dimanche 4 octobre 2009

De l'intelligence de la langue et de la clarté de la pensée

La grammaire est la clarté de la pensée.

L'orthographe, c'est le génie de la langue française.
(Alain Bentolila)

Incantations.

Creuses?

Ces formules punchées ont-elle un sens, au-delà de leur apparente vacuité?

Cette "intelligence", invoquée par les fixistes, qui résiderait dans une consonne muette et les douze graphies du son 'o', est-elle autre chose que le dérisoire objet de culte d'un fanatique de la tradition abonné au Figaro?

Quelle est la richesse de ce barrage de difficultés érigé au fil des siècles sans autre plan que celui de la contingence de l'histoire?

L'argument sémantique: orthographe grammaticale et marques étymologiques

"La deuxième [réforme proposée par André Chevrel] consisterait à supprimer les lettres grecques, le h chaque fois qu’il est étymologique (rhume, thèse et même chœur : tant pis pour l’homonymie) et le y qui serait remplacé par un icycle, système, tyran) ; pour le groupe ph, il suffirait de le remplacer par un f (phénomène, philosophe). " A cela nous répondons tout d’abord qu’une telle proposition s’appuie sur des erreurs : le " i grec " n’a rien d’un " i ", c’est un " u ". De même, le " ph " grec n’a aucun rapport avec un " f " ; c’est un " p " aspiré (pour des raisons propres à la phonétique grecque), raison pour laquelle on l’a transcrit " p " + " h ". Ensuite, nous répondons que maintenir la graphie " ph " permet de rapprocher " op-h-talmique " de " op-tique " ou de " my(o)-ope ", par exemple. Le maintien des graphies permet de travailler le lexique français à partir de semblables rapprochements, et cette légèreté à évincer leur dimension étymologique pose donc un sérieux problème : c’est la possibilité d’accéder à l’explication d’une part importante de l’orthographe lexicale qui disparaît, en sus de la liquidation de l’apport sémantique de l’étymologie."
- Luc Richer

Voilà pour le volet étymologique de l'Argument sémantique.

Et encore Bentolila, à propos de l'orthographe grammaticale:

"Il faut au préalable distinguer orthographe usuelle et orthographe grammaticale. Tout le monde parle de simplifier l'orthographe, mais ce faisant, on mélange tout. Il est hors de question de simplifier la grammaire, car elle traduit la façon de penser la langue. Accorder des participes, conjuguer correctement un verbe sont des processus fondamentaux. Ils donnent à voir que tel verbe va avec tel sujet, que c'est bien celui-ci qui agit et non un autre, qu'un pronom est d'un genre particulier parce qu'il se rapporte à tel nom, que « laquelle » renvoie à Sophie et non à « Pierre ». Celui qui ne maîtrise pas ça ne parvient pas à structurer le monde et ses catégories. Ce qui transparaît à travers l'orthographe grammaticale est la clarté de la pensée."
- Alain Bentolila

L'argument est le même dans les deux cas: s'il fallait rectifier l'orthographe de telle façon qu'elle corresponde plus adéquatement à la prononciation moderne du français, il serait dommage d'éliminer des graphies qui, quoique complexifiant le rapport entre la lettre et le son, sont néanmoins porteuses de sens.

À cet argument très valable on pourrait toujours répondre que l'apprentissage de l'étymologie peut fort bien se passer de telles traces graphiques, que l'information relative à l'étymologie d'un mot peut-être stockée dans une entrée de dictionnaire sans l'être dans la graphie.

1 commentaire:

  1. Tu sais, Pélagie, ce n'est pas parce que c'est ta fête aujourd'hui ( http://nominis.cef.fr/contenus/prenom/1546/Pelagie.html ) que je vais aller dans ton sens. (d'ailleurs y en-a-t-il un ? Toi aussi, il t'arrive de réfléchir :D )

    Cela dit, je dois bien reconnaitre... Que je suis d'accord, il m'a fallu plus de 5 ans pour arriver à réfléchir et me dire "mais boudiou elle a raison, les espagnols, les italiens ne sont pas plus stupides que les français, nous ne perdons pas plus l'étymologie sur les mots en la laissant dans les dictionnaire qu'en l'ignorant simplement!"

    Quant à la grammaire, j'avoue que je suis dubitative, mais c'est peut-être que je trouve vraiment les moyens mnémotechniques pour retenir "j'ai mangé", ou "j'ai à manger" tellement simples...

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