On me demande, candidement, ce que je pense de la « traduction » en Canayen-français de Coke en Stock, énième tome d’Hergé (j’ai jamais compris l’ordre des parutions, oui je sais que Casterman les a numérotées mais ils ont gommé des imprécisions, et d’ailleurs là n’est pas le propos, fermons cette parenthèse, merci).
Première réaction : bof. Je m’en tape avec une indifférence qui donne une idée de l’infini, comme disait Greg.
Seconde et suivantes réactions : malaise, indécision, incapacité d’agripper le concept mentalement, y a un accroc.
Bref, j’ambivaux[i].
Le petit diable sur mon épaule gauche, qui s’oppose à tout, me rappelle l’affect, l’attachement que j’ai envers le héros à la houppette, mes après-midi sur le bord de la piscine à me fasciner de fusées rouge et blanc carreautées, des vertus du scotch Loch Lommond et du jeu de mot d’Ottokar, que je n’allais comprendre que bien plus tard. Tintin, c’est mon enfance, c’est déjà en français, pas touche. De mettre les phylactères en joual, de contribuer à l’encheapissement (revoir note en bas de page) d’une franchise déjà über-mercantilisée, d’aider un éditeur qui tire déjà beaucoup trop de jus d’une œuvre qui a autre chose à donner que des figurines en simili-résine vaguement ressemblantes à 29.95 $ la gugusse de 100 gr. de un demi-pouce de haut (zavez remarqué que la face de Tintin et de celle du Petit prince (34.95 $) ont l’air d’être tirées du même moule?), ça me met en rogne.
L’argument du mec qui a fait le machin se vaut, selon les humeurs : « On a déjà traduit Tintin en des langues de moins de 100 000 locuteurs; de plus, on avait déjà des versions québécoises de Tintin en underground, alors pourquoi pas lui donner ses lettres de noblesse? ».
Ouais.
Donc, défendons le français canadien québécois. Le français canadien-français. L’Amaricain du nord français. Le québécois francophone d’origine française (pour la suite, Elvis Gratton, la scène de l’avion). Notre français est en santé, pétulant et rayonnant, Cirque du Soleil, Denys Arcand, Bombardier, youpi, maîtres chez nous pis toutte. Fort bien, mettons-le en avant-plan, saisissons la croix des Belles-sœurs de Tremblay et la bannière fléchée de Natashquan, hop aux remparts, vive le Kébek, bout d’viarge.
Je me rappelle d’une savoureuse anecdote, si vous me permettez d’apparter. Un sondage effectué auprès des gens vivant dans la ville de Québec indiquait que 90+ %? (87-93 %, on va pas s’arrêter aux détails, non mais) ne se sentaient pas complexés par rapport aux gens de Montréal. Fort bien. Mais, observa un chroniqueur (Lagacé, à La Presse, je crois) : alors pourquoi, diantre, avoir ressenti le besoin de faire un sondage? Même principe ici : sommes-nous encore complexés? Colocs en stock est-il un symptôme du malaise des « Personnes de couleur blanche » d’Amérique? Va pour l’exercice de style, c’est légitime, pourquoi pas. Après tout, la série télé Les Simpson, admirablement bien adaptée, localisée au Québec, est un phare lumineux de la réussite des capacités bénéfiques et enrichissantes de la phagocitation culturelle (mais notons que South Park, succès ici en frança-de-France, a vu sa version québécoise retirée des ondes du Mouton Enterré de la télé après 2-3 épisodes).
Mais alors, bloggeux véhément et illogique, me diriez-vous, c’est ok si c’est une série américaine, mais quand c’est belche, une fois, on crie au viol? Eurocentriste, va, sifflez-vous.
Je dis peut-être, mais je vois pas le rapport, on jase langue, là, n’ergotons pas.
*bruit de vos justes arguments s’écrasant sur le bouclier de ma mauvaise foi*
Tiens, puisqu’il est question de logique, et que j’ai envie de changer de sujet, le traducteux qui a commis/créé (selon de y-où s’qu’on se place) Colocs a jugé bon, et en cela je le salue, de garder telles quelles les invectives du brave capitaine Haddock (ou Aiglefin, ou S’tie d’Aiglefin Highliner, tant qu’à tout traduire). Pas de « Taouin » en guise de « Bachi-bouzouk », pas de « Calvâsse de twit » pour « Anacoluthe » (je savais, amis linguistes, que vous priseriiez cet exemple) …Et je pousse un soupir de soulagement. On peut traiter Tintin de tous les noms, dessiner les Dupondt en train de se frencher (nooooon, pas comme « franciser », là …pfff.), mais les insultes, on touche pas, sinon j’aiguise mes torches et allume mes fourches (quand je suis fâché, je mêle tout) et sus à l’impie.
Donc il a pas traduit les insultes. Bon.
Mais il a …(retire ses lunettes, se masse l’arête du nez)…si je comprends bien…(touss touss de contenance)… il a …(répétition, silence dramatique, vous me voyez venir depuis la première parenthèse, c’est fou comme on se sent fin finaud quand on comprend avant la fin de la phrase, hein)…traduit le reste. Qui était, osons présumer, déjà parfaitement intelligible pour les Québécois.
Là, c’est mon démon de l’épaule droite, pragmatique, qui se ratatine.
Et en passant, j’aime pas la tentative d’allitération de Colocs en stock (ou le fait que c’est un segment de phrase prononcé par les disquaires, surtout après le film Dédé à travers les brumes, précédé par « On a plus d’albums » ou « On va ravoir la semaine prochaine les compiles des »). Le coke, produit du charbon obtenu par distillation de la houille dans un four à l'abri de l'air (merci wiki), est une matière noire, un code, une allusion au caractère négroïde des cargaisons d’esclaves dont il est question dans l’album (original). Avoir des colocs en stock serait, avouons-le, difficile à expliquer aux contrebandiers qui auraient à justifier leurs messages aux autorités maritimes. Remarquez, ils naviguent dans des eaux aujourd’hui grouillantes de pirates somaliens, hein, bof, non mais, quand même, ce titre est un choix de style au détriment du contenu. S’il s’applique au reste de l’album, à vous de dire, moi je lirai pas (ou ferai comme Da Vinci Code et le lirai et je le dirai pas, cf mauvaise foi).
Si j’en tire une conclusion? Qu’il faut le prendre comme c’est, un exercice, une étude, autant sur l’objet lui-même que sur les réactions et les discussions (et autres excellents blogs) qu’il suscite. L’objet lui-même? Une bd, pour la forme, mais pas au même titre que les « vraies ». Une curiosité, un truc pour collectionneur nigaud (pléonasme?), l’équivalent bédéesque du L H O O Q de Duchamp (en fait pas vraiment, mais étalons notre culture et les capacités de nos moteurs de recherche) ou des reproductions de Britney Spears peinte en Warhol. Après tout, en cette ère de recyclage culturel (au cinoche seulement, citons Astro, Toy Story 3-4, G.I. Joe, Transformers, remake évité de justesse de Psycho par Michal Bay, La Guerre des Tuques 25 ans après, Pinocchio 3000, Le petit poucet : la vraie histoire ou les DVD nostalgie de vieilles séries poches filmées en super-8 semi-mono mais redigitalisées Blu-ray 1080 p full hd son 7.3 Hyper surround THX® avec des nouvelles chansons inédites « qu’on vient de découvrir », et quoi qu'on fasse digitalement parlant, commenceront TOUJOURS par la notice sur fond bleu poche de l'assemblée d'Interpol le 8 septembre 1977 à Stockholm), faire du neu’ avec du vieux, c’est de son temps, et parfois la seule éventualité pour assurer une pérennité quelconque à ce qui vaut la peine, même en version abâtardie, d’être gardé.
[i] D’ambivaloir. Être en proie à l’ambivalence. Ceci je vous rappelle est une arène où puristes et réformistes se trucident à coups d’arguments dans la yeule, le terme est donc à-propos. Si, en lisant ce néologisme, votre dentier et votre contenance se sont éparpillés sur le plancher, vous êtes puriste, y a pas de sot métier; si une frétille néologique vous a parcouru l’échine en imaginant l’Académie tomber en syncope, vous êtes réformiste, pas plus grave, va. Mais si vous vous considériez réformiste et que vous des dents grincâtes en lisant ce néologisme y afférent, un examen de conscience s’impose, vous trippez plus sur le cardinal Richelieu que vous ne le pensez. Vous pouvez remonter, cette note est finie.
Première réaction : bof. Je m’en tape avec une indifférence qui donne une idée de l’infini, comme disait Greg.
Seconde et suivantes réactions : malaise, indécision, incapacité d’agripper le concept mentalement, y a un accroc.
Bref, j’ambivaux[i].
Le petit diable sur mon épaule gauche, qui s’oppose à tout, me rappelle l’affect, l’attachement que j’ai envers le héros à la houppette, mes après-midi sur le bord de la piscine à me fasciner de fusées rouge et blanc carreautées, des vertus du scotch Loch Lommond et du jeu de mot d’Ottokar, que je n’allais comprendre que bien plus tard. Tintin, c’est mon enfance, c’est déjà en français, pas touche. De mettre les phylactères en joual, de contribuer à l’encheapissement (revoir note en bas de page) d’une franchise déjà über-mercantilisée, d’aider un éditeur qui tire déjà beaucoup trop de jus d’une œuvre qui a autre chose à donner que des figurines en simili-résine vaguement ressemblantes à 29.95 $ la gugusse de 100 gr. de un demi-pouce de haut (zavez remarqué que la face de Tintin et de celle du Petit prince (34.95 $) ont l’air d’être tirées du même moule?), ça me met en rogne.
L’argument du mec qui a fait le machin se vaut, selon les humeurs : « On a déjà traduit Tintin en des langues de moins de 100 000 locuteurs; de plus, on avait déjà des versions québécoises de Tintin en underground, alors pourquoi pas lui donner ses lettres de noblesse? ».
Ouais.
Donc, défendons le français canadien québécois. Le français canadien-français. L’Amaricain du nord français. Le québécois francophone d’origine française (pour la suite, Elvis Gratton, la scène de l’avion). Notre français est en santé, pétulant et rayonnant, Cirque du Soleil, Denys Arcand, Bombardier, youpi, maîtres chez nous pis toutte. Fort bien, mettons-le en avant-plan, saisissons la croix des Belles-sœurs de Tremblay et la bannière fléchée de Natashquan, hop aux remparts, vive le Kébek, bout d’viarge.
Je me rappelle d’une savoureuse anecdote, si vous me permettez d’apparter. Un sondage effectué auprès des gens vivant dans la ville de Québec indiquait que 90+ %? (87-93 %, on va pas s’arrêter aux détails, non mais) ne se sentaient pas complexés par rapport aux gens de Montréal. Fort bien. Mais, observa un chroniqueur (Lagacé, à La Presse, je crois) : alors pourquoi, diantre, avoir ressenti le besoin de faire un sondage? Même principe ici : sommes-nous encore complexés? Colocs en stock est-il un symptôme du malaise des « Personnes de couleur blanche » d’Amérique? Va pour l’exercice de style, c’est légitime, pourquoi pas. Après tout, la série télé Les Simpson, admirablement bien adaptée, localisée au Québec, est un phare lumineux de la réussite des capacités bénéfiques et enrichissantes de la phagocitation culturelle (mais notons que South Park, succès ici en frança-de-France, a vu sa version québécoise retirée des ondes du Mouton Enterré de la télé après 2-3 épisodes).
Mais alors, bloggeux véhément et illogique, me diriez-vous, c’est ok si c’est une série américaine, mais quand c’est belche, une fois, on crie au viol? Eurocentriste, va, sifflez-vous.
Je dis peut-être, mais je vois pas le rapport, on jase langue, là, n’ergotons pas.
*bruit de vos justes arguments s’écrasant sur le bouclier de ma mauvaise foi*
Tiens, puisqu’il est question de logique, et que j’ai envie de changer de sujet, le traducteux qui a commis/créé (selon de y-où s’qu’on se place) Colocs a jugé bon, et en cela je le salue, de garder telles quelles les invectives du brave capitaine Haddock (ou Aiglefin, ou S’tie d’Aiglefin Highliner, tant qu’à tout traduire). Pas de « Taouin » en guise de « Bachi-bouzouk », pas de « Calvâsse de twit » pour « Anacoluthe » (je savais, amis linguistes, que vous priseriiez cet exemple) …Et je pousse un soupir de soulagement. On peut traiter Tintin de tous les noms, dessiner les Dupondt en train de se frencher (nooooon, pas comme « franciser », là …pfff.), mais les insultes, on touche pas, sinon j’aiguise mes torches et allume mes fourches (quand je suis fâché, je mêle tout) et sus à l’impie.
Donc il a pas traduit les insultes. Bon.
Mais il a …(retire ses lunettes, se masse l’arête du nez)…si je comprends bien…(touss touss de contenance)… il a …(répétition, silence dramatique, vous me voyez venir depuis la première parenthèse, c’est fou comme on se sent fin finaud quand on comprend avant la fin de la phrase, hein)…traduit le reste. Qui était, osons présumer, déjà parfaitement intelligible pour les Québécois.
Là, c’est mon démon de l’épaule droite, pragmatique, qui se ratatine.
Et en passant, j’aime pas la tentative d’allitération de Colocs en stock (ou le fait que c’est un segment de phrase prononcé par les disquaires, surtout après le film Dédé à travers les brumes, précédé par « On a plus d’albums » ou « On va ravoir la semaine prochaine les compiles des »). Le coke, produit du charbon obtenu par distillation de la houille dans un four à l'abri de l'air (merci wiki), est une matière noire, un code, une allusion au caractère négroïde des cargaisons d’esclaves dont il est question dans l’album (original). Avoir des colocs en stock serait, avouons-le, difficile à expliquer aux contrebandiers qui auraient à justifier leurs messages aux autorités maritimes. Remarquez, ils naviguent dans des eaux aujourd’hui grouillantes de pirates somaliens, hein, bof, non mais, quand même, ce titre est un choix de style au détriment du contenu. S’il s’applique au reste de l’album, à vous de dire, moi je lirai pas (ou ferai comme Da Vinci Code et le lirai et je le dirai pas, cf mauvaise foi).
Si j’en tire une conclusion? Qu’il faut le prendre comme c’est, un exercice, une étude, autant sur l’objet lui-même que sur les réactions et les discussions (et autres excellents blogs) qu’il suscite. L’objet lui-même? Une bd, pour la forme, mais pas au même titre que les « vraies ». Une curiosité, un truc pour collectionneur nigaud (pléonasme?), l’équivalent bédéesque du L H O O Q de Duchamp (en fait pas vraiment, mais étalons notre culture et les capacités de nos moteurs de recherche) ou des reproductions de Britney Spears peinte en Warhol. Après tout, en cette ère de recyclage culturel (au cinoche seulement, citons Astro, Toy Story 3-4, G.I. Joe, Transformers, remake évité de justesse de Psycho par Michal Bay, La Guerre des Tuques 25 ans après, Pinocchio 3000, Le petit poucet : la vraie histoire ou les DVD nostalgie de vieilles séries poches filmées en super-8 semi-mono mais redigitalisées Blu-ray 1080 p full hd son 7.3 Hyper surround THX® avec des nouvelles chansons inédites « qu’on vient de découvrir », et quoi qu'on fasse digitalement parlant, commenceront TOUJOURS par la notice sur fond bleu poche de l'assemblée d'Interpol le 8 septembre 1977 à Stockholm), faire du neu’ avec du vieux, c’est de son temps, et parfois la seule éventualité pour assurer une pérennité quelconque à ce qui vaut la peine, même en version abâtardie, d’être gardé.
[i] D’ambivaloir. Être en proie à l’ambivalence. Ceci je vous rappelle est une arène où puristes et réformistes se trucident à coups d’arguments dans la yeule, le terme est donc à-propos. Si, en lisant ce néologisme, votre dentier et votre contenance se sont éparpillés sur le plancher, vous êtes puriste, y a pas de sot métier; si une frétille néologique vous a parcouru l’échine en imaginant l’Académie tomber en syncope, vous êtes réformiste, pas plus grave, va. Mais si vous vous considériez réformiste et que vous des dents grincâtes en lisant ce néologisme y afférent, un examen de conscience s’impose, vous trippez plus sur le cardinal Richelieu que vous ne le pensez. Vous pouvez remonter, cette note est finie.
Wouah! Fou!
RépondreSupprimerMais pourquoi "j'ambivaux" plutôt que "j'ambivale"? Sur le modèle de "valoir" j'imagine?
Tant qu'à néologuer, on aurait pu en profiter pour régulariser le paradigme non? Et ranger le nouveau venu dans le clan des "écaler", "pédaler"... Ambivaler.
Indéfendable. J'avoue.
Oui, j'ai fait mon choix sur le modèle de 'valoir', même si j'ai hésité, «j'ambivale» était un poil plus euphonique... mais j'avoue, tant qu'à néologuer, allons-y pleine aiguille (full pin): ambivalons, j'ambivale! :)
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerAu moins, on ne représente pas les Québécois de manière aussi dégradante que toutes les autres races (... au Congo, Lotus bleu, etc.) dépeintes dans les aventures du petit aryen.
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