, la création d'une nouvelle liste de pluriels rebelles qui viendrait s'ajouter à celle des choux z'et des hiboux.

J'exagère.

Le sophisme tient dans l'inversion de la causalité amoureuse: l'"esthète" croit que le 'oi' de l'oignon est entré dans l'orthodoxie en raison son esthétisme, alors que, de toute évidence, la chose lui semble pure et jolie, à l'inverse, parce qu'il s'y est habitué, contre toute raison.

La circularité du raisonnement donne le vertige: "c'est la tradition, donc c'est bon", puis "c'est beau, donc il faut le conserver".

L'Esprit français repose entier en cet argument.

L'Esprit français.

En quoi consiste-t-il?
Essentiellement à s'opposer à...
l'Esprit anglais!

Et en quoi consiste l'Esprit anglais?

La pensée pragmatique.

C'est au linguiste, au technicien, au fonctionnaliste, à la pensée efficace, bref, à la pragmatique anglo-saxonne, que s'adresse l'écrivain français lorsqu'il braille, soulevant l'enthousiasme de la foule,

C'est bien plus beau lorsque c'est inutile!!!

mercredi 7 octobre 2009

Langue française - actualités

Orthographe, débat 2009

En cet automne 2009, le débat s'organise autour de l'essai polémique de François de Closets "Zéro faute", dans lequel le journaliste et écrivain règle ses comptes avec ses propres difficultés orthographiques et défend le principe de simplification orthographique.

Ressources linguistiques et normalisation

Entre autres ressources de qualité, le nouveau Portail linguistique du Canada offre maintenant gratuitement l'accès à la base de données terminologique bilingue Termium. Le portail permet aussi d'accéder à FRANQUS, le nouveau dictionnaire de langue française entièrement original et conçu au Québec, de même qu'aux chroniques linguistiques du BTB, parmi lesquelles je vous recommande particulièrement la lecture de celles signées par Jacques Desrosiers.
Les nouveaux venus du Petit Robert 2010, noms propres, noms communs et expressions figées, nourissent la presse ces jours-ci:















    mardi 6 octobre 2009

    Noms communs transgenres et transnombres: en réponse à M.G.

    (Avertissement:
    Ce billet contient de l'humour. Par exemple, la proposition de modifier le genre de certains noms mal maîtrisés par la population, c'est une blague, destinée à provoquer un effet de punch avec la fin, le double objectif (raté) étant d'introduire le livre "Zéro faute" de De Closets, d'une part, et de me gausser des fautes de français de La Presse, d'autre part.)


    M.G. proposait, en commentaire d'un billet portant sur le christianisme grammatical (3 octobre, ici, dans ce blogue), de régulariser le genre et le nombre de certains noms communs (pardon, vous dites... le nombre n'est pas inhérent au nom?!), lorsqu'iceuze (je mets pas le 's' à iceuze étant donné que la marque du pluriel se matérialise dans le 'z'... quoi, plaisanterie de linguiste?!) se révèlent problématiques à l'usage.

    Je cite:

    Devrait-on féminiser «trampoline» et «pétale»?

    Entendu dans un parc:
    -Je vais sauter sur cette trampoline!
    -UN trampoline!

    Chez le fleuriste:
    -Cette fleur n'a pas perdu ses pétales.
    -UN pétale! Idiot.
    - M.G.
    Le presque anonyme commentateur voit juste.

    Le genre masculin de pétale, genre INHÉRENT de surcroît, inhérent au nom, car c'est comme ça en français, nous radote-t-on, à chaque nouvelle tentative de féminiser des noms inhéremment masculins (écrivain, docteur, ministre - je plaisante, on se calme -, chef), est une aberration.

    En effet, le genre des noms a beau être arbitraire, franchement, trampoline et pétale...

    Ce serait rendre service à 84, 4 % de la population francophone du monde entier, sans parler des poulations allophones, que de les féminiser. (Les mots, pas les populations. Quoique...)

    D'autant plus que...

    La Presse rencontre François de Closets, guerillero orthographique cuvée 2009!!

    Toujours dans l'esprit de rendre service à mes colocuteurs éprouvant certaines difficultés avec le genre des noms en français (soit dit sans condescendance hein, c'est pas comme si j'avais pas moi-même revérifié dans un dictionnaire le genre de orthographe avant de rédiger ce billet)...

    ... je propose de masculiniser une fois pour toutes orthographe afin de sauver la face d'André Duchesne, de La Presse...

    "Pourquoi l'orthograhe est-il si complexe?"




    Fallait quand-même le faire.




    lundi 5 octobre 2009

    L'amourre d'Alain Rey

    Avant de l'avoir vu dans la vitrine de la FNAC ou du Renaud-Bray, on se représente l'homme à la tête du Petit Robert comme un vieillard honorable engoncé dans un costume classique, penché sur un ancien bureau d'acajou dans une salle aux murs couverts de gros livres, tout ça tout ça, quelque chose comme un académiste de style mais en plus progressiste, dans sa tête.

    Voyons voir.

    Pour la couverture de L'Amour du français, les Éditions Denoël nous ont serti Alain Rey dans un costard safran ridicule et l'ont perché, en tailleur, sur un parapluie en apesanteur, devant un fond nuageux. L'octogénaire porte les cheveux longs, la moustache et des lunettes de clown, touche ultime à cette esthétique lamentable, quoique délirante.

    On en a un peu trop fait dans le sens de revamper le rôle et l'image du grand homme des dictionnaires Robert.

    Et voilà le sous-titre aux accents de manifeste pour appuyer l'image et le message: Alain Rey est un intervenant progressiste dans la vie de notre langue et le Petit Robert n'a pas son origine dans le giron de l'Académie française. N'est pas non plus le petit catéchisme de l'usage, plutôt un scrapbook, une collection d'observations sur les usages de la langue.

    Alain Rey nous expose dans ce livre érudit un texte sentimental, parfois poétique, qui nous ballade dans les temps et les espaces français pour exalter la diversité des usages d'icelle ("icelle"... c'est moi ou il effectue un retour, mine de rien, celui-là, avec son petit frère "icelui"? À quand leur version québécoise, "iceuze"?).

    Remarquez, cet essai personnel d'Alain Rey n'est pas le premier texte sur la langue française à flirter avec l'émotion. Les débats sur la langue soulèvent l'émotion, les poussées d'hystérie sont même automatiques lorsqu'on aborde dans les journaux certains sujets comme l'utilisation de SMS. L'émotion suscitée est négative en général, voire proche de la panique: "Arrêtez le massacre! Nos jeunes ne savent plus écrire! L'orthographe fout le camp!", etc.

    Alain Rey, totalement à contre-courant, couve son sujet ainsi que la réalité d'un oeil énamouré et un rien coquin. Il aborde candidement les questions de bilinguisme comme celle du SMS. Il observe la langue vivante et les profondes transformations qui opèrent dans l'utilisation du code par les jeunes bip-bip sans s'évanouir de frayeur devant l'affligeant constat de la régression morale et spirituelle de l'espèce.

    Il prend le code écrit pour ce qu'il est, pure forme:

    "Car les formalismes normalisés de l'écriture - des rituels qui trahissent en l'école laïque une religiosité refoulée - favorisent la passion d'obéissance beaucoup plus que la souplesse admise dans la prononciation. Là, règne la tolérance au nom de laquelle des nuées d'adolescents produisent des séquences vocales supposées françaises incompréhensibles pour la majorité des francophones. Et la rigueur disparaît complètement lorsque l'essentiel est en cause, la sémantique, le sens, alors même que la plupart y voient la fonction majeure du langage. Socialement, le faux sens, qui consiste à employer un signe autrement que ne l'exigerait la convention réellement collective qui en définit l'effet, ou à le comprendre "mal", n'est pas une faute. Tout juste un signe d'inculture ou d'étourderie."
    - Alain Rey, "L'amour de la langue", pp. 245-246

    La sérénité du vieil homme fait grimper les alarmistes au plafond, dont certains sont au moins fichus de paniquer avec grâce et talent:

    "Prenant appui sur le fait que « l'avenir est aux couleurs des fantasmes » - on ne saurait le nier -, l'auteur rit des pessimistes ; il se gausse des inquiets (dont je suis), des rabat-joie qui n'ont qu'une confiance limitée, vu l'évolution du monde, dans l'avenir de notre langue. Il les appelle des « Cassandre », sans prendre garde à l'ambiguïté de cette appellation moqueuse, car la petite Cassandre avait raison sur toute la ligne : Troie fut bel et bien détruite, et Priam égorgé."

    - Claude Duneton, Le Figaro

    dimanche 4 octobre 2009

    De l'intelligence de la langue et de la clarté de la pensée

    La grammaire est la clarté de la pensée.

    L'orthographe, c'est le génie de la langue française.
    (Alain Bentolila)

    Incantations.

    Creuses?

    Ces formules punchées ont-elle un sens, au-delà de leur apparente vacuité?

    Cette "intelligence", invoquée par les fixistes, qui résiderait dans une consonne muette et les douze graphies du son 'o', est-elle autre chose que le dérisoire objet de culte d'un fanatique de la tradition abonné au Figaro?

    Quelle est la richesse de ce barrage de difficultés érigé au fil des siècles sans autre plan que celui de la contingence de l'histoire?

    L'argument sémantique: orthographe grammaticale et marques étymologiques

    "La deuxième [réforme proposée par André Chevrel] consisterait à supprimer les lettres grecques, le h chaque fois qu’il est étymologique (rhume, thèse et même chœur : tant pis pour l’homonymie) et le y qui serait remplacé par un icycle, système, tyran) ; pour le groupe ph, il suffirait de le remplacer par un f (phénomène, philosophe). " A cela nous répondons tout d’abord qu’une telle proposition s’appuie sur des erreurs : le " i grec " n’a rien d’un " i ", c’est un " u ". De même, le " ph " grec n’a aucun rapport avec un " f " ; c’est un " p " aspiré (pour des raisons propres à la phonétique grecque), raison pour laquelle on l’a transcrit " p " + " h ". Ensuite, nous répondons que maintenir la graphie " ph " permet de rapprocher " op-h-talmique " de " op-tique " ou de " my(o)-ope ", par exemple. Le maintien des graphies permet de travailler le lexique français à partir de semblables rapprochements, et cette légèreté à évincer leur dimension étymologique pose donc un sérieux problème : c’est la possibilité d’accéder à l’explication d’une part importante de l’orthographe lexicale qui disparaît, en sus de la liquidation de l’apport sémantique de l’étymologie."
    - Luc Richer

    Voilà pour le volet étymologique de l'Argument sémantique.

    Et encore Bentolila, à propos de l'orthographe grammaticale:

    "Il faut au préalable distinguer orthographe usuelle et orthographe grammaticale. Tout le monde parle de simplifier l'orthographe, mais ce faisant, on mélange tout. Il est hors de question de simplifier la grammaire, car elle traduit la façon de penser la langue. Accorder des participes, conjuguer correctement un verbe sont des processus fondamentaux. Ils donnent à voir que tel verbe va avec tel sujet, que c'est bien celui-ci qui agit et non un autre, qu'un pronom est d'un genre particulier parce qu'il se rapporte à tel nom, que « laquelle » renvoie à Sophie et non à « Pierre ». Celui qui ne maîtrise pas ça ne parvient pas à structurer le monde et ses catégories. Ce qui transparaît à travers l'orthographe grammaticale est la clarté de la pensée."
    - Alain Bentolila

    L'argument est le même dans les deux cas: s'il fallait rectifier l'orthographe de telle façon qu'elle corresponde plus adéquatement à la prononciation moderne du français, il serait dommage d'éliminer des graphies qui, quoique complexifiant le rapport entre la lettre et le son, sont néanmoins porteuses de sens.

    À cet argument très valable on pourrait toujours répondre que l'apprentissage de l'étymologie peut fort bien se passer de telles traces graphiques, que l'information relative à l'étymologie d'un mot peut-être stockée dans une entrée de dictionnaire sans l'être dans la graphie.

    samedi 3 octobre 2009

    Bienheureux les simples d'esprit

    Gauchistes et bons chrétiens logés à l'enseigne de la réforme invoquent l'Argument moral démocratique, empreint d'altruisme et de noblesse de cœur.

    - André Chevrel

    Remarquez que les premiers, bons sentiments ou pas, se seraient dans tous les cas laissés convaincre par la touche révolutionnaire, la musique du progrès en marche, de la position anti-traditionnelle, alors que les seconds, cultivant la nostalgie des martyrs d'antan, ne ratent aucune occasion d'offrir leur sincérité touchante en sacrifice aux puissantes divinités du cynisme et de l'élitisme. En somme, ils tendent l'autre joue à l'Argumentum ad crumenam et à l'Argument du faux problème.

    Et quand l'écrivain bobo, la tête d'affiche du grand théâtre des lettres françaises, lui bave: "nivellement par le bas! À mort les ignorants! Touche pas à ma langue!" (dont un exemple hilarant, sur lequel je reviendrai, est celui de ce brave vieux Martineau, un peu confus mais pas bien méchant), le bigot, lui, répond: "Bienheureux les simples d'esprit, car ils iront au paradis", ou quelque chose comme ça.

    Autodérision à part, cette pièce maîtresse et difficilement attaquable de l'argumentation réformiste n'en n'est pas moins largement ridiculisée, avec plus de sincérité que moi, dans ce billet cabotin, par nombre de conservateurs autosatisfaits, qui vont souvent jusqu'à soupçonner l'interlocuteur d'être personnellement marqué au fer rouge des difficultés orthographiques rencontrées à la petite école.

    vendredi 2 octobre 2009

    Les ministères récidivistes qui contreviennent encore aux recommandations de l'OQLF

    Un petit coup de fil à ces messieurs dames...
    (Source: Impératif français)

    Services Québec 514-644-4545

    Revenu Québec 514-873-2610

    Régie du logement 514 873-2433

    Régie des rentes du Québec 514-253-6556

    Office de la protection du consommateur 1-888-528-7741

    Commission d’accès à l’information du Québec 1-888-385-7252

    Hydro-Québec 1-800-361-7620

    Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) 1-888-461-2433

    Commission des transports du Québec 1-800-567-3900

    Directeur de l’état civil 1-800-561-9749

    Régie de l’assurance maladie du Québec 418-528-9323

    Caisse de dépôt et placement du Québec 1-866-330-3936

    jeudi 1 octobre 2009

    Argumentum ad populum

    "Actuellement, les ouvrages de référence entrent de plus en plus la nouvelle orthographe. C’est un mouvement irréversible qu’on ne peut pas ignorer. L’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, le Portugal, la Grèce, etc., tous ont simplifié leur orthographe. Dans tous les cas, l’écriture a changé, mais sans la moindre conséquence pour la langue. Dès l’âge de huit ans, les petits Italiens connaissent tout de l’orthographe de leur langue. À l’heure d’Internet, le français doit lui aussi simplifier son orthographe. Il en va de sa survie."
    - Aurel Ramat
    L'argument est pratique et produit son effet.
    Il s'agit, pour légitimer une attitude d'interventionnisme orthographique, de faire appel aux exemples des langues de culture (j'adore cette expression! Le petit côté impérialiste frissonnant de satisfaction! Essayons avec le grand 'C' : "langues de Culture"... Brrrr!) qui ont, au cours de leur histoire, procédé à des réformes radicales:
    Ce faisant, le réformiste espère susciter un éclair lumineux chez l'interlocuteur:
    "S'ils l'ont fait, ça prouve bien que les systèmes d'écriture de nature alphabétique (donc à l'origine, essentiellement phonétique, voir l'Argument ontologique) des langues de culture doivent nécessairement s'adapter, à la longue, à l'évolution de la langue orale, vivante!".

    On (en tout cas je, sans jamais avoir déployé d'efforts notables pour étayer mon point de vue) cite souvent les cas de l'espagnol, du russe, du serbo-croate, du chinois (lequel, oui, je sais)... Et pour être convaincant, le réformiste qui s'aventure en ces eaux doit posséder une connaissance encyclopédique de l'histoire politico-linguistique des communautés sus-mentionnées, pour éventuellement faire la preuve que les réserves du clan adverse ne sont pas fondées en ces cas.

    Que la littérature usant de graphies anciennes ne sera pas fichue au rencart.

    Que les rééditions et resaisies feront rouler l'économie.

    Qu'on ne laissera glisser dans l'oubli aucune icône du panthéon du passé.

    Que l'éventuel sens porté par les graphies jetées sera aussi accessible par d'autres moyens.

    Or, quelle que soit l'histoire de l'écriture espagnole, s'il se trouve qu'une réforme a dégraissé par exemple les graphèmes porteurs d'un sens morphologique ou étymologique d'une graphie ancienne, les arguments sémantique et culturel demeurent valables. Une trace perdue est une trace perdue.

    En somme, invoqué légèrement, cet argument tourne parfois à l'Argumentum ad populum, dans un sens élargi.

    Le Ramat de la typographie a fait des petits en Europe

    Le Ramat européen de la typographie de Romain Muller, encore tout chaud, est rédigé entièrement en nouvelle orthographe.

    Court extrait de l'index, déjà disponible sur le Web:

    Maginot (la ligne) 40
    mai 68 (les
    évènements de) 40
    maison 137
    maison (histoire) et
    maj. 36
    maitre (fém.) 144
    majuscules
    — accents dans les
    abrév. et sigles 46
    — accentuées



    Ça vous choque?
    Pas moi.

    Il est d'autres domaines de normalisation langagière en lesquels le Québec fait école...

    Yep, la résistance française ("Le genre est inhérent au nom! Le genre est inhérent au nom!") s'épuise, la pratique de féminisation des titres ("[...] phénomène qui s’inscrit dans le sillage du féminisme nord-américain]*) fait son chemin.

    Anecdote
    Ho, ça me rappelle l'histoire de cet excellent professeur de linguistique de l'Université de Sherbrooke, locomotive, par ailleurs, de l'admirable "Dictionnaire de la langue française" (dictionnaire de contenu entièrement original et québécois), Pierre Martel, pour ne pas le nommer, qui nous racontait cet incident survenu alors qu'il présentait une conférence en France.

    Au cours de sa présentation, certainement exprimée dans une langue impeccable, Martel a fait usage d'un titre de fonction féminisé. Fin des années 1990. À cette époque, la féminisation des titres était encore largement perçue, en France, moins en Belgique et en Suisse, comme le fait d'une horde de femelles américaines hystériques. De fait, un linguiste français de l'auditoire, voyant dans cette parole un acte militant doublé d'une troublante provocation à l'égard de la tradition linguistique française, aurait ainsi, d'après mon souvenir de la narration, interrompu Martel:

    "Monsieur, ceci est puéril et nuisible."

    (de mémoire, hein!)

    Le genre est inhérent au nom, les gars.

    Répétez après moi.

    Tout ça pour vous dire que le Ramat européen est à jour aussi sur les pratiques de féminisation des titres.

    C'est la révolution en marche.
    Une étape de plus de la marche victorieuse et conquérante des normalisateurs d'Amérique francophone.


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    * Pierrette Vachon-L'heureux, OQLF