vendredi 30 avril 2010

Lettre ouverte aux informaticiens


Ô, vous, que chaque fois que j’appelle en panique lors que plante mon réseau, que mon mot de passe se de lui-même réinitialise, que SQL Error SPWin_1100-w3221xr-LOL-couic-game_over_pov_nouille, et qui d’un sourcil neutre d’une immobilité éverestesque me dites que j’ai qu’à faire un « restart » et d’arrêter de chialer comme ça,

Faut qu’on cause.

Vous et moi, on est pareils : on travaille en code, avec un langage qui, par ma chandelle verte, est facile une fois qu’on l’a compris, la moindre erreur d’un utilisateur inepte/insouciant nous ratatine les lunettes, on se fait des blagues entre nous (celle du mec qui confond le futur périphrastique avec l’épithète en hypallage, comme celle du mec en Oracle qui essaie de faire C++ sous Linux*, c’est pareil à celle du fou qui repeint son plafond pour le reste du monde : c’est universel).

Comme toute spécialité, comme toute science, vous avez un langage bien à vous, et c’est l’anglais, manque de pot, qui domine : rebooter, utiliser des toolkits, downloader des patches, unclicker la toolbar, twitter (le verbe, là), avoir des followers, etç.**

En soi, ça me dérange pas, tous ces anglicismes : ils font cool, et il faut bien meubler le vide linguistique avant que l’Académie, l’Office de la Langue française et consorts n’interviennassent*** avec leurs propositions de remplacement, qui deviennent de plus en plus heureuses, je trouve. La techno avance, et de tous les domaines, c’est celui qui est le plus pardonnable, anglicismement parlant (ou écrivant), car c’est un des plus rapides, les plus instables, les plus difficiles à suivre (tiens, d’ailleurs, on annonce la mort du disque 3,5 pouces****, le temps passe, c’est pas des farces, dites-donc). De plus, j’aime, tant dans le langage de spécialité que dans le Langage majusculisé, ce phénomène qui fait en sorte que dès qu’on devient un tantinet soit peu technique, on se retrouve entre esprits semblables et on élimine les intrus; c’est-à-dire que les initiés se retrouvent entre eux dans leur langage, et les profanes régressent et perdent la capacité de réguler leur salive, et ça fait des flaques partout, floc. La forme épouse la fonction : langage technique, danger, Achtung Minen, et aïe donc.

Ceci dit, l’écart entre la prolifération des anglicismes techniques et leur appropriation en langue d’arrivée prend un certain temps : ils ont un caractère ésotérique, sont exclusifs à des groupes dont les membres ont parfois tendance à se parler entre eux (ayons une pensée pour les traducteurs-rédacteurs-réviseurs qui ont sur les bras, pour demain, RUSH, des rapports sur l’intégrité du fractionnement des données encryptées entre serveurs QSL-31 et de l’altérabilité des processeurs à quintuple cœur dans des conditions d’apesanteur, le tout, écrit par un spécialiste jargonneux qui tente de jargonner le plus auprès d'autres spécialistes jargonneux.).

Mais pour l’instant, ça se passe bien : patch est devenu rustine, mail est devenu courriel (pour ceux qui l’ont adopté, hein) et LOL est devenu RAHV (rire à haute voix. Ou il est pas encore devenu. Mais il finira par l’être, foi de Délèque).

Je vous aime bien, chers techs. Vous et moi, c’est t’alavie-t’alamort, on se comprend. Mais que le mec chez Cannon qui a traduit le message d’erreur sur ses imprimantes S850 se lève, j’ai à lui causer.

Oui, toi, au fond. Tu sais, quand le réservoir de la troueuse intégrée est plein? Oui, le « bac à confettis » de l’imprimante, là où les petits ronds de papier s’accumulent? Tu sais, quand il est plein? Le message qu’il dit, en français? Non, c’est pas « vider le bac à confettis ».
C’est « éliminer les résidus de troueuse ».

Un confetti, c’est festif, c’est joyeux, on en lance, ça sent la fête, l’herbe sous les pieds alors qu’on pique-nique dans la cour, c’est ce qui vole quand on célèbre l’arrivée d’un héros et qui émerveille les enfants.

Appeler ça un « résidu », c’est tuer la poésie. Violemment.

À bon entendeur,
d.
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*Je n’ai aucune notion en informatique, arrêtez de vous poiler comme ça.

** Et tout ça. D'où la cédille. Ce qu'on rigole.

***C’est joli le conditionnel, quand même. Vous essaierez à la maison.

****http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/materiel-informatique/201004/26/01-4274360-adieu-disquette.php

mardi 27 avril 2010

Après les «téléphones intelligents», les «voitures intelligentes»?


On voit à la télé, ces temps-ci, une pub de voiture japonaise qualifiée d’«économe d’essence».


L’expression est-elle correcte?

ÉCONOME

Petit Robert
«II Adj. Qui dépense avec mesure, sait éviter toute dépense inutile. → parcimonieux, regardant.»(1)

Larousse
«2. adj. Qui limite ses dépenses, évite les dépenses inutiles.»(2)

Je ne sais pas vous, mais je perçois dans ces définitions une notion de «jugement», de «décision», qui me semble tout à fait inapplicable à un sujet inanimé. Comment pourrait-on dire qu’une automobile «dépense le carburant avec mesure»? Est-ce qu’un fabricant créerait délibérément une automobile qui gaspille le carburant? Ça serait quand même étonnant.

L’usage du mot économe dans ce contexte est inapropprié; économique conviendrait mieux.

ÉCONOMIQUE

Petit Robert
«II. COUR. Qui réduit les frais, épargne la dépense. Chauffage, voiture économique.»(1)

Larousse
«2. Qui permet de faire des économies; peu coûteux.»(2)

À mon avis, une voiture peut être économique en carburant, en ce sens qu’elle consomme tellement peu de carburant pour une distance donnée qu’elle permet à son utilisateur d’économiser de l’argent.

Qu’en pensez-vous?

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(1) [Le nouveau Petit Robert, édition 2004. Paris.]
(2) [Le Petit Larousse illustré, édition 1996. Paris.]

mardi 20 avril 2010

Je suis plus fort que toi! Mais tu es plus fort qu’eux


Récemment entendue, cette pub qui m’a fait friser les oreilles :


«Dove men plus care célèbre les hommes qui se sentent bien dans leur peau. Regardez Les Boys le lundi à 21 heures. Vous et trois de vos amis pourraient gagner une soirée de boys avec les vrais Boys. Bonne chance et bonne émission.»

Si pareille erreur est faite sur les ondes de notre télévision naaaationale (Radio-Canada), l’erreur est probablement plus répandue que je n’aurais pu le croire.

Voici la règle, selon Grevisse :

«Le verbe qui a plusieurs sujets se met au pluriel :
La mouche et la fourmi contestaient de leur prix. (La Font.)

Si les sujets ne sont pas de la même personne, le verbe s’accorde avec la personne qui a la priorité : la 1re personne l’emporte sur les deux autres, et la 2e sur la 3e :
Mes parents et moi attendons votre retour.
J’ai gagé que cette dame et vous
étiez du même âge. (Montesquieu.)»(1)

Il aurait donc fallu dire, dans cette pub : «Vous et trois de vos amis pourriez gagner…».

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.206.]

jeudi 1 avril 2010

L'orthographe au temps de Jésus

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L'orthographe et la syntaxe, en Judée et en Mésopotamie, au début de la chrétienté, n'étaient pas une mince affaire.

L'on pouvait se faire fouetter pour une mauvaise liaison.

Crucifier, pour un adverbe pronominal.

Écarteler par des chevaux sauvages pour une subordonnée conjonctive.


Et comment allait-on écrire cette satanée nouvelle version de la Bible?

Des milliers de pages à corriger, sans petit Robert, et par ici les mots compliqués, les Deutéronomes, les Abyssiniens, les Nabuchodonosors...

Et la grosse figure du pape par-dessus notre épaule... Les chevaux sauvages, prêts à partir...


Non, ils ne l'ont pas eu facile.


Sur ce, Joyeuses Pâques.





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