Cette semaine, une publicité télé m’a à nouveau fait friser les oreilles (vous me direz sûrement que c’est pcq j’écoute trop de télé que les oreilles me frisent…) : on y parlait de produits alimentaires préparés au Québec et l’annonce se terminait sur : «
Procurez-vous-les!»
Convaincue qu’il s’agissait là d’une grossière erreur grammaticale (bien que la forme soit plutôt répandue à l’oral et pas nécessairement jugée fautive pour autant), j’ai empoigné mon Grevisse, cherchant avidement la règle qui donnerait tort à la pub.
GREVISSE«Si un impératif sans négation a deux pronoms compléments d’objet, l’un direct, l’autre indirect,
on place le complément d’objet direct le premier :
Dites-le-moi.»
(1)«Ah ha!» me disai-je triomphante. …Jusqu’à ce que j’aperçoive la suite :
«
Toutefois, il arrive qu’on ait l’ordre inverse :
Rends-nous-les. (Hugo.)»
(1)Moi qui préfère quand les choses sont claires, inambiguës, j’ai été vaguement déçue de cet usage «flottant». Mais à vrai dire, j’étais aussi un peu sceptique. Ce qui m’a amenée à chercher d’autres références, sur le Web.
BANQUE DE DÉPANNAGE LINGUISTIQUE DE L’OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE (OQLF)«Dans une phrase affirmative, lorsqu'un verbe à l'impératif est employé avec deux pronoms,
celui qui est complément direct se place immédiatement après le verbe, suivi du pronom complément indirect. Notons qu'il y a un trait d'union entre le verbe et les pronoms. […]
Exemples :
- Ce livre est à nous.
Rends-le-nous. (Rends-nous quoi? ce livre : le, mis pour livre, est complément direct; Rends ce livre à qui? à nous, complément indirect)
- Cette lettre est pour elles.
Adresse-la-leur. (Adresse leur quoi? cette lettre : la, mis pour lettre, est complément direct; Adresse la lettre à qui? à leur, complément indirect)
[…]
On rencontre parfois l'inversion de l'ordre habituel des pronoms dans une phrase impérative, surtout à l'oral. Il est toutefois préférable d'éviter cet usage, surtout dans la langue écrite.Exemples :
- Cet ouvrage est à moi.
Donne-le-moi. (et non :
donne-moi-le)
- Nous avons acheté des meubles ici il y a déjà trois semaines.
Livrez-les-nous dès que possible. (et non :
livrez-nous-les)»
(2)À L’OQLF, on recommande donc clairement d’éviter, au moins à l’écrit, la tournure entendue dans la pub (tournure «orale», me direz-vous? certes; par contre, le niveau de langue des pubs narrées se situe habituellement plus près de la langue écrite que de la langue orale). Dans les différents ouvrages didactiques sur le français que j’ai trouvés sur le Web, on semblait aussi abonder dans le sens de l’OQLF.
Il semble donc qu’il vaille mieux privilégier la forme
verbe-COD-COI à l’écrit (ou en contexte plus «formel»), alors que les formes
verbe-COD-COI et
verbe-COI-COD concurrencent à l’oral.
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(1) [GREVISSE, M. (1990).
Précis de grammaire française, 29
e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.116.]
(2) http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4206
Mais, alors, que dirons-nous à ce cher vieil Hugo?
RépondreSupprimerA Hugo, on dirait :
RépondreSupprimer"Victor, tu as tort, pourquoi t'entêtes-tu ?".
A répéter plusieurs fois un matin de lendemain de fête, histoire de voir si on a récupéré une diction claire et non grasseyante, hein...
Mais c'est vrai que l'on parle de plus en plus n'importe comment... Parce que la forme que vous préconisez a toujours été celle que j'ai utilisée depuis ma plus tendre enfance, que ce soit à l'oral ou à l'écrit... Rendez-notre bon français, Mesdames et Messieurs des médias, oui, rendez-le-nous !!!
Faudra dire à Hugo qu'en 2010, il a le droit de le dire, mais pas de l'écrire... ;)
RépondreSupprimerEn fait, Vic avait écrit dans la version originale : Rends-les-nous-les-nous-les.
RépondreSupprimerIl était payé au mot.
(la preuve: le chapitre "Paris à vol d'oiseau" dans Notre-Dame de Paris. Sans blague.)
Ah il est vrai que ce chapitre de "Notre-Dame de Paris" est du remplissage éhonté... Moins toutefois que le dernier opus de Jean Auel "les Refuges de Pierre", de sa saga préhistorique "Les Enfants de la Terre", où sur presque mille pages il ne se passe strictement RIEN de sensationnel, et où, toutes les dix pages elle nous ressort une "Ode à la Terre Mère" qui est mal fichue comme tout et n'a même pas le mérite d'une certaine poésie... A mon avis, soit effectivement, on la paie au mot, et en plus, elle est à court d'inspiration et l'œuvre en anglais est mal écrite, soit le traducteur, pas inspiré à saboté la chose ! Le résultat est un crime écologique sans précédent... Pensez à tous ces arbres innocents abattus pour fournir le papier servant à imprimer de telles niaiseries mal ficelées, et peut-être que les écrivains feront des efforts écologiques en ne nous assaillant plus avec des pensums assommants comme ces "Refuges de Pierre" ou ce chapitre assez inutile, en vérité, de "Notre-Dame de Paris" !!!
RépondreSupprimerAmicalement, Tinky :-D
Rendez-nous notre bon français?
RépondreSupprimerLequel exactement?
Une langue vivante, dotée de structures grammaticales et syntaxiques bien définies, qui ne refuse pas quelques locutions colorées et certaines tournures régionalistes, un joli français coloré comme on en parle dans le Sud de la France, dans le Nord du même pays, ou les différentes nuances si jolies qu'on entend au Québec et qui font vibrer cette langue comme un merveilleux instrument de musique. Une langue qu'on parle avec plaisir, avec joie, avec les mots de laquelle on s'amuse ! Voilà ce qu'est, pour moi, "le bon français" ! Une langue vivante, plaisante, jolie à l'oreille et douce au coeur !
RépondreSupprimerBises à tous !
Tinky :-D
"Un bon français"... Ca me rappelle Eric Besson...
RépondreSupprimerNonon, j'ai rien dit !!
Je m'intéresse ces temps à la "représentation". La représentation, c'est l'écran, ce qui nous apparaît comme la vérité, et qui ne l'est que pour nous. "le bon français", c'est ceci, cela. Apparemment, pour Tinky, le bon français est enfermé dans un carcan de règles rigides qui me font frémir tellement elles encadrent à outrance et essoufflent la vie de la langue. Mais ça, c'est ma propre représentation à moi... Je ne dis pas que j'ai raison et elle tort... Je dis que cette représentation m'étouffe.
En fait, moi, je crois autre chose que Tinky à propos du bon français. C'est la même différence qu'il y a entre le bon chasseur et le mauvais chasseur... http://www.youtube.com/watch?v=vH2GdDrJpKg (mettre à 3')
Et pour reprendre une petite citation d'Emmanuel Kant : "L'art ne veut pas la représentation d'une chose belle mais la belle représentation d'une chose."
Le français n'est pas beau, son utilisation poétique peut sans doute l'être, littéraire. Mais je doute que la fonction du français n'ait jamais été d'être belle avant d'être utile.
Peut-être n'ai-je rien compris ... Hein ! Mais le français "utile" est-il moins beau dans ce cas ? Qu'est-ce que la beauté de la langue ? De l'orthographe ?... Quel est le rapport entre l'orthographe et la beauté de la communication ?... Je ne fais pas l'apologie des fautes, je fais le rejet de ceux qui les utilisent pour classifier et mépriser une catégorie de la population. Pour en faire usage lors d'une hiérarchisation de valeurs humaines. Pour oublier d'entendre les propos de celui qui sait moins (l'orthographe) que soi. Et moi, ça, ça me hérisse les poils !
Et alors, mi, notre bon français, c'est quoi, pour toi ?
Pour moi, c'est une langue, vivante, et en tant que telle, elle doit avoir des règles qui lui permettent d'évoluer, de changer, de ne pas mourir figée. Les règles, les limites sont-là pour rappeler que la liberté existe, et heureusement, d'autres prennent cette liberté de jouer avec les règles de ce français, et de me hérisser à leur tour mes poils !!
Tant qu'ils se hérissent, c'est que y a de la vie !! ;)
Un télé ou une télé?merci
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