lundi 7 décembre 2009

Le français a changé ma vie

Un ami linguiste m’a fait cadeau de ce petit livre d’Alain Stanké (publié aux éditions Michel Brûlé), qui maîtrise le français fort bien, ma foi, pour une cinquième langue, devenue pratiquement maternelle conséquemment à sa "seconde naissance" ici.

J’avais un faible pour le personnage de Stanké qui, sans vouloir m’appesantir en anecdotes personnelles (le dire, c’est le faire?), était copain avec cette inoubliable professeure de français d’un collège de Sherbrooke et de ce fait, avait l’habitude de présenter son livre Des barbelés dans ma mémoire, récit d’un enfant lituanien de la guerre, aux régiments de collégiennes de troisième secondaire qui s’y succédaient.

L’homme avait profondément touché mon cœur de gamine avec ses récits pleins de sensibilité. Je me souviens, en particulier, du petit Stanké dissimulant des croûtons de pain sous les vêtements avant de partir au camp. Et des gros doigts enflés de ce beau monsieur, le vrai, l’adulte, qui témoignaient des disettes et privations de la guerre.

J’ai donc lu Le français a changé ma vie avec un a priori positif; le livre eût été mauvais, je l’eus néanmoins encensé (soyez patients, je pratique les conjugaisons désuètes, épreuve olympique des jeux d’automne, je compte me présenter pour l’équipe du Québec, merci).

J'y retrouve l'homme à tout faire attachant, un poil hyperactif et parfaitement sincère, l'homme qui a vécu la guerre en innocent, qui me plaît toujours autant.

L’écriture n’est pas le souci principal de ce livre. Cela m’étonne puisqu’il y est question d’amour d’une langue, mais on peut pardonner la maladresse stylistique (par exemple, le mot Gaudriole se répète à la page 48 et il ne s’agit pas d’une figure de style, voilà qui n'est pas très habile) sachant qu’il ne s’agit pas de la langue maternelle de l’auteur. On dirait un blogue sur papier en fait. Une diversité formidable de sujets plus passionnants les uns que les autres, traités chacun beaucoup trop succinctement: couleurs locales, variation géographique, changement du sens des mots dans le temps, anecdotes embarrassantes et contresens, réflexions personnelles sur les cultures francophones, langue et sexisme... tous illustrés d’exemples et d’historiettes.

Exemples dont j’aimerais vérifier la validité: est-il exact que Assassiner signifiait « Ennuyer » au XVIIe? Une vérification rapide dans le Robert historique confirme ce que l’on devine, qu’il s’agit d’un sens métaphorique (par ailleurs productif, pensons à Ça me tue, Il m’assomme , etc.) que Stanké aura pris au pied de la lettre, ou mieux encore, comme je l’aime bien, je le soupçonne d’injecter gratuitement dans nos réseaux de ces petites légendes urbaines que chacun prendra pour stricte vérité dans dix ans, vous savez, comme l’origine du mot québécois Quétaine, soi-disant issu du patronyme Keaton, de Saint-Hyacinthe... CELA EST FAUX!...

...mais alimente néanmoins l’étymologie populaire, aussi serais-je bien malheureuse si, mon lectorat prenant de l’expansion par quelque improbable circonstance de la vie, cette dénonciation chagrine venait à saboter véritablement les tentatives charmantes de Monsieur Stanké pour alimenter si espièglement le bassin de nos connaissances linguistiques populaires, lesquelles n’ont surtout pas nécessité d’être vraies.

Un peu comme ce titre de section « Montréal parlait français avant la France », p. 69.

Hum.

4 commentaires:

  1. Qu'il est rafraichissant de voir un blog qui a pris la mission d'apprendre, sans espérer commentaires, redevances et consécration en retour!

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  2. Tiens, au fait, qu'est-ce donc qu'une "quétaine" ? Une quête ? Une quinzaine déformée ? Une main d'objets divers - de quintus, cinq ?- Merci de résoudre pour moi ce mystère, le mot est pour moi doté d'une jolie sonorité et j'espère qu'il signifie quelque chose de sympathique.
    Comme votre poutine... Ça, ça me fait franchement rigoler, ce casse-croûte roboratif doté du nom d'un président Russe, simple hasard linguistique mais réjouissant, car je doute fort que M. Poutine soit aussi appétissant et délectable que votre poutine, excepté pour quelques courageux anthropophages ne dédaignant pas les expérience gustatives inédites ! :-D Chez moi, la poutine s'appelle donc un casse-croûte, un casse-dalle, et quand elle se trouve au moment du goûter, un goûter, évidemment... Et en bigourdan, ce dérivé du gascon et de l'occitan, un "grespai" !
    Je me demande ce que dirait M. Poutine s'il savait qu'au Québec son nom veut dire "collation" !
    Tinky, très amusée.

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  3. Bonjour Tinky!

    En fait, "quétaine" est un adjectif qui signifie, selon le contexte, "ringard" ou encore "kitch". Par exemple, des fringues quétaines ou une coiffure quétaine.

    Quant à la poutine, ce charmant substantif bien de chez nous évoque non pas le casse-croûte générique, mais plutôt, tenez-vous bien, une spécialité de la restauration rapide locale constituée de frites, de fond de veau et de ce fameux cheddar en grains qui fait "skouik-skouik" sous la dent.

    Violent non?

    Traditionnellement, on déguste ce mets à la sortie des bars, en groupe, vers 4h du matin.

    Voilà! :)

    Amicalement,

    Pélagie

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  4. Robert3/04/2010

    Et pourtant Molière utilise bien «il m'assassine» (et beaucoup d'autres écrivains de cette époque) dans le sens : il m'embête (par ses propos), il m'étourdit (de baiser) etc... donc pas si stankéen que ça l'utilisation....


    Robert

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